Des principaux vins de fruits

En dehors du raisin, les fruits dont nous parlerons pour la confection de vins sont d'abord les fruits à baies : les groseilles, les framboises, les fraises, les cassis, les mûres et les baies de sureau. Puis viendront les fruits à noyau : les cerises, les merises, les prunes, les abricots et les pêches ; les fruits à pépins : les oranges, les coings, les pommes et les poires.

Nous citerons encore des fruits sauvages comme certaines poires, les fruits de la ronce, les prunelles et les sorbes qui sont surtout propres à préparer des boissons à bon marché.

Nous terminerons enfin par les fruits secs pour en obtenir des boissons de ménage, par l'hydromel et par les vins de fruits de liqueur.

Vin de groseilles à maquereau

Les groseilles à maquereau, même bien mûres, possèdent une acidité prononcée qui est due presque entièrement aux acides malique et citrique, et qu'il est impossible d'affaiblir dans leur jus, si ce n'est en diluant celui-ci dans une certaine quantité d'eau.

On peut préparer ce vin de deux façons différentes. Si l'on lui assurer une longue conservation, et l'améliorer par la disparition partielle de ses acides qui s'éthériseront avec le temps par leur contact avec l'alcool, on lui donnera un titre alcoolique élevé, 16° environ. Si on le destine à une consommation plus immédiate, on le préparera à un titre alcoolique faible, à 9° ou 10°. Le vin à 16 % d'alcool sera mis en fermentation dans les proportions de 10 kg de fruit, 7 l d'eau et 4,3 kg de sucre ; celui à 10 % d'alcool, dans les proportions de 10 kg de fruit, 10 l d'eau et 2,7 kg de sucre.

Les groseilles sont mondées et débarrassées de leurs queues.

Elles sont écrasées dans un cuvier ou dans un moulin. On ajoute à la masse écrasée les deux tiers ou la moitié de l'eau à employer, qui sera légèrement tiède. On délaie bien le tout. On filtre dix à douze heures après, à travers un panier garni de paille ou un sac de canevas grossier. Le liquide obtenu est versé dans la cuve, ainsi que le jus qui coule du marc légèrement exprimé. Le marc est ensuite délayé dans le restant de l’eau tiède. Quelques heures après, on filtre ce second liquide et l'on exprime le marc. On joint ce nouveau jus au précédent.

On verse alors dans la cuve le sucre à l'état de sirop, après l’avoir interverti. Si c'est du vin à 16 % d'alcool que l'on prépare, on ne versera d'abord que le tiers du sirop. Le second tiers sera versé six jours après la mise en fermentation, et le troisième tiers, six jours après ce dernier. On a le soin d’agiter avec un bâton le fond de la cuve et la masse du liquide en même temps, pour que le sirop soit bien délayé. La fermentation se fera dans un récipient à étroite ouverture, puisque ici nous n’avons pas de marc.

On s'assure de la température du liquide, et, dans le cas où elle n'atteindrait pas 25° environ, on chauffera une partie du jus, que l'on mélangera ensuite dans la cuve. Le maximum de température, au début, doit être entre 25°et 30°.

On verse alors la levure, que l'on mélange bien à la masse. Nous avons dit précédemment que, si cette levure est représentée par un levain de raisins, celui-ci doit être préparé une semaine à l'avance. La fermentation ne tardera pas à s'établir un à deux jours après. On observera à son égard les règles que nous avons énumérées ci-dessus. Pour le bon achèvement du vin, on se reportera à celles que nous avons indiquées pour le vin ordinaire dans les Chapitres V, VI et VII.

Le vin de groseilles à maquereau manque de bouquet, aussi lui ajoute-t-on quelquefois de l'iris en poudre. Pour que le parfum ainsi obtenu ne soit pas trop sensible, il convient de n'ajouter l'iris que par petites quantités successives jusqu'à la limite désirable, en commençant par100 g pour 1 hl, mais en ne dépassant pas 200 g. Il est préférable, cependant, pour le parfumer, de remplacer un cinquième du fruit par des framboises, qui ajouteront au bouquet une couleur agréable et donneront au vin des qualités bien plus remarquables.

Vin de groseilles à grappes

Les groseilles sont égrappées, écrasées et traitées de la même façon que les groseilles à maquereau. Le vin se prépare aussi par les mêmes procédés. (Voir de plus : Généralités sur les vins de fruits.)

Vin de framboises

Nous avons décrit à la page 210, d'après M. Rommier, un procédé pour obtenir un vin de framboises à 18 % d'alcool. La framboise, étant toujours très acide, communique au vin une acidité trop prononcée. Il convient donc d'ajouter de l'eau à la framboise. Pour 10 kg, de framboises nettoyées et écrasées, on ajoutera7 l d'eau. On mettra ce mélange en fermentation, en y ajoutant de la levure de vin et 4,100 kg de sucre à verser successivement. (Voir : Généralités sur les vins de fruits.) La température étant bien réglée, la fermentation durera une vingtaine de jours. On soutirera alors la partie limpide, on filtrera le restant au travers d'une chausse et l’on exprimera le marc. Le vin ainsi obtenu sera laissé en repos, à l'abri de l'air, dans un fût plein ou dans des flacons. On le soutirera de nouveau, et on le mettra alors en bouteilles.

Vin de fraises

Les fraises, comme les framboises, ne peuvent donner que des vins de luxe, à cause de leur prix généralement élevé ; mais ce sont des vins de dessert exquis, lorsque surtout on les conserve pendant deux ou trois ans.

La fraise étant moins acide que la framboise, on en prépare le vin sans addition d'eau.

Le fruit est choisi bien mûr, et est mis en fermentation après l'avoir émondé, écrasé et additionné de levure de vin.

Pour 10 kg de fruit, on ajoute successivement, pendant la fermentation, 1,6 kg de sucre. Celle-ci étant achevée, le vin renfermera environ 16 à 18 % d'alcool. Les soins à donner au vin sont les mêmes que pour le vin de framboises. ( Voir de plus : Généralités sur les vins de fruits.)

Vin de cassis

Les cassis, commençant à arriver à leur maturité, sont égrainés et écrasés dans un cuvier en bois où on les abandonne pendant vingt-quatre heures. On exprime le jus au travers d'une toile grossière ou d'un tamis. Le marc est alors arrosé de la quantité d'eau nécessaire pour l'immerger, puis abandonné dans le cuvier pendant douze heures et exprimé de nouveau Le premier et le second jus sont réunis et additionnés de levure de vin et de sucre.

Pour 10 l de jus, on ajoute successivement, pendant la fermentation, 2 kg à 3 kg de sucre, selon l'état de maturité du fruit. La fermentation s'opère dans un tonneau presque plein, et, dès que le mouvement tumultueux s'est apaisé, on place sur la bonde un tampon qui ne se soulève que sous la pression du gaz carbonique. Au soutirage, on ajoute par hectolitre de vin 60 g à 80 g de sel marin préalablement dissous dans 1 l de vin. (Voir : Généralités sur les vins de fruits.)

Vin de mûres et de mûres sauvages

La préparation de ce vin est la même que celle du vin de cassis. La quantité de sucre est de 2 kg pour 10 l de jus, à ajouter successivement pendant la fermentation. Lorsque le vin est confectionné avec les mûres noires comestibles ou avec les fruits de la ronce ou mûres sauvages, sa coloration est très intense et il peut servir à colorer d'autres vins de fruits.

Vin de baies de sureau

Ce vin est remarquable par l'intensité de sa couleur d'un beau rouge vineux, aussi sert-il quelquefois frauduleusement de colorant pour les vins communs. Il peut cependant être employé à donner une belle couleur aux vins de fruits.

Pour 10 kg de ce fruit, que l'on a d'abord écrasé, on prépare 5 l d'eau chaude dans laquelle on fait dissoudre 30 g de bitartrate de potasse et 12 g d'acide tartrique. On laisse refroidir cette eau à la température de 30°, puis on la verse dans la cuve avec le fruit et la levure de vin. La masse étant en fermentation, on l'additionne successivement de 3 kg de sucre. (Voir : Généralités sur les vins de fruits.)

Vins de raisins manquant de maturité

Lorsque les raisins sont incomplètement mûrs, ils renferment peu de sucre et ne peuvent donner qu'un vin faible en alcool ; mais leur acidité est telle que le vin est aussi dangereux et désagréable à boire que l'était le fruit à être consommé. On peut, cependant, obtenir avec ces raisins, qui n'ont qu'un commencement de maturité, un vin de qualité très satisfaisante et de bonne conservation.

Après les avoir écrasés et débarrassés des rafles, on leur ajoute, pour 1 kg de raisin, 1 l d'eau tiède et 300 g de sucre interverti. Ce sucre peut être dénaturé sous les yeux des employés de la Régie, comme nous l'avons indiqué dans le Chapitre X, afin de bénéficier de la réduction des droits. Dans ce cas, il faut pouvoir employer 100 kg, de sucre au minimum, et ce sucre peut à la fois viser le sucrage de la vendange et le sucrage des marcs.

La température de la masse étant à 25° - 30°, on la met en fermentation en y ajoutant de la levure de vin.

On se reportera, pour les soins à donner à la fermentation et au vin après le décuvage, aux explications que nous avons développées dans le Chapitre III et les suivants. Ce vin ne peut être désigné commercialement que sous le nom de vin de sucre.

Piquettes de marcs

Dans le Chapitre XI, nous avons montré que le meilleur profit à tirer des marcs de raisin était d'en faire des vins de sucre ou de seconde cuvée. Des viticulteurs les traitent cependant pour en obtenir de la piquette. La piquette est un petit vin obtenu par le lavage des marcs de raisins ou des marcs de tout autre fruit.

Après le pressurage, on remet le marc dans la cuve en ayant le soin de bien l'émietter. Avec le marc de raisin, on ajoute une quantité d'eau un peu tiède qui peut varier entre le tiers et le quart du vin soutiré. La température de la cuve doit être entre 25° et 30°. On Coule le marc de temps en temps au moyen de bâtons et, au bout d'un ou deux jours, on soutire la piquette à laquelle on joint ensuite le jus obtenu par la pression du marc. Il existe un procédé méthodique de lavage des marcs pour en obtenir de la piquette destinée à la consommation ou à la distillerie, qui permet un épuisement plus complet des principes vineux qu'ils renferment encore.

On réunit, à côté les unes des autres, des cuves en maçonnerie ou en bois qui sont munies d'un double fond percé de petits trous. La partie supérieure de chaque cuve correspond au moyen d'un tube avec le fond de la cuve suivante. Si l'on suppose toutes ces cuves pleines de marc pressé, et que dans la cuve A³ on introduise de l'eau par le tube qui débouche dans le fond, cette eau s'y élèvera de pas en haut, et, lorsque la cuve sera pleine, la partie supérieure du liquide sera la plus riche en alcool et en principes extractifs du marc.

Cuve.

Fig. 1 : Cuves pour l’épuisement des marcs.

Après deux à trois heures de macération, on fait passer par le tube une nouvelle quantité d'eau dans le fond de la cuve A³. Comme celle-ci est déjà pleine, elle déversera son trop plein dans la cuve A² par le tuyau b³ qui les met en communication. Le liquide s'élèvera alors dans A² qui finira par se remplir.

Deux à trois heures après, on recommence à verser de l'eau dans A³. Le liquide remplira cette fois A1. On continue ainsi jusqu'à ce que la dernière cuve soit pleine. Lorsque le liquide sort de la dernière cuve, il s'est enrichi de plus en plus en traversant successivement toutes les cuves. Il représente une piquette dont les qualités se rapprochent d'autant plus de celles d'un vin complet que le marc provient de vendanges mieux réussies. On recueille cette piquette.

En ce moment, le marc de la cuve A³, qui a reçu de l'eau constamment renouvelée, se trouve épuisé. On retire ce marc, on le remplace par du marc frais, et l'on fait communiquer au moyen d'un tuyau la partie supérieure de la dernière cuve avec le fond de la cuve A³.

Dans le circuit, c'est la cuve A² qui remplace maintenant la cuve A³. En ouvrant, vers le bas de la cuve A², le robinet qui fournit l'eau, le liquide circule dans toutes les cuves, et vient remplir enfin A³, et lorsque cette cuve déverse, on en recueille la piquette. On enlève alors le marc de A² qui est épuisé, on le remplace par du frais, et, cette fois, c'est par A1 que l'eau est introduite. On continue ainsi l'opération de cuve en cuve jusqu'à ce que tout le marc dont on dispose soit traité.

Vin de cerises. Vin de merises

Si l'on désire obtenir un vin de cerises titrant seulement 8 à 10 % d'alcool, et qui pourra être consommé dès qu'il se sera éclairci après sa fermentation, on le préparera ainsi :

On foule dans un cuvier le fruit bien mûr, et l'on met la masse à fermenter dans un tonneau, c'est-à-dire le jus, le marc, les queues et les noyaux non brisés en ajoutant 50 g de sucre, plus 2 g de bitartrate de potasse par kilogramme de cerises, et de la levure de vin.

Pour obtenir un vin de cerises riche en alcool, 16 à 17 %, se conservant longtemps et s'améliorant en vieillissant, on procédera ainsi :

Choisir les cerises dès qu'elles commencent à être mûres et les écraser de façon à détacher là pulpe sans briser les noyaux. On abandonne la masse dans un cuvier pendant vingt-quatre heures. On presse ensuite la pulpe sur un tamis à grosse toile métallique dont les mailles ne laissent pas passer les noyaux. On met alors le jus et la pulpe à fermenter dans un tonneau en leur ajoutant de la levure de vin et 200 g de sucre par litre du mélange. Ce sucre est versé par fraction, pendant la fermentation ainsi que nous l'indiquons dans les Généralités sur les vins de fruits, auxquelles d'ailleurs il faut se reporter pour les soins à donner à ces vins pour chacune de ces deux méthodes.

Pour aromatiser le vin de cerises, on ajoute quelquefois à ce fruit une petite quantité de framboises, 10 % au plus. On peut le parfumer aussi avec de la poudre d'iris à raison de 15 g par 10 l de vin.

Le vin de merises se fait de même.

Vin de prunes

Le vin de prunes, contenant 9 à 10 % d'alcool et pouvant être consommé de suite après son éclaircissement, sera ainsi préparé :

Les prunes devront être bien mûres. Elles seront écrasées, les noyaux restant intacts. Pour 10 kg de fruit, on ajoutera 3 l d'eau. Après le malaxage, on dissoudra dans la masse 30 g de bitartrate de potasse, 12 g de plâtre pulvérisé et 1 kg de sucre. Le tout sera versé dans un tonneau à la température de 25° à 28°, en y ajoutant la levure de raisin. En n'employant pas de sucre, le titre alcoolique se trouvera à peu près de moitié plus faible.

Le vin de prunes titrant 16 % d'alcool environ est susceptible d'une longue conservation et d'une plus grande amélioration. Voici comment on le prépare : Les prunes seront choisies de préférence sans excès de maturité. On les écrasera et on laissera la pulpe en repos dans un cuvier pendant trente-six heures. Puis on la malaxera de nouveau, on la passera sur un tamis grossier pour y retenir les noyaux et on la mettra en fermentation dans un tonneau avec de la levure de vin et les sels indiqués ci-dessus. Dans le cas où la pulpe serait trop pâteuse, on lui ajoutera la quantité d'eau à peine nécessaire pour lui donner un peu de fluidité. Pour 10 l de jus ainsi obtenu, on aura à y dissoudre 1,4 kg de sucre par fractions séparées, ainsi que nous l'indiquons dans les Généralités sur les vins de fruits auxquelles on doit se reporter pour les autres détails.

Vin d'abricots. Vin de pêches

La préparation de ces vins est la même que celle du vin de prunes.

Vin d'oranges

Les qualités rafraîchissantes de ce vin sont plus ou moins développées, selon le degré de maturité du fruit, et par suite selon son degré d'acidité. Cette acidité est surtout constituée par l'acide citrique.

Pour obtenir environ 45 l de ce vin à 18 % d'alcool, on enlève d'abord le zeste de trente-cinq oranges (partie jaune de l'écorce) au moyen d'un couteau dont la lame ne soit pas en fer. Le fer noircit le zeste et le liquide à obtenir. On fait macérer ce zeste dans 10 l d'eau pendant quatre ou cinq jours. On exprime ensuite des oranges arrivant à peine à maturité pour en obtenir 20 l de jus. Ce jus est mélangé aux 10 l précédents qui auront été décantés et à 10 autres litres d'eau. Dans ce mélange mis en fermentation avec de la levure de vin, on verse successivement 12 kg de sucre. Cette fermentation se fait dans un récipient fermé où l'on ne pratique qu'une petite ouverture pour le passage du gaz carbonique. Elle dure environ vingt jours, si l'on a le soin de maintenir la température à 30°. Lorsque la fermentation est achevée, on remplit du vin obtenu un ou plusieurs grands flacons que l'on bouche bien, car ce vin craint le contact de l'air. Les flacons seront remplacés par des tonneaux préalablement soufrés, si l'opération est faite en grand. Le soufrage, est le remède aux moisissures qui peuvent se produire. Lorsque le vin s'est éclairci, on le décante, on le colle et on le met en bouteilles. Pour les autres détails, se reporter aux Généralités sur les vins de fruits.

Selon la nature des oranges, leur point de maturité et la qualité du vin que l'on désire obtenir, on augmentera ou l'on diminuera la quantité de zeste et la quantité d'eau, celle du sucre étant toujours en rapport avec le volume du liquide à faire fermenter. L'expérience seule peut indiquer les modifications heureuses que l'on peut apporter à la formulé précédente.

Le jus d'orange manque des sels utiles à la fermentation et à la composition normale du vin. Nous conseillons d'ajouter pour 1 hl de vin à mettre en fermentation :

Tartrate neutre d'ammoniaque 30 g
Phosphate bibasique d'ammoniaque 40 g
Phosphate bipotassique 40 g
Sulfate de chaux (plâtre) 100 g
Sel marin 30 g
Bitartrate de potasse 100 g

Si le jus était très acide, il conviendrait de remplacer le bitartrate de potasse par 100 g de carbonate de potasse.

Vin de coings

Ce qui caractérise le vin de coings, c'est l'intensité de son parfum. On peut l'employer à donner du bouquet à des vins de fruits qui en manqueraient. Pour  kg de fruit, on emploie 25 l d'eau et 4 kg de sucre, 6 kg ou 8 kg, selon que l'on veut obtenir un vin à 9, à 12 ou à 16-17 % d'alcool.

Les coings seront choisis bien mûrs. On les divise en gros fragments et, après avoir enlevé les pépins, on les jette dans de l'eau bouillante que l'on vient de retirer du feu, de façon à les en couvrir. Lorsque le liquide est refroidi, on les écrase, on malaxe le tout et on le verse dans le tonneau pour le faire fermenter. On ajoute en même temps la levure de vin et la moitié du sucre qui sera dissous dans le complément des 25 l d'eau. On peut y joindre les sels que nous venons d'indiquer pour le vin d'oranges, et dans les mêmes proportions pour 1 hl de vin à préparer. Le sixième jour de fermentation, on ajoute dans la cuve l'autre moitié de sucre dissous à l'avance dans quelques litres du vin en fermentation. On se reportera, pour les autres détails, aux Généralités sur les vins de fruits.

Cidre ou pommé (vin de pommes)

Le cidre représente en France, après le vin, la boisson alcoolique la plus répandue. Sa production et sa consommation sont, année moyenne, de 12 millions d'hectolitres, Elle s'est élevée en 1893 à plus de 31 millions d'hectolitres. La destruction d'une partie des vignobles par le phylloxera a contribué à l'extension de la culture des pommiers et à améliorer la fabrication du cidre dans le sens de mieux assurer la conservation de ce liquide, de le rendre plus tonique et plus agréable au goût.

Les pommes les plus propres à la fabrication du cidre ne sont pas celles que l'on destine à la table et que l'on appelle pommes de couteau. Elles doivent avoir des qualités spéciales. Sur quelques centaines de variétés de pommiers, on n'en cultive guère qu'une douzaine comme reconnus les plus aptes à cette fabrication. M.G. Rivière, professeur d'Agriculture et directeur du Laboratoire agronomique de la Mayenne (Rivière et Fontaine, La culture du pommier et la fabrication du cidre. Château-Gontier, chez H. Leclerc, libraire), dans un opuscule auquel nous faisons quelques emprunts, a très bien établi les principes sur lesquels sont basées la culture du pommier et la fabrication du cidre.

Les pommiers sont divisés en trois saisons, selon l'époque de la maturité de leurs fruits : août, septembre, octobre, novembre, décembre. Les bonnes variétés de pommes contiennent 10 à 12 % de sucre. Au-dessous de ce chiffre, le cidre obtenu est trop pauvre en alcool, il se conserve difficilement, il est porté à s'acétifier et à prendre une dureté particulière bien connue des consommateurs. Elles doivent renfermer une riche proportion de tannin, 4 g à 5 g par litre de jus ; le tannin concourt, avec l'alcool, à la conservation du cidre. Elles doivent être parfumées au moment de leur maturité, car ce parfum se communique au cidre et le rend beaucoup plus agréable. Les variétés de pommiers à petits fruits sont préférables au point de vue du parfum, parce que c'est sous la peau du fruit que se trouve la partie la plus parfumée et la plus succulente, un petit fruit ayant, relativement à son poids, plus de surface qu'un gros fruit.

Ce sont les cidres de deuxième saison qui sont le plus recherchés pour leurs qualités et que l'on met de préférence en bouteilles. Les fruits de deuxième et troisième saison doivent être mis en petits tas sous des hangars où ils achèvent leur maturité et où on les remue de temps à autre jusqu'au moment de les employer.

Les pommes à cidre sont classées en trois catégories, selon le goût qui les caractérise. Les pommes à suc doux, à suc doux-amer et à suc acide. Les pommes douces produisent un cidre agréable à boire pendant les premiers mois, mais il ne se conserve pas, ce qui est dû sans doute à son peu de richesse en tannin. Les pommes amères-douces donnent un cidre de bonne conservation. Les pommes acides donnent un cidre de qualité inférieure. Pour obtenir un cidre qui soit à la fois de bon goût et de bonne garde, on le prépare avec un tiers de fruits doux et deux tiers de fruits amers. Si l'on veut développer davantage son goût et l'obtenir plus doux, on mélange deux parties de fruits doux à une partie de fruits amers. Le cidre doit être fabriqué dès que la pomme est arrivée à sa maturité, ce que l'on reconnaît à l'odeur éthérée et parfumée qui se dégage du fruit. Il est toujours désavantageux d'employer les fruits trop verts ou trop mûrs.

Les pommes vertes renferment 4 à 5 % de sucre
Les pommes mûres renferment 11 % de sucre
Les pommes blettes renferment 7 % de sucre

Le cidre pur est celui que l'on obtient sans addition d'eau. Pour obtenir un cidre de bonne qualité et susceptible de pouvoir se conserver, il ne faut pas ajouter de l'eau pendant sa préparation. Le bon cidre se conserve très bien pendant deux à trois ans. Celui qui est employé pour la consommation journalière est le plus souvent allongé de moitié d'eau ; aussi est-il exposé à s'altérer en peu de temps. Il serait préférable de renoncer à ce mouillage et de faire ensuite du petit cidre avec le marc pressé.

Cuve.

Fig. 2 : Broyeur pour pommes.

Concassage

Au lieu de réduire les pommes en bouillie au moyen d'une meule, il vaut mieux les concasser par petits morceaux. Parmi les concasseurs les plus employés, nous indiquerons le broyeur Simon (fig. 4).

D'après cette dernière figure, on voit qu'il se compose d'un seul arbre muni d'un cylindre armé de palettes mobiles en­trant et sortant du cylindre pendant la rotation. Ces palettes entraînent les fruits et les obligent à suivre le mouvement du cylindre pour être broyés contre une plaque munie de rainures appelée dossier. Ce dossier est articulé et maintenu a l'écartement voulu du cylindre par une vis qui règle le degré de broyage. Ce broyeur, au lieu d'être mis en mouvement par un ou plusieurs hommes, peut être actionné par un manège.

Cuve.

Fig. 3 : Coupe du même broyeur pour pommes.

La figure suivante montre la disposition d'un manège avec arbre incliné à genouillère, ce qui supprime les courroies et les chaînes.

Un autre genre de broyeur, très usité également, est celui que montre la fig. 5. Il est essentiellement composé de deux noix en fonte parfaitement ajustées, et dont les dents s'engagent les unes dans les autres. Le mouvement est sans engrenages ou avec engrenages.

Cuve.

Fig. 4 : Broyeur Simon monté sur pieds, avec manège à 1 cheval.

Ces deux systèmes de broyeur peuvent traiter de 6 hl à 40 hl de pommes à l'heure, selon la force motrice dont ils sont susceptibles. La pomme étant réduite en pulpe, on laisse macérer celle-ci pendant douze à quinze heures, jusqu’à ce qu’il se produise un commencement de fermentation, et on la remue de temps à autre, afin d'exposer à l'air les différentes couches. La pulpe ainsi aérée fermente mieux, se colore et communique sa couleur au cidre ; de plus, elle se trouve dans de meilleures conditions pour le pressurage.

Cuve.

Fig. 5 : Broyeur Lacroix de Caen.

La pomme à cidre renferme en moyenne sur 1000 parties de jus :

La pomme à cidre renferme en moyenne pour 1000 parties de jus 
Eau 800
Sucre 173
Tannin 5
Mucilage 12
Acides libres (par rapport à l'acide sulfurique S04 H2 ) 1,07
Albumine 5
Sels divers 1,75
Substances diverses 2,18

Plus la pression à laquelle la pulpe est ensuite soumise pour en extraire le jus est considérable, et plus le jus est sucré et parfumé. Les anciens pressoirs ne donnaient qu'un faible rendement ; avec les nouveaux appareils de pression, on obtient de 60 à 70 % de jus du poids des fruits, c'est-à-dire le double. Les pressoirs que nous avons décrits pour le vin dans le Chapitre VI peuvent également servir pour le cidre.

Cuve.

Fig. 6 : Pressoir à cidre.

Lorsqu'ils ne sont pas munis d'une cage, le marc est placé sur la maie par couches de 10 cm à 12 cm d'épaisseur, séparées par des toiles de chanvre ou de crin, des claies en osier, des panneaux en bois mince, ou simplement de la paille (fig. 6). L'emploi de la cage ou claie circulaire (fig. 7) dans laquelle le marc peut être jeté à la pelle, permet d'aller beaucoup plus vite. Il est ce pendant préférable de diviser le marc par couches comme dans la forme carrée. La pression doit se faire lentement, afin Je laisser au cidre le temps de s'écouler.

Lorsque l'on a des, quantités de pommes un peu considérables à traiter, l'emploi des presses continues permet d'agir en moins de temps et avec moins de difficulté qu'avec les appareils précédents, parce qu'elles suppriment la majeure partie de la main-d'œuvre.

Cuve.

Fig. 7 Pressoir du Crédit agricole.

La presse continue Simon, dont la fig. 8 donne la coupe, comporte deux parties principales : 1° Le rouleau compresseur A pourvu de deux joues B formant filtre et permettant l'écoulement des liquides ; 2° la chaîne sans fin C entraînée par la roue dentée D. Cette chaîne sans fin glisse dans un coursier E excentré par rapport à l'axe du rouleau.

Cette combinaison de la chaîne sans fin et du rouleau forme, ainsi que l'indique la figure, un coin très allongé qui permet la compression progressive de la matière à sécher. La chaîne métallique C est enveloppée ,par une courroie sans fin. Les différentes flèches font voir le chemin suivi par la matière comprimée qui, versée dans la trémie, suit le chemin J, sort en K et vient tomber dans le conduit L. Avec cet appareil,le rendement du jus en poids en première pression varie de 65 à 70 %, selon la nature des pommes. En repassant les marcs une ou deux fois, ce rendement peut s'élever à 80 %.

Nous avons dit que les cidres de qualité et de bonne conservation s'obtiennent sans addition d'eau, mais que l'on prépare quelquefois du cidre pour la consommation journalière pouvant contenir jusqu'à moitié d'eau. Dans ce dernier cas, après la première pression, on repasse le marc au broyeur, on le met macérer dans des cuves pendant douze à quinze heures, et on lui ajoute de l'eau pouvant s'élever jusqu'à 25 l à 30 l par hectolitre de pommes employées.

Cuve.

Fig. 8 Presse continue Simon.

On mélange ensuite le liquide que l'on obtient par la seconde pression de ce marc avec celui de la première pression. Une autre méthode de confection du cidre consiste à broyer les pommes et à mettre la pulpe en macération, comme nous l'avons indiqué pour le cidre pur. Puis on remplit de cette pulpe des vases dans lesquels on extrait le jus par diffusion. Le traitement est le même que celui que nous avons expliqué précédemment pour obtenir la piquette de vin par le lavage des marcs.

L'eau à ajouter au cidre, soit par cette méthode, soit par la précédente, doit être pure et de bonne qualité.

Que le jus soit pur ou additionné d'eau, des qu'il sort du pressoir, on le verse dans des tonneaux où on laisse un vide de 10 cm, à cause du gonflement pendant la fermentation.

Fermentation

Emploi des levures pures de cidre. La fermentation doit se faire à la température de 12° à 15°. Elle s'opère donc lentement et dure plusieurs semaines. Les ferments alcooliques ou levures de la pomme se trouvent à la surface de la peau du fruit, sur laquelle se trouvent aussi de nombreuses moisissures et bactéries qui sont souvent un obstacle à une bonne fermentation. Aussi, il arrive que celle-ci est interminable, surtout lorsque le ferment naturel manque de vigueur. Il reste alors dans le cidre un excès de sucre, le liquide ne s'éclaircit pas et s'altère facilement.

M. Jacquemin cultive les bonnes levures de cidre et obtient par leur emploi des fermentations beaucoup mieux réussies. Voici comment il en recommande l'emploi (Georges Jacquemin Étude des perfectionnements apportés dans la culture et l'emploi des levures. 1893 ; Nancy, Imprimerie Nancéienne) :

Il est bon de commencer par laver les pommes à grande eau pour enlever les ferments ordinaires. Puis, opérant comme pour les levures de vin, on verse la levure sans aucun retard sur les pommes à mesure qu'elle sont écrasées, afin que ce soit le ferment pur qui, trouvant le champ encore inoccupé, puisse évoluer et faire fermenter la masse. Dans ces conditions, 1 l de levure peut suffire à 3 hl ou 5 hl de cidre. Mais il vaut mieux opérer de la façon suivante, qui consiste à préparer un levain ou pied de cuve.

On prépare, avec des pommes soigneusement brossées et lavées à l'eau pure, une certaine quantité de jus, qu'on introduit dans un fût bien propre. Cette opération doit se faire rapidement, avec des ustensiles parfaitement nettoyés. Pour chaque litre de levure pure, on ajoute 20 l de jus de pommes dans le fût.

La fermentation du levain s'établit en peu de temps sous l'influence de la levure pure. La température doit être de 25°. On attend trente à quarante heures, puis on se sert de ce levain pour mettre le cidre en fermentation, en ayant soin de l'employer sans le moindre retard, avant que les ferments naturels aux pommes aient pu commencer leur action. Dans ces conditions, 1 l de levure pure suffira à améliorer 5 hl à 12 hl de cidre. Mais il est bien évident que l'amélioration est d'autant plus grande, dans une certaine mesure, qu'on aura employé davantage de levure pure ; aussi pourra-t-on préférer, dans certains cas, se servir de 1 l de levure pure pour 4 hl à 6 hl seulement.

Il faut avoir soin, autant que possible, d'opérer les fermentations à la température de prédilection de la levure, qui est de 19 à 20°. Au-dessous de 15°, la levure perdrait un peu de son activité et il faudrait en employer plus que si l'on s'astreint à maintenir une bonne température qui ne doit pas être inférieure à 17°. Il est bien entendu que c'est seulement pendant la durée de la fermentation tumultueuse qu'il est nécessaire de maintenir cette température dans le cellier où se passe la fermentation ( Dans une nouvelle brochure : Emploi rationnel des levures pures sélectionnées pour l'amélioration des boissons alcooliques (vin, cidre etc.), 1894 (Nancy, Imprimerie Nancéienne), M. Georges Jacquemin donne des détails plus complets encore sur la fermentation du cidre par les levures pures.).

Soutirage

Le cidre est soutiré cinq à six semaines après sa mise en fermentation. Le liquide se trouve alors entre deux lies et le soutirage se fait le plus souvent au moyen d'un siphon. Les lies sont réunies dans un fût où elles s'éclaircissent. Elles peuvent être filtrées comme celles du vin.

Collage

Après le soutirage, le cidre est immédiatement collé. Comme ce liquide renferme une grande proportion de matières albumine uses qui restent en suspension et le troublent, il est inutile de le coller à la colle animale. Il suffit d'y ajouter du tannin qui, se combinant à ces matières et les rendant plus denses, les entraîne dans la lie et éclaircit de cette façon le cidre. On dissout dans 1 l de cidre 25 g à 30 g de cachou pulvérisé pour coller ainsi 1 hl dans lequel on mélange intimement la solution. Pour un fût de6 hl, on dissoudra 150 g de cachou dans 6 l. On fait ensuite le plein du fût, on recouvre la bonde avec une planchette et on laisse s'achever la fermentation lente.

Lorsque celle-ci est terminée, la densité du cidre est alors d'environ 1 022 ou de 3° Baumé. On fait le plein du fût, on laisse un vide de quelques centimètres et l'on bouche.

Le second soutirage ne se pratique qu'au moment de la livraison ou de la consommation.

On peut commencer à boire le cidre dès le cinquième mois de sa confection. L'habitude de tirer de la pièce au fur et à mesure de la consommation offre un grand inconvénient lorsque la pièce doit rester quelque temps en vidange. Le cidre se trouve alors en contact avec l'air introduit dans le fût, il devient dur et s'aigrit. En versant par la bonde une petite quantité d'huile d'olive de bonne qualité, celle-ci recouvre la surface du liquide et le préserve de l'action de l'air. Lorsque la fermentation du cidre pur est achevée et que sa clarification est complète, le meilleur moyen de le conserver et de l'améliorer sera de le mettre en bouteilles. Le cidre convient surtout aux personnes qui mènent une vie sédentaire. C'est une boisson rafraîchissante et hygiénique pendant les chaleurs de l'été, qui est en même temps un préservatif de la goutte.

Noircissement du cidre

Il arrive parfois que le cidre noircit lorsqu'on en remplit une bouteille. On corrige ce défaut en ajoutant 30 g à 50 g d'acide tartrique par hectolitre.

Sucrage

Ce que nous avons dit à propos du sucrage de la vendange à droits réduits s'applique au sucrage du cidre. Par l'art 7 du règlement administratif, nous avons vu, à la page 181, que l'on peut ajouter 10 kg à 15 kg de sucre par 5 hl de pommes. Dans les années humides, les fruits renferment peu de sucre. Le cidre étant alors pauvre en alcool éprouve de grandes difficultés à s'éclaircir, et, en restant trouble, il est très sujet à s'acétifier de bonne heure. Le meilleur remède est le sucrage au moment de la mise en macération.

Pour élever de 1 % la richesse alcoolique d’un cidre, il faut ajouter à 1 hl de jus 1,7 kg de sucre. On peut très bien employer ainsi jusqu'à 6 kg de sucre par hectolitre de jus. Le sucrage demande que la fermentation se fasse à une température un peu plus élevée, soit 20°. Il est, de plus, nécessaire que le sucre soit interverti par la chaleur et un acide ; on se reportera à ce sujet à ce que nous avons dit sur l'interversion du sucre. Si l'on ne suivait pas ces prescriptions, il est probable que la fermentation ne serait pas suffisamment complète. Un apport de levures cultivées du cidre est très utile aux cidres qui ont été sucrés.

Petit cidre

Malgré une pression énergique, le marc qui a été traité sans eau renferme encore 10 à 15 % de jus du poids des fruits. Pour obtenir ce jus, on remet le marc qui a été pressé dans une cuve, où on le brasse de temps en temps après l'avoir humecté d'eau très propre. Il ne faut pas employer plus de 25 l d'eau par hectolitre de marc du premier cidre. Si l'on désirait dépasser cette quantité, il conviendrait d'ajouter 80 g de sucre par litre d'eau supplémentaire. Après le brassage dans la cuve, on repasse le marc au broyeur et on le met à macérer douze ou quinze heures. On presse de nouveau, et le jus mis à fermenter représente le petit cidre. Si l'on ajoute du sucre, on suivra les indications que nous venons de donner pour le sucrage du cidre. À moins d'une consommation immédiate, cette boisson ne doit pas être mélangée au premier Cidre. On altérerait dans ce cas les qualités de conservation de ce dernier.

Cidre de ménage

Les fruits sont écrasés, cuvés et portés sous presse comme pour le cidre ordinaire. On recueille le jus. Le marc est repassé au broyeur et mis dans une cuve avec une quantité d'eau égale au volume du premier jus. On laisse macérer douze à quinze heures en pelletant de temps à autre. On presse de nouveau. Le marc est démonté, et l'on répète la même opération que précédemment en ajoutant la même quantité d'eau. On exprime une troisième fois. Tout le liquide obtenu est mis à fermenter dans des tonneaux et on le soutire dès la fin de la fermentation tumultueuse, pas plus tard. Deux mois après, le cidre est prêt à boire. Pendant ce temps, on le colle au cachou comme le cidre ordinaire. Cette boisson ne se conserve pas, elle s'aigrit facilement avec les chaleurs. On l'améliore beaucoup et elle se conserve plus longtemps en lui ajoutant, avant la fermentation, pour chaque litre d'eau, 50 g de sucre. Ce sucrage est fait selon les indications précédentes.

Poiré (vin de poires) - Petit poiré
Poiré de ménage

Le jus de la poire donne par fermentation le poiré. Cette boisson, par rapport au cidre, est moins nourrissante, plus excitante et produit une ivresse plus dangereuse. Elle présente la même odeur vineuse que le vin blanc dont elle a la couleur ; aussi, lorsqu'on ajoute au poiré de la levure cultivée afin de mieux régulariser sa fermentation, choisit-on de préférence une levure sélectionnée de vin blanc, que l'on emploie comme celles pour le cidre. On mélange quelquefois une certaine quantité de poires aux pommes destinées à la fabrication du cidre dont elles relèvent alors la qualité. Les poires, dans la fabrication du poiré, subissent le même traitement que les pommes pour le cidre. La fabrication du poiré, du petit poiré et du poiré de ménage est la même que celle du cidre, du petit cidre et du cidre de ménage, il est donc inutile que nous nous répétions à ce sujet.

Boisson de fruits sauvages

Les poires et pommes sauvages, les prunelles, les cormes, les cornouilles peuvent servir à la préparation d'une boisson économique, soit séparément, soit mélangées ensemble ou à d'autres fruits. On corrige l'âpreté de ces fruits en les soumettant d'abord à la cuisson dans la quantité d'eau nécessaire pour les submerger. On les écrase ensuite, on les brasse dans l'eau de cuisson, on exprime le marc et l'on fait fermenter le jus obtenu dans un tonneau en ajoutant de la levure de vin. Pour celle-ci et pour les autres détails, on se reportera aux Généralités sur les vins de fruits. Ces sortes de boissons provenant de, fruits peu sucrés sont nécessairement pauvres en alcool. On peut leur ajouter, au moment de la mise en fermentation, 100 g de raisins secs de Corinthe, ou 50 g de sucre, par litre d'eau employé, ce qui est suffisant pour élever leur titre alcoolique à 4°.

Boissons de fruits secs

Avec les pommes tapées, les poires tapées, les pruneaux, les figues sèches et les dattes, on obtient des boissons alcooliques qui sont à la fois de bon goût et économiques.

Les fruits sont divisés en fragments et mis en digestion dans de l'eau chaude, à raison de 2 l de celle-ci pour 1 lkg de fruits. Si ces fruits tendent à surnager, on les refoulera dans le liquide au moyen d'une claie ou d'une planchette maintenue d'une façon fixe. Au bout d'un à deux jours, lorsqu'ils se seront gonflés, on les écrasera soit avec un concasseur mécanique, soit avec un pilon ou un fouloir. On malaxera la pâte, on lui ajoutera de la levure de vin et on la laissera en macération jusqu'à ce qu'il se manifeste un commencement de fermentation. On la pressera alors et l'on recueillera le jus. Le marc est ensuite émietté et malaxé de nouveau avec une quantité d'eau chaude moindre qu'à l'opération précédente. On le laisse en macération pendant quelques heures et on le presse de nouveau. Les deux jus sont réunis et mis à fermenter. Pour les autres , détails, voir les Généralités sur les vins de fruits.

On peut donner à ces vins de fruits secs une belle couleur rouge en leur ajoutant 300 g à 400 g de roses trémières desséchées, par hectolitre, avant la fermentation, ou 15 % de baies de sureau.

Les vins de figues et de dattes donneront une fermentation plus complète et seront de meilleure qualité si on leur ajoute, avec la levure, les sels que nous avons indiqués pour le vin d'oranges.

Vin de raisins secs

La production des vins de raisins secs s'élevait en France, en 1890, à 4 293 000 hl. Elle est tombée en 1892, à 1 055 000 hl et en 1893, à 326 520 hl. Cette diminution sensible est autant la conséquence des lois fiscales qui frappent actuellement la production industrielle de ces vins, que de la loi du 15 août 1887 (voir : loi Griffe dans le Chapitre XI) qui ne permet la circulation et la vente de ces vins que sous le nom de vins de raisins secs. En fait, ces vins ne sont plus guère produits aujourd'hui que dans l'intérieur des familles, où ils sont exempts des droits de consommation. Mais, dans ces conditions mêmes, les raisins secs restent frappés de droits de douane et, dans beaucoup de villes, de droits d'octroi, qui élèvent le prix de revient de ce vin, titrant 10 pour 100 d'alcool, depuis 20 fr (80 €) jusqu'à 30 fr (120 €) l'hectolitre.

Pour préparer ce vin, on prend du raisin de Corinthe, et on le verse dans une cuve avec de l'eau tiède, à raison de 3 l d'eau pour 1 kg de raisins. On dispose dans le liquide une claie pour empêcher que le marc ne vienne surnager à la surface pendant la fermentation. La température doit être au début de 15° environ et l'on doit prendre les précautions nécessaires pour qu'elle se maintienne au moins à ce chiffre. D'ailleurs, à partir de ce moment, toutes les indications que nous avons données sur la confection du vin ordinaire s'appliquent à celle du vin de raisins secs.

Le marc étant pressé peut donner, après l'avoir additionné d'une quantité d'eau égale au tiers de celle employée au premier vin et l'avoir laissé macérer ainsi pendant deux ou trois jours, une piquette de vin de raisins secs dont il convient de faire profit. Si le raisin sec est à gros grains, l'épaisseur de la peau exige que le traitement soit différent sur quelques points. On prépare d'abord, six jours à l'avance, un levain avec le dixième des raisins à traiter et avec les soins que nous avons indiqués dans les Généralités. Le restant des raisins sera traité, le sixième jour, par trois fois leur poids d'eau bouillante dans un vase en bois que l'on recouvre ensuite pour que la chaleur ne se perde que 'lentement. Un ou deux jours après, les raisins se seront gonflés et on les écrasera soit avec les pieds, soit en les faisant passer dans un concasseur. On les mettra ensuite en fermentation à 25°-30° en le mélangeant avec le levain qui aura alors fermenté.

Hydromel (vin de miel)

Le miel renferme de 75 à 80 % de sucre à l'état de glucose. Mais, semblable à du sucre pur, il n'apporte pas avec lui les matières azotées et les sels minéraux, c'est-à-dire les aliments qui sont nécessaires au développement des ferments alcooliques et au maintien de leur activité. Aussi l'hydromel que l'on obtient par la fermentation alcoolique du miel n'est pas un vin bien constitué, comme celui provenant du suc des fruits. Sa fermentation est toujours incomplète, son goût est trop doucereux, sa saveur et son acidité ne sont pas suffisamment prononcés, et si on le distille, il ne donne qu'un faible rendement en alcool par rapport à la richesse saccharine du liquide avant sa fermentation.

Il s'ensuit, pour que l'hydromel puisse constituer une boisson complète et bien fermentée, qu'il convient d'ajouter à la dissolution de miel que l'on met en fermentation les substances nécessaires au développement et à la vie des ferments, ainsi qu'à la bonne constitution de ce vin.

Pour obtenir 1 hl d'hydromel à 10 % d'alcool, on procède ainsi : Dans 85 l d'eau tiède, on dissoudra 13 kg de miel et 765 g des sels suivants qui auront été pulvérisés :

Tartrate neutre d'ammoniaque 120 g
Phosphate bibasique d'ammoniaque 40 g
Phosphate bipotassique 40 g
Acide tartrique 270 g
Carbonate de potasse 160 g
Sulfate de chaux (plâtre) 70 g
Alun de potasse 20 g
Magnésie 15 g
Sulfate de fer 5 g
Sel marin 25 g

Ces sels représentent une dépense supplémentaire de 3 fr (12 €) au plus pour 1 hl d'hydromel. On les trouve dans les grandes maisons de produits chimiques ; à Paris, chez MM. Poulenc frères, par exemple. Le mélange sera mis en fermentation dans un tonneau, à la température de 25° environ, en y versant de la levure pure de vin ou un levain de raisins préparé comme nous l'avons indiqué dans les Généralités sur les vins de fruits.

Après la fermentation, on donnera à l'hydromel les mêmes soins que ceux donnés aux autres vins. Cette boisson sera soutirée dans un tonneau que l'on maintiendra plein pendant la durée de la fermentation insensible. Puis on la soutirera de nouveau, on lui ajoutera par hectolitre 40 g de cachou pulvérisé, dissous préalablement dans 1 l de ce liquide, et on la collera à la colle de poisson.

Vins de fruits de liqueur

Les vins de fruits de liqueur sont obtenus par divers procédés. Tantôt le fruit est soumis à une cuisson, ce qui enlève au vin une partie de son parfum et de sa fraîcheur de goût ; tantôt il est ou il n'est pas soumis à la fermentation ; mais, dans tous les cas, il est additionné d'alcool et de sucre.

Le procédé que nous croyons le plus recommandable est celui où l'alcool est produit directement dans te vin, par fermentation, en quantité aussi considérable qu'il est nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à 16 ou 18 %. Au point de vue des qualités de vinosité à demander à des vins véritables, et au point de vue hygiénique, l'alcoolisation ainsi produite est bien préférable à une addition d'esprit-de-vin. Nous nous sommes déjà expliqué sur ce point, dans le Chapitre X, à propos des effets de sucrage sur les vins. Les vins de fruits ainsi obtenus possèdent au mieux possible la saveur franche, le parfum et le bon goût du fruit dont ils sont originaires.

Nous avons montré précédemment, pour chacun des vins de fruits, la manière dont on devait les traiter et les faire fermenter pour élever leur titre alcoolique à 16° ou 18°, Nous avons produit ainsi des vins secs, c'est-à-dire des vins où tout le sucre a été transformé en alcool. Les vins de fruits de liqueur ne diffèrent de ceux-ci qu'en ce qu'ils conservent après leur fermentation une quantité de sucre plus ou moins considérable qui en fait des vins plus ou moins doux. Ils sont pour ce motif plus lents à se dépouiller, à s'éclaircir, que les vins secs.

À l'exception des oranges, tous les fruits destinés à faire des vins de liqueur doivent atteindre toute la maturité que permet le climat. Ils ne sont que plus parfumés. Leur fermentation se fait exactement comme celle que nous avons indiquée pour les vins de fruits, à 16 ou 18 % d'alcool. Lorsque cette fermentation est achevée, on les additionne d'une certaine quantité de sucre. Aux vins de framboises, de groseilles, de groseilles mélangées de framboises, de coings et d'oranges, on ajoute après leur fermentation \150 g de sucre par litre. Cette dose pourra s'élever à 80 g si le fruit est très acide. Aux vins de fraises, de cassis, de mûres, de cerises, de prunes, de pêches et d'abricots, la quantité de sucre à ajouter sera de 100 g par litre, pouvant s'élever à 150 g si le fruit manquait de maturité.

Voici comment on ajoutera ce sucre. Lorsque le vin en fermentation à la température de 30° environ ne produira plus de dégagement gazeux, et qu'il aura tendance à se refroidir et à s'éclaircir, on en soutirera le quart ou le cinquième dans lequel on dissoudra le sucre cristallisé. Ce sirop à froid, ainsi préparé, sera joint au restant du vin avec lequel on devra le mélanger intimement. Quelques jours après, le vin sera soutiré et les lies seront filtrées. On procédera plus tard, lorsque la fermentation insensible sera achevée, à un second soutirage.

On parfume quelquefois les vins qui manquent de bouquet avec diverses substances, On prépare, par exemple, de la teinture d'iris ou des infusions alcooliques de framboises, de fraises, de brou de noix, etc., et l'on en ajoute au vin 1 à 2 centilitres par litre. La teinture d'iris s'obtient en mettant en digestion 125 g de poudre d'iris de Florence dans 1 l d'alcool à 85° - 90°. On fait macérer quinze jours et l'on filtre.

L'infusion de framboises, de fraises et autres fruits très parfumés se fait, dans les proportions de 1 kg de fruits très mûrs et de 1 l d'alcool. La macération durera quinze jours. On passe avec expression et l'on filtre. L'infusion de brou de noix se prépare avec le brou que l'on détache de 1 kg de noix morveuses, que l'on pile avec soin, qu'on laisse ensuite noircir à l'air pendant vingt-quatre heures et que l'on fait macérer dans 1,25 l d'alcool pendant deux mois. On passe avec expression et l'on filtre.

L'infusion de fruits de cassis exige les proportions suivantes : On fait macérer pendant quinze jours 3 kg de cassis mûr et égrené dans 3 l d'alcool. On soutire 1 l de première infusion que l'on filtre. On verse sur le résidu 1 l d'alcool, et l'on agite. Après quinze jours de macération, on soutire 1 l de deuxième infusion que l'on filtre. On répète la même opération pour obtenir tout le liquide qui est de troisième infusion, et que l'on filtre. Le résidu pressé fournit une quatrième infusion, très chargée en couleur, que l'on filtre et que l'on conserve à part On a ainsi quatre infusions de valeur différente que l'on peut employer à part ou en mélange pour modifier, s'il y avait lieu, les qualités du vin de cassis.

L'infusion d'orange peut servir à être ajoutée dans les proportions que l'on croit les plus convenables dans le vin d'oranges que l'on aurait préparé sans employer de zeste. On prend 500 g de zeste frais d'orange que l'on fait macérer pendant huit jours dans 1 l d'alcool. On filtre ensuite.