L'anatomie des arbres

C'est à tort que certains amateurs attachent peu d'importance à connaître les organes d'un arbre et les fonctions qu'ils remplissent ; car de même qu'un médecin doit connaître parfaitement le corps de l'homme, un arboriculteur, s'il ne veut être un triste routinier, doit pouvoir se rendre compte de l'organisme et de la vie intérieure de l'arbre qu'il est appelé à planter et à entretenir. Il est le chirurgien, l'arbre est le patient.

L'arbre, ses parties constitutives et leurs diverses fonctions

Lorsque nous semons un pépin de poire, un noyau de pêche, etc., nous voyons, à l'époque de la germination, s'échapper de la graine une radicule (A, fig. 3) qui tend à descendre graduellement dans le sol, et, au point opposé, une tigelle ou plumule (B, fig. 3) qui tend, au contraire, à s'élever vers le ciel.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 3 : Haricot à l'état d'embryon.

Ces deux parties, qui constituent plus tard l'arbre fruitier, se retrouvent, en effet, dans tous les jeunes arbres qu'on déplante ; la radicule, en s'enfonçant dans le sol, se ramifie et prend le nom de racine principale ou pivot (C, fig. 4) ; la tigelle en se développant se ramifie dans l'air et se nomme tige (H, fig. 4).

On appelle collet (E, fig. 4) le point qui est ordinairement à fleur du sol, et où prennent naissance la radicule et la tigelle. Ces deux parties constitutives forment ainsi deux cônes réunis par leur base commune qui est le collet. Le collet joue un grand rôle dans la plantation des arbres fruitiers.

L'arbre se compose donc de deux parties : la racine et la tige. La racine vit en se développant dans la terre ; la tige vit en se développant dans l'air.

Plus un arbre est robuste, plus il trouve de nourriture, plus grand est l'espace mis à la disposition de ses racines, plus aussi ces deux parties prennent une grande extension. La vigueur d'un arbre dépend donc de sa nature, des soins qu'on lui donne et de l'espace qu'on lui laisse pour son développement. Nous allons passer en revue les deux éléments distincts de l'arbre : la racine et la tige.

Jeune poirier de 2 ans sortant de la pépinière.

Figure 4 : Jeune poirier de 2 ans sortant de la pépinière.

La racine

Nous savons déjà que la racine est cette partie qui vit dans le sol, et qu'on nomme pivot ou partie centrale : dans un jeune arbre, elle paraît être la continuation de la tige qui pousse en sens contraire.

Le pivot, de même que toutes les fortes racines, se ramifie graduellement ; sa plus mince ramification se termine par des radicelles très tenues formant une sorte de chevelu. Chaque radicelle est munie à son extrémité d'un renflement analogue à une éponge. Ce renflement est appelé spongiole ou suçoir (F, fig. 4), il a la propriété de puiser dans le sol l'eau chargée des matières minérales et salines qui sont nécessaires à la nutrition de l'arbre. Les spongioles sont en quelque sorte les bouches du végétal.

Le pivot et les grosses racines conduisent la sève aqueuse ou sève brute dans la tige ; ils maintiennent en même temps l'arbre solidement fixé au sol et le défendent contre la violence des vents. Les petites racines ou radicelles ont pour but, nous l'avons dit, de soutirer dans le sol la nourriture brute de l'arbre.

Comme elles sont ses bouches nourricières, il faut les ménager avec un grand soin et éviter de les déranger dans les légères façons que réclame le sol où l'arbre doit trouver sa nourriture.

Dans les plantations, on aura soin, aussitôt le tassement des terres opéré,fixer l'arbre à un tuteur. De cette manière, les radicelles, qui seules assurent reprise de l'arbre, ne seront pas ébranlées par le vent.

On sait que chaque année ces radicelles s'éloignent de plus en plus du pied de l'arbre et puisent ainsi de nouvelles nourritures. C'est donc à l'arboriculteur d'agrandir graduellement le cercle des engrais et paillis, afin de donner la nourriture aux bouches mêmes de l'arbre.

La présence de l'air est également indispensable à la vie active des racines. Il faut donc faciliter son introduction dans le sol en rendant celui-ci léger à sa surface et en excitant, par des paillis annuels, le chevelu à venir se nourrir là où il pourra respirer. Les fréquents insuccès que nous voyons sont dus au manque d'observation de cette grande loi végétale.

Relativement à leur direction dans le sol, les racines sont de deux sortes : les unes, qui s'enfoncent verticalement sont appelées racines pivotantes (C, fig. 4) ; les autres qui rampent sur la surface du sol, sont dites racines traçantes (G, fig.4)

Les racines pivotantes fournissent des arbres plus vigoureux que les racines traçantes, mais en même temps ces arbres se mettent plus lentement et plus longuement à fruit que ceux qui proviennent des racines traçantes. Cette différence doit nous guider dans nos plantations ; pour un sol sec et brûlant avec variétés fertiles, nous choisirons les premières, tandis que les autres seront réservées pour un terrain froid ou humide. Le succès dépend de l'observation de cette règle.

Dans la vie des arbres fruitiers, les racines aspirent continuellement les substances nutritives qui sont propres à ces arbres et absorbent ces substances aux dépens du sol. Il en résulte que pour planter un arbre jeune à la place d'un vieux, il faut ou changer totalement le vieux sol ou changer l'espèce. Ainsi on mettra des fruits à noyau, à la place des fruits à pépins ou réciproquement.

La tige

La tige de l'arbre vit et se développe dans l'air, elle se nomme tronc (H, fig. 4) ; jusqu'au point où elle se subdivise en ramifications (I, fig. 4). Sur les tiges des arbres fruitiers, nous remarquons les yeux, les boutons, les feuilles et les bourgeons. Ces différentes parties donnent naissance aux branches, aux rameaux, aux fleurs et aux fruits.

Les yeux

On voit principalement les yeux (A, fig. 5) en été : ils naissent à l'aisselle de chaque feuille bien développée et se forment en même temps que les jeunes bourgeons qui supportent les feuilles. Vers la fin de la végétation, il se dessine un œil parfait, du développement duquel il naît, le plus souvent, un bourgeon ; c'est pourquoi il a une configuration conique et aplatie et est recouvert de petites écailles imbriquées les unes sur les autres et qui garantissent ce bourgeon contre l'intempérie de l'hiver. L'espace variable compris entre les différents yeux se nomme mérithalle ou entre-nœud (A, fig. 6) ; le rapprochement des yeux dénote toujours une fertilité plus grande.

Œil à bois proprement dit.

Figure 5 : Œil à bois proprement dit.

Le bourgeon

Au printemps, quand la végétation se réveille et que la sève fait pression sur un œil, cet œil s'allonge, se développe et prend le nom de bourgeon (A, fig. 4-1). Le bourgeon est dit herbacé tant qu'il reste tendre, d'une couleur verte, et qu'il se laisse rompre par l'ongle.

Bourgeon terminal de poirier.

Figure 6 : Bourgeon terminal de poirier.

Dans la végétation ordinaire, chaque œil ne se développe qu'au printemps qui suit sa formation ; cependant, par un excès de sève ou par une coupe quelconque, il n'est pas rare de le voir se développer immédiatement. Il constitue alors ce que l'on appelle un bourgeon anticipé (A, fig. 7). D'autres fois, au contraire, les yeux restent endormis durant des années, ce qui les fait désigner sous la dénomination de latent (B, fig. 9). Nous verrons plus loin comment on peut les faire sortir de cette léthargie, en y portant l'action de la sève.

Bourgeon anticipé de pêcher, né sur bourgeon terminal de charpente.

Figure 7 : Bourgeon anticipé de pêcher, né sur bourgeon terminal de charpente.

Le rameau branche

Quand le bourgeon a fini sa croissance et qu'il est aoûté ; qu'il a la consistance du bois et que l'œil terminal est bien formé pour donner naissance, au printemps suivant, à un nouveau bourgeon ou à un fruit, selon sa constitution, ce bourgeon se nomme rameau (I et J, fig. 4). Le rameau est à bois ou à fruit.

Il ne prend le nom de branche que lorsque l'année suivante les bourgeons nouveaux, qui sont nés sur lui ont fini leur croissance.

Les mots œil, bourgeon, rameau et branche servent, comme on le voit, à désigner les phases successives du développement des yeux ou germes.

La feuille

La feuille (fig. 8) se compose de deux parties : la queue ou pétiole (A, fig. 8) et le disque (B, fig. 8). Ce disque est une lame très mince dont la face est recouverte de petits trous presque imperceptibles qui se nomment stomates.

Ces petits pores facilitent à la feuille les fonctions respiratoires qui sont nécessaires à la vie des arbres, fonctions qui ne peuvent s'accomplir que dans l'air et à la lumière. De là l'utilité d'espacer les branches pour que les feuilles soient placées de façon à pouvoir recevoir l'action des agents atmosphériques.

Les petites feuilles de la base des bourgeons sont improprement nommées folioles, nous préférerions les noms de stipules foliacées. Elles ne sont pas, comme les feuilles, munies à la base du pétiole d'un œil apparent ; aussi dans les opérations qu'on fait sur les arbres fruitiers, il ne faut pas confondre ces petites folioles avec les feuilles proprement dites dont elles sont très distinctes, malgré leur ressemblance.

Les feuilles sont par elles-mêmes d'une grande utilité ; on peut les nommer les racines de l'air, car elles soutirent les substances nutritives qui servent au gonflement de l'œil placé à la base du pétiole, et, par suite, au développement de l'arbre entier. Ce qui le prouve, c'est que par la suppression des feuilles, on affaiblit l'œil ou le bourgeon qui les porte.

Variétés de pomme de terre.

Figure 8 : Feuille de poirier.

Cette propriété est d'un grand secours pour l'équilibre des arbres ; enfin, les feuilles servent à puiser dans l'atmosphère le gaz nécessaire à l'élaboration de la sève, à la végétation de l'arbre. En cela, elles sont si utiles, qu'une simple tablette ou auvent placé au-dessus d'un bourgeon vigoureux suffit pour arrêter sa vigueur. Par ce seul fait on gêne les fonctions vitales des feuilles de ce bourgeon.

Le bouton

Comme nous l'avons dit plus haut, l'œil (A, fig. 5 et B, fig. 9) est un germe naissant à l'aisselle d'une feuille et est destiné à produire le bois. Le bouton (C, fig. 10) est un œil formé oviforme pour la fructification.

Variétés de pomme de terre.

Figure 9 : Lambourdes de poirier avec œil à bois.

est un œil formé oviforme pour la fructification. Dans les fruits à pépins, les boutons à fleurs se distinguent facilement des yeux à bois, et cela dès l'été de leur formation. Les premiers en effet sont oviformes, c'est-à-dire en forme d'œufs, ils sont toujours comme étranglés à leur naissance, même sur le support (C, fig. 10).

L'œil à bois (A, fig. 5 et B, fig. 9) au contraire est allongé et comme aplati ; il est toujours large à la base et finit en pointe ; c'est ce qui fait dire qu'il est conique.

Variétés de pomme de terre.

Figure 10 : Lambourdes de poirier avec œil à fruit.

La fleur

Le bouton épanoui forme la fleur (A, fig. 11). Dans presque tous les arbres fruitiers, les fleurs sont hermaphrodites, c'est-à-dire que les deux sexes sont réunis sur la même corolle ; l'organe mâle s'appelle étamine (H, fig. 11), l'organe femelle se nomme pistil (C, fig. 11).

Les étamines entourent le pistil qui est placé au centre de la fleur et qui correspond, par son style (D, fig. 11) à l'ovaire (E, fig. 11). L'ovaire est une partie renflée contenant les ovules où petites graines qui sont destinées à être fécondées par le pollen. Le pollen est la poussière fécondante (G, fig. 11) qui s'échappe de l'anthère (H, fig. 11) ou petite bourse des étamines ; il est aspiré par le stigmate (I, fig. 11) qui est d'une nature pubescente, humide et attractive.

Fleur de pêcher avec ses organes sexuels.

Figure 11 : Fleur de pêcher avec ses organes sexuels.

Au printemps, les brouillards, les pluies, les gelées blanches altèrent très facilement les organes sexuels des fleurs ; alors le pollen est entraîné par l'eau, ou détruit par les intempéries et la fécondation n'a pas lieu ; l'ovaire tombe, la fructification est nulle, comme par les effets de la gelée. Les brusques changements de température font aussi de grands dégâts dans la formation. Pendant une journée chaude, la sève agit et hâte la floraison qu'une nuit peut détruire s'il survient un froid subit et excessif, arrêtant brusquement l'essor de la sève et faisant avorter ce commencement de conformation d'où dépend la vie du fruit. C'est pourquoi il est de toute nécessité d'abriter l'arbre contre les intempéries du printemps.

On reconnaît qu'un fruit est bien fécondé, lorsque la défloraison s'opère bien, que le calice des fruits à noyau se trouve déchiré promptement par le grossissement du jeune fruit ; aussi l'arboriculteur qui, à cette saison, veille attentivement sur l'avenir des récoltes, se réjouit en reconnaissant que le fruit grossit promptement et avec régularité.

Lorsque la fécondation est achevée, les enveloppes florales et les organes sexuels se flétrissent et tombent ; l'ovaire fécondé constitue le fruit. Le fruit considéré d'une manière générale est composé de deux parties distinctes : le péricarpe et la graine.

Le péricarpe ou enveloppe externe et pulpeuse (B, fig. 12) est quelquefois sec comme dans le fruit du noisetier ; il est charnu dans la généralité des fruits. Il se compose lui-même de trois parties, qui sont : l'épicarpe, ou la pellicule des fruits, le mésocarpe (A, fig. 12) ou partie intermédiaire, pulpeuse, charnue et succulente, celle qu' on mange, comme dans la pêche, la poire, la pomme, etc., et l'endocarpe, partie qui protège la graine elle-même, elle est cartilagineuse dans les fruits à pépins et osseuse formant les fruits à noyau, la pêche, la cerise, etc.

La graine (C, fig. 12) présente une enveloppe qu'on nomme testa ; elle recouvre immédiatement l'embryon ou fœtus végétal.

Coupe d'une poire avec ses organes intérieurs.

Figure 12 : Coupe d'une poire avec ses organes intérieurs.

Le fruit n'agit pas comme la feuille sur la vie de l'arbre ; il est pour celui-ci un gourmand qui lui prend tout. C'est pourquoi on ne doit laisser à l'arbre que la quantité de fruits qu'il peut nourrir sans affaiblir ses forces, et sans l'empêcher de continuer sa vigueur et sa production future. Enfin, le fruit proprement dit est cette partie conservatrice de l'espèce qui renferme dans l'embryon les deux organes essentiels à la vie de l'arbre : la radicule et la tigelle (A et B, fig. 3). Ces deux organes se développent dès l'ouverture des cotylédons, partie charnue de la graine qui nourrit l'arbre dès sa formation, en attendant qu'il s'affranchisse lui-même et qu'il vive de sa propre existence.

La composition et la constitution de la tige

Après avoir passé en revue les parties extérieures du végétal, nous devons l'examiner intérieurement, voir son organisation, non dans les détails compliqués qui embrouillent plutôt qu'ils n'aident à l'instruction, mais simplement pour faire connaître le passage de la sève et son influence sur l'organisme de l'arbre et afin d'aider les opérations de l'arboriculteur. En coupant un arbre transversalement, on voit se dessiner sur la coupe cinq parties très distinctes qui sont : la moelle, le bois parfait, l'aubier, l'écorce et le liber.

Tronçon d'arbre avec les cinq parties principales qui le compose.

Figure 13 : Tronçon d'arbre avec les cinq parties principales qui le compose.
  1. La Moelle (A, fig. 13) est renfermée dans un canal cylindrique que l'on nomme canal médullaire, elle est composée dans les jeunes arbres d'un tissu lâche et spongieux, se solidifiant graduellement avec la croissance même du végétal ; la moelle communique à l'écorce et à travers le bois par des rayons médullaires.
  2. Le bois (B, fig. 13) est composé de couches superposées, dont chacune est le produit d'une sève annuelle ; le nombre de ces couches indique à peu près l'âge de l'arbre lorsqu'on le coupe près du collet. Plus haut ces couches ligneuses n'existent pas, puisque ce n'est qu'après quelques années que l'arbre atteint une hauteur plus ou moins élevée, selon l'espèce à laquelle il appartient. Les couches les plus âgées sont celles qui sont le plus rapprochées du canal médullaire ; elles constituent le bois parfait qui est plus coloré et plus dur ; les couches situées près de l'écorce sont les plus nouvellement formées et constituent l'aubier (C, fig. 13) qui est d'une couleur pâle, moins serré et permettant mieux la circulation de la sève.
  3. L'écorce (D, fig. 13). Dans la formation de l'écorce, le contraire a lieu, car malgré cette même superposition, la couche la plus extérieure est la plus vieille, tandis que la plus rapprochée est la plus jeune. Cette dernière couche en contact avec la plus jeune couche d'aubier ressemble aux feuillets d'un livre et constitue le liber (E, fig. 13) où circule habituellement la sève élaborée.

Un fait digne de remarque, c'est que l'épaisseur des couches concentriques de bois n'est pas la même chaque année. À quoi cela tient-il ? À plusieurs causes :

  1. à la plus ou moins bonne qualité du sol, lorsque les racines le traversent, à telle ou telle profondeur ou circonférence autour du pied de l'arbre ;
  2. à la moins grande quantité de nourriture que rencontre l'arbre à mesure que la racine pivote de plus en plus dans le sol ;
  3. à la grande circonférence de l'arbre qui fait que l'épaisseur est plus étendue ;
  4. à l'endurcissement de l'écorce qui, en cet état, obstrue beaucoup le passage de la sève. Pour s'en rendre compte, il suffit d'enlever, au mois de mai, les écorces rugueuses, inertes qui recouvrent l'écorce proprement dite et, avec la pointe de la serpette, opérer une incision longitudinale sur l'écorce vive. A l'œil nu, nous verrons cette écorce s'ouvrir et, de serrée qu'elle était, elle laissera passer librement la sève et formera, cette même année, une couche plus grande, annuelle, d'aubier. Cette couche due à l'incision sera la plus épaisse de l'arbre.

Rapports entre la racine et la tige

Nous allons examiner de quel secours la racine et la tige sont l'une à l'autre dans la marche de la sève

Circulation de la sève

Au printemps ou à toute autre saison, sous l'influence d'une chaleur naturelle ou artificielle, la sève contenue dans le végétal entre en mouvement, stimule le développement des boutons et des feuilles, favorise la formation des radicelles et le fonctionnement des spongioles qui aspirent dans le sol les matières propres à la vie de l'espèce. La sève brute passant par les vaisseaux les plus extérieurs de l'aubier, produit l'élongation des arbres ; élaborée ensuite par les feuilles soumises à l'action du gaz qu'elles pompent dans l'air, elle se transforme en un suc nouveau qui prend le nom de cambium. Le cambium fixe dans l'arbre le carbone qui, en se solidifiant, constitue l'aubier. Cette sève, se fixant alors par les couches du liber, c'est-à-dire entre l'écorce et l'aubier, contribue à la nutrition, à l'accroissement en diamètre de l'arbre, ainsi qu'au développement des racines.

Nous avons dit que c'est au printemps que la sève entre habituellement en mouvement. Cependant les années de grande sécheresse, où elle fait son évolution en peu de temps, il n'est pas rare après une petite pluie du mois d'août, que les yeux terminaux des bourgeons aoûtés reprennent vigueur, qu'une nouvelle feuillaison et qu'une élongation de bourgeons nouveaux apparaissent. Dans ce cas se trouvent des arbres à pépins, principalement les pommiers, quelquefois même les pêchers. Ainsi, en 1865 nous avons vu des pêchers de Grosse mignonne hâtive produire des fruits qui avaient, à l'automne, le volume d'un œuf de pigeon. Quand cette sève a lieu, nous la nommons sève d'août. Il est bon de s'en méfier dans la pose des écussons à œil dormant, et dans des greffes de boutons à fruits sur les arbres à pépins. A la taille d'hiver, on aura soin de ne pas conserver comme prolongement de charpente des rameaux produits par cette sève tardive, car ils seraient d'une constitution molle et herbacée ; quelquefois même, sur les espèces délicates, les fortes gelées les détruiraient.

La sève en hivers

On croit vulgairement qu'en hiver la sève est tout à fait suspendue ; il n'en est pas ainsi. Pour s'en convaincre, il suffit, aussitôt que la chute des feuilles a eu lieu, d'examiner les boutons à fruits, principalement sur les pêchers vigoureux où ils se distingueront à peine des boutons à bois. Quelques mois plus tard, c'est-à-dire en plein hiver, on verra ces boutons très gros et faciles même à reconnaître par des personnes peu exercées. La sève n'est donc que sommeillante.

La mort de l'arbre

L'énergie vitale donne aux molécules, qui arrivent dans les tissus des arbres, une force telle qu'ils résistent à la mort, jusqu'à un certain point. Tant que cette force vitale prédomine, la matière organisée l'emporte. Comme cette énergie se ralentit tôt ou tard, la vie cesse ; quoi qu'on fasse, l'organisation disparaît et la nature reprend ses droits. Mais si le temps peut amener la mort des arbres, une foule de circonstances accidentelles accélèrent leur destruction. Nous mettrons en première ligne les brutalités exercées par la main de l'homme qui se plaît à torturer les arbres fruitiers plutôt qu'à les aider dans leur développement. Ainsi, couper continuellement les radicelles d'un arbre, prétextant qu'on a besoin d'en bêcher le pied ; couper d'un seul coup toutes les productions herbacées en guise de taille en vert ou de pincement ; ne pas laisser une quantité de branches proportionnée aux racines, en prétendant que l'arbre ne doit pas dépasser l'emplacement qu'on lui a accordé en le plantant ; lui laisser une trop grande abondance de fruits relativement à ses forces ; le planter dans un sol calcaire s'il a besoin d'un sol argileux ; enterrer ses racines trop profondément au-dessous de la surface du sol, où elles ne pourront respirer, etc. ; voilà des causes accidentelles de la mort prématurée des arbres.

Quelques espèces cependant paraissent plus promptement désorganisées que d'autres. Celles qui ont un bois dont le tissu est moins serré et moins dur, sont plus facilement atteintes par les causes destructives et les maladies qui réagissent constamment sur elles.