Les maladies

Les maladies des arbres proviennent très souvent d’une plantation trop profonde ; pour nous en convaincre, voyons ce qui se passe en automne et au printemps. Les arbres venus de graines enfoncent leurs racines de manière à les mettre en rapport, non seulement de dimension, mais aussi de température avec la partie aérienne. Mais si l’on a planté trop profondément, les racines se trouvent en automne dans une couche de terre encore chaude, tandis que le reste de l’arbre est déjà resserré par le froid, de façon que la sève n’y peut plus circuler : voilà donc une cause de souffrance.

Le contraire a lieu au printemps : la partie supérieure se dilate sous l’influence de la chaleur renaissante, tandis que les racines enfoncées dans une terre encore froide, ne peuvent pas fournir de sève ascendante aux canaux déjà préparés à en recevoir ; l’arbre doit donc souffrir dans cette condition, surtout s’il appartient à quelqu’une des espèces à noyau, dont la sève très abondante se met de bonne heure en mouvement. Ne pourrait-on pas attribuer à une plantation trop profonde la maladie appelée chlorose ou jaunisse ?

Je suis convaincu qu’en général un arbre bien planté dans de bonne terre doit réussir, et que s’il y survient des accidents, c’est assez probablement de notre faute : des tailles trop courtes, un pincement trop sévère énervent la végétation ; alors les rameaux se transforment en lambourdes ou en faibles brindilles, il y a parfois plus de fleurs qu’il n’y aura de feuilles, l’écorce sèche et n’est plus dilatable, les chancres se multiplient, le fruit s’amoindrit, et l’arbre n’est bientôt plus bon qu’à arracher.

Quand on s’aperçoit que la végétation fructifère prend une trop grande proportion, il faut absolument la réduire, faire quelques incisions longitudinales, panser les chancres, nettoyer les écorces, fumer le pied de l’arbre, et ne tailler pendant un an ou deux que pour empêcher la sève de se jeter dans une partie aux dépens des autres. Il se forme alors de nouvelles couches de bois et d’aubier, qui couvrent les anciennes trop resserrées, et l’arbre reprend toute sa vigueur.

Les variations trop brusques de température sont la cause de divers accidents ; c’est pourquoi il est nécessaire de protéger par des abris les arbres délicats, tels que le pêcher, l’abricotier et quelques variétés du poirier. Par cette précaution, on préviendra souvent la cloque du pêcher, la maladie appelée blanc, occasionnée par une humidité prolongée ; les coups de gomme, auxquels sont sujets le pêcher et le cerisier ; la gelée elle-même aura moins de prise sur les fleurs et sur les jeunes bourgeons. Les abris rendent aussi les chancres moins communs ; mais pour empêcher cette dernière maladie, il faut prendre encore un autre soin ; c’est, dès que l’écorce présente une teinte rougeâtre et semble se détacher, de tailler au vif la partie attaquée ; le cambium cicatrise bientôt la blessure.

Il nous importe de connaître les maladies auxquelles les arbres fruitiers sont sujets, sinon d’une manière approfondie, au moins dans leurs effets, pour apporter les remèdes propres à les combattre.

La gomme

C’est une maladie spéciale aux arbres à fruits à noyau. Elle consiste en une extravasion de sève ou plutôt des sucs propres qui se fait à l’extérieur : l’écorce se fend et donne passage à la gomme. Cette affection, dont les causes sont attribuées au terrain, aux circonstances météorologiques, à des meurtrissures, aux écorces endurcies qui entravent la circulation de la sève, et à des intermittences dans le cours régulier de ce liquide, lorsqu’au printemps, à un temps chaud, succède brusquement un temps froid, a pour effet de détruire les branches ou portions de branches sur lesquelles elle se manifeste. Le seul remède efficace a employer est de racler les dépôts qu’elle forme avec une serpette bien tranchante, en allant jusqu’au vif, aussitôt qu’elle paraît. On nettoie bien les plaies avec de l’eau, et l’on met dessus de la cire à greffer ou un emplâtre d’onguent de Saint-Fiacre. Il se reforme du jeune bois et une nouvelle écorce qui les cicatrisent. Lorsque l’arbre est pris tout entier et qu’en coupant une branche on aperçoit des traces jusque dans l’intérieur, il n’y a pas de remède possible. Quelquefois cependant, au début, on peut pratiquer au côté opposé des incisions longitudinales sur l’écorce, pour faciliter l’épanchement des sucs propres ; cette opération réussit ordinairement assez bien. La maladie n’est guérissable que lorsqu’elle est accidentelle ; si elle provient d un vice inhérent à l’arbre, elle ne peut disparaître.

Les amandiers, les cerisiers, les pruniers, les abricotiers et les pêchers sont sujets à la gomme ; sur les deux derniers elle est principalement préjudiciable.

La cloque

Cette affection est particulière au pécher. Elle se montre sur les feuilles. Au printemps les brusques transitions de température, les coups de soleil lorsqu’ils viennent immédiatement après une pluie, font boursouffler les feuilles, puis les crispent ; elles se roulent sur elles-mêmes et ne remplissent plus qu’imparfaitement leurs fonctions, le bourgeon languit, l’arbre tend à dépérir. Les yeux de l’aisselle des feuilles, mal constitués, donnent l’année suivante des branches dans de mauvaises conditions pour fructifier. Cette maladie vient tout d’un coup ou lentement, suivant les années. Le seul remède consiste à enlever toutes les feuilles cloquées, en laissant le pétiole ; les faux bourgeons se développent et raniment un peu la végétation.

Mais on peut très bien prévenir la maladie par l’emploi des auvents, qui, s’opposant aux fâcheux effets des caprices de la saison, assurent la santé des arbres qu’ils protègent.

Les fourmis, que l’on voit sur les feuilles malades, n’y sont pour rien ; elles viennent, attirées par les exsudations que la cloque produit sur les feuilles.

Le blanc et la maladie de la vigne

Cette maladie est commune à beaucoup de végétaux ; nous ne nous occuperons d’elle qu’en ce qui concerne le pêcher et la vigne. Elle se présente sous forme de poussière ou de réseau blanchâtre, attaquant les feuilles, les bourgeons et les fruits ; elle est due à la présence de champignons de divers genres, entre autres, Oïdium, Monilia, etc. ; du moins, le champignon en est l’effet apparent.

Sur le pêcher, le blanc est fréquent et très anciennement connu ; il arrête complètement la végétation, fait tomber les fruits, ou les empêche de grossir et de prendre de la qualité. Un moyen efficace d’en débarrasser l’arbre est de le combattre à son début en saupoudrant avec de la fleur de soufre les parties atteintes, que l’on aura préalablement mouillées à l’aide d’une seringue à l’usage des serres ou d’une pompe à main, et même à sec. Les sulfures de chaux, de potasse et le sulfate de fer réussissent aussi, mais moins bien.

Quant au blanc qui se manifeste sur la vigne (Oïdium, Tuckeri), la manière dont il se comporte est différente. L’oïdium qui le caractérise est beaucoup plus difficile à combattre : il attaque les feuilles, les tiges et les grappes ; la vigne continue de croître, mais les grains durcissent, se crèvent et pourrissent. Aussi les remèdes employés jusqu’à présent sont-ils, suivant la gravité du mal, efficaces ou non à le guérir entièrement.

Si la maladie est faible et prise à son début, la fleur de soufre et ses composés réussissent à faire disparaître le champignon, et mieux la fleur de soufre seule : deux ou trois applications de ces substances suffisent dans l’année. Si la maladie est forte, prise ou non à son début, le champignon reparaît constamment ; il faut alors soufrer un grand nombre de fois. On parvient à sauver ses récoltes, mais elles ont perdu en quantité et en qualité. Toutefois la fleur de soufre est le moyen le plus efficace de tous ceux connus jusqu’à ce jour. Elle donne des résultats réellement satisfaisants dans la grande majorité des circonstances ; aussi recommandons-nous son emploi, sans attendre que l’oïdium ait pris le dessus et même qu’il ait paru : c’est une bonne précaution que de soufrer avant son apparition ; pour être utile, on doit l’appliquer à temps.

Lorsqu’on emploiera la fleur de soufre, on la choisira aussi sèche que possible et sans grumeaux, son application est plus facile ; puis on la projettera sur les treilles ou les ceps à l’aide de soufflets construits pour cet usage ou de la boîte à houppe, mais plus particulièrement du soufflet de Lavergne. Celui-ci est plus commode et économise davantage la matière, en ne le remplissant qu’à moitié. Il est inutile de mouiller préalablement la vigne, surtout si l’on opère le matin à la rosée, ou un jour couvert et calme ; le soufre s’attache assez de lui-même aux grappes et aux feuilles pour que son efficacité se fasse sentir. Si l’on n’est pas retenu par la question d’économie, on peut soufrer les vignes pendant que le soleil les frappe, il convient seulement de répandre le soufre en plus grande quantité, parce qu’il s’attache alors moins facilement aux feuilles, mais il agit par contre avec plus de promptitude. Un temps sec et chaud favorise son action et la rend plus énergique. Toutes les parties de la vigne devront recevoir de la fleur de soufre pour être bien protégées. Nous conseillons de ne pas attendre que la maladie paraisse pour la combattre. Le remède étant facile et peu coûteux, il importe de l’employer comme préservatif, ce qui se fait lorsque les bourgeons ont acquis quelques millimètres de longueur, en mai ordinairement, que la vigne soit en fleur ou non : le soufre ne nuit point à la floraison. Si, malgré cette première opération, le champignon paraissait, comme c’est fréquent, on opérerait une seconde et même une troisième fois. Généralement cela suffit. Mais pour les raisins de table, il vaut mieux soufrer souvent et moins à la fois, surtout lorsqu’il devient nécessaire de le faire aux approches de la maturité, afin qu’à cette époque le soufre ne se voit pas, soit en très minime quantité sur les grappes et ne retire pas de leur valeur. On évite en même temps ainsi, au moment des fortes chaleurs, les effets de l’action trop intense du soleil sur le soufre, qui favorise le dégagement de gaz sulfureux nuisible à la végétation, et par lequel souvent les feuilles sont comme brûlées.

On se sert encore, dans un but d’économie, d’un mélange de moitié fleur de soufre et moitié plâtre en poudre. Les résultats sont bons. Nous conseillerons toujours d’ajouter un peu de plâtre au soufre ; il communique à ce dernier la propriété d’adhérer davantage aux surfaces sur lesquelles il est projeté.

La rouille

On nomme ainsi un champignon du genre Uredo, qui se rencontre sur beaucoup de végétaux. Il forme de petites taches rousses sous les feuilles et les bourgeons. On ne connaît ni les causes qui le font naître, ni les moyens de l’empêcher. Ses effets, du reste, ne sont pas très pernicieux ; il fatigue l’arbre en faisant tomber les feuilles et développer des bourgeons à contre saison, mais il n’en compromet pas l’existence.

Les chancres

Ils se reconnaissent à des parties d’écorce fendue qui laissent suinter une sorte de viscosité, ou qui, d’autres fois, sont attaquées de pourriture sèche. Tous les arbres, et principalement le poirier et le pommier, y sont sujets ; leur présence annonce une mauvaise santé ou l’épuisement. Quelquefois cependant ils proviennent d’accidents, comme coups, meurtrissures, etc. ; dans ce cas il est facile de les guérir. On racle les plaies jusqu’au vif avec un instrument tranchant, et on les recouvre de cire à greffer ou d’onguent. On doit opérer dès qu’on les aperçoit. Quand c’est au défaut de vigueur qu’ils sont dus, on enlève toutes les vieilles écorces, on gratte à vif, et, si cela est nécessaire, on ravale pour obtenir de nouvelles pousses. Les chancres sont fréquents dans les terrains très secs et brûlants, aussi bien que dans ceux qui sont très humides et froids.

Chancre

Figure 30 : Chancre.

La jaunisse ou chlorose

Cette affection atteint tous les arbres, mais le poirier est celui sur lequel elle est plus fréquente. Les feuilles jaunissent, les bourgeons cessent de croître, sont languissants, et souvent se dessèchent à l’extrémité. Elle indique l’épuisement ou le manque de profondeur du sol lorsqu’elle dure pendant toute la végétation. Si elle est due à certaines influences atmosphériques contraires, telles qu’une grande sécheresse ou une humidité trop prolongée, qui ont pour résultat de rendre l’arbre languissant, elle ne présente pas de danger sérieux, et pour l’ordinaire on la verra cesser avec les causes qui l’ont produites. Lorsqu’elle persiste, il faut chercher à ranimer la végétation par des engrais ; si ceux-ci sont inefficaces, on doit recourir à la déplantation de l’arbre, moyen qui réussit presque toujours. On enlève toute la terre épuisée, on en rapporte de la neuve dans le trou, et l’on replante : à moins qu’il ne soit trop vieux, l’arbre reprend une nouvelle vigueur qui prolonge sa vie pendant encore plusieurs années. On conçoit que cette opération exige pour sa réussite d’être faite avec les plus grands soins. Le sulfate de fer employé par immersion ou aspersion à la dose de 1 ou 2 grammes par litre d’eau produit d’assez bons effets.

Mousses et plantes parasites

Les arbres fruitiers, quel que soit leur âge, sont presque toujours envahis par des mousses, lichens, champignons, etc., qui entravent leurs fonctions et leur nuisent.

On s’en débarrasse en les faisant tomber à l’aide d’émoussoirs par un temps humide. Les émoussoirs les plus commodes sont en forme de petits balais de bouleau d’un diamètre de 3 centimètres environ. Les brins sont fortement serrés par des liens de fil de fer. Il est facile de les faire soi-même. Si le temps était trop sec, on mouillerait préalablement l’arbre avec une seringue ou une pompe à main. Le chaulage est aussi un excellent moyen. Enfin un simple lavage à l’eau suffit quand on ne les laisse pas s’amasser en couches épaisses : c’est ainsi, par exemple, qu’il suffit pour la fumagine du pêcher, plante parasite semblable à de la suie, qui s’attache aux feuilles et aux branches de cet arbre, ainsi qu’à celles de l’abricotier, à une exposition humide