Introduction

Lorsqu'il m'arriva, un beau jour, de m'éprendre d'une véritable passion pour les poules, je recherchai avec avidité, comme tous les commençants, les ouvrages qui traitent de la basse-cour.

Au lieu des renseignements clairs et précis que je croyais y trouver, je n'ai rencontré que confusion et contradictions. C'est alors que l'idée m'est venue de faire un petit livre où les novices pourraient puiser ces renseignements que les marchands et les vieux amateurs ne donnent ordinairement qu'à regret.

Il aurait fallu dix ans d'étude et de travail pour faire un ouvrage complet ; mais, comme cet ouvrage serait arrivé beaucoup trop tard, j'ai dû m'en tenir au possible, et je publie mon livre aujourd'hui tel qu'il est, mais en garantissant comme certaines toutes les notions qu'on y trouvera.

J'ai joint au texte, chaque fois que j'ai pu le faire, un croquis explicatif ; mais le procédé rebelle de la gravure sur bois et le format du livre ne m'ont permis de donner pour les types que les dessins absolument nécessaires. Dans tous les autres cas, j'ai dû me borner à des descriptions claires et détaillées, accompagnées de dessins des parties qui servent à caractériser chaque race. J'espère que ce petit ouvrage évitera à bien des personnes, et principalement à celles qui habitent la campagne, des pertes d'argent et de temps auxquelles ne peuvent se soustraire ceux qui n'ont rien pour les guider dans l'établissement des parcs et des poulaillers, ainsi que dans le choix des races et des sujets.

Mon livre s'adresse à tout le monde : aux éleveurs et aux amateurs, ainsi qu'aux dames qui habitent la campagne ou qui y passent la saison d'été.

Nos Françaises sauront bientôt ne pas s'ennuyer ; j'en connais déjà qui sont les femmes les plus occupées du monde, et qui ne pourraient plus vivre sans cette charmante occupation, qui consiste à soigner et à diriger une petite basse-cour. Quelle est la famille un peu aisée qui n'aura pas bientôt une vache bretonne, des poules, des canards, des oies, des dindes, un petit porc yorkshire, etc.?

Les amateurs de poules s'étaient jusqu'à présent bornés à l'élevage des races curieuses dites de volière ou d'agrément. Aujourd'hui ce goût s'est développé en France comme en Angleterre, et tel est l'engouement qui se manifeste pour les animaux de basse-cour, qu'ils seront bientôt améliorés partout où leur quantité et leur qualité sont absolument en désaccord avec les besoins.

L'une des circonstances qui ont le plus favorisé l'heureux entraînement qui gagne le public est la passion toute nouvelle pour la vie des champs ; passion utile, puisqu'elle donne le calme et la santé, ces deux biens inappréciables.

On voit maintenant les environs des grandes villes envahis par de nombreuses maisons de campagne de toutes classes.

Une foule de gens, dans leurs moments de loisirs, s'occupent de questions d'agriculture, ainsi que de l'acclimatation des plantes et des animaux utiles, et font des essais en rapport avec leurs ressources et leurs connaissances. Mais une véritable mode à laquelle personne ne se soustrait, c'est l'élevage des poules. Celle-là est si amusante, le plaisir est si direct, l’œuf que l'enfant est allé chercher dans le poulailler est si frais, la poule qui l'a pondu est si privée et vient si gentiment prendre aux marches de la porte la mie de pain que la maîtresse du logis lui offre dans sa main ; le coq est si beau, si majestueux, si prévenant pour ses poules ; et, à côté de l'énorme coq Brahma, ce Bantam argenté est si délicieusement coquet, ses formes sont si ravissantes, son air est si comique quand il prétend défendre sa microscopique moitié, son plumage est si riche, si distingué ; enfin les soins à donner à l'installation de ces charmantes bêtes font passer le temps si rapidement, qu'on ne pense plus à s'ennuyer de vivre.

La gaieté, le mouvement, sont venus animer la cour naguère déserte ; on envoie des œufs précieux à ses amis, on étudie la question des races, on fait des essais, des croisements ; enfin on s'amuse et l'on est utile.

Les poules présentent cette particularité, qu'elles ont une grande importance dans la consommation, en' même temps qu'elles forment un des ornements les plus gais, les plus vivants des habitations.

Plusieurs livres ont été faits pour indiquer la manière d'élever les poules et pour en décrire les races et les variétés ; mais ces livres sont généralement compliqués et diffus, et c'est un véritable labeur que de les digérer. Ils s'occupent de questions sans intérêt, étalent trop de latin, ne parlent pas assez des poules d'aujourd'hui, et s'étendent avec une complaisance malheureuse sur les poules du temps de Strabon, d'Hérodote, etc.

Le principal défaut de ces livres est de traiter rarement la question au point de vue pratique, de se lancer dans de vaines spéculations, d'affirmer des faits sans les avoir préalablement expérimentés, et surtout de si mal décrire les caractères distinctifs des races, qu'on peut très bien appliquer à l'une l'histoire naturelle de l'autre.

J'ai voulu édifier les personnes qui désirent élever des poules, soit en petit, soit en grand, en faisant connaître d'une façon positive les différentes races et leurs qualités particulières, en montrant tout ce qu'on peut faire à l'aide de croisements judicieux, en décrivant les procédés les moins coûteux pour établir les constructions, et surtout en indiquant les moyens d'éviter les pertes de temps qu'entraîne l'inexpérience.

Ch. Jacque.