Décembre

Si, dans ce mois, on a peu ou point de semis à faire, d'un autre côté on a beaucoup à planter en culture forcée, et, si la saison n'est pas par trop rigoureuse, le maraîcher primeuriste a beaucoup d'occupation. Il faut premièrement, quel que soit le temps, qu'il soigne et conserve tous les plants qu'il a sous cloche sur les ados ; s'il paraît un rayon de soleil, il faut découvrir, pour que les plantes en jouissent au travers des cloches, et recouvrir avant la nuit : c'est le mois où l'on doit faire beaucoup de couches à laitue et de couches à raves et radis, planter les unes et semer les autres. C'est la laitue petite noire, ou hâtive, ou crêpe, que l'on plante sur couche et sous châssis en cette saison rigoureuse, parce que c'est la seule, comme nous l'avons dit plus haut, qui pwisse pommer passablement sous cloche et sous châssis : on se souviendra aussi qu'on en plante de cinquante à soixante-cinq par châssis, et qu'il faut l'abriter du froid par tous les moyens indiqués, sans cependant exciter une trop forte chaleur sous les panneaux de châssis ; car, si la laitue, en général, lève très-bien à la grande chaleur humide du fumier, elle pomme mal à cette même chaleur ; il ne lui faut donc qu'une chaleur modérée : ainsi, en gouvernant bien cette laitue noire plantée sur couche et sous châssis en décembre, elle sera pommée et livrable à la consommation vers la fin de janvier et le commencement de février.

Rave, radis

La rave et le radis sont deux variétés de la même espèce et du genre raifort, de la famille des crucifères : ce sont des plantes annuelles, à feuilles radicales étalées, pinnatifides à la base, et dont la tige devient haute de i mètre, rameuse, porte des fleurs violâtres, cruciées, auxquelles succèdent des siliques renflées, tortueuses, aiguës, qui contiennent les graines. Dans les variétés cultivées, la racine est simple, pivotante, charnue, fusiforme ou arrondie, blanche, rose, violette ou noire. Les racines seules sont comestibles et se mangent crues. Il y a, au sommet de la rave et du radis, deux oreillettes, dont l'origine, très-singulière, n'a été expliquée convenablement qu'en 1838[1].

Rave violette hâtive

On a cultivé en différents temps différentes variétés de raves ; mais depuis quelques années nous nous en tenons à la rave violette hâtive pour nos cultures forcées, parce que nous y trouvons plus d'avantage, en ce qu'elle est plus recherchée mous en disons autant pour le radis rose demi-long.

Culture forcée, première saison — C'est à la fin du mois de décembre qu'on sème cette rave pour primeur ; alors on fait une ou plusieurs couches, comme il est dit chapitre VIII ; on place les coffres dessus ; on y met du terreau de l'épaisseur de 14 à 16 centimètres, et on couvre avec les châssis, pour que la couche s'échauffe plus vite ; on y ajoute même des paillassons si la gelée domine. Quand la chaleur est tombée au point convenable, on égalise le terreau, on sème la graine de rave assez clair pour que les raves se trouvent à 2 centimètres l'une de l'autre, on la recouvre de 12 millimètres de terreau, et on replace les châssis de suite. En moins de cinq jours, la graine est levée ; alors il faut donner de l'air tous les jours, s'il est possible, car la rave vient fort mal sans air. D'un autre côté, on ne négligera aucun des moyens indiqués pour empêcher la gelée de pénétrer sous les châssis. Si le temps n'est pas trop contrariant, la rave sera bonne après quarante jours de semis.

Radis rose demi-long

La culture du radis est absolument semblable à celle de la rave ; l'air lui est aussi nécessaire, et, s'il arrivait un mois de janvier où l'on ne pût ouvrir ips châssis plus ou moins, la saison serait compromise.

Rave, radis, deuxième saison

Pour faire une seconde saison de rave ou radis de primeur, il faut, à la fin de février ou dès le commencement de mars, faire une ou plusieurs couches comme précédemment ; mais on n'y mettra ni coffre ni châssis ; on la chargera de terreau, et, lorsqu'il sera un peu échauffé, on le bordera et on y en ajoutera ce qu'il faut pour qu'il soit partout épais de 14 à 16 centimètres ; on le sèmera en rave ou radis, comme il est dit ci dessus, et on recouvrira la graine de 12 millimètres de terreau, et, sitôt cette opération faite, on étendra des paillassons sur toute la couche, pour faciliter et hâter la germination par la concentration de la chaleur et de l'humidité. Aussitôt que la germination est effectuée, on lève les paillassons, et, comme on n'est pas à l'abri des gelées en cette saison, il faut, le jour même où l'on a levé les paillassons, établir sur la longueur de la couche deux rangs de gaulettes élevées sur de petits piquets à 8 ou 10 centimètres au-dessus, pour soutenir les paillassons à cette distance du plant quand il sera nécessaire de le couvrir. Semés de cette façon en mars, les raves et les radis seront venus en trente ou quarante jours.

Rave et radis en pleine terre

Culture — Dès les premiers jours de mars, on sème des raves ou des radis en côtière bien abritée. On les sème rarement seuls en côtière ; l'usage le plus général est de les semer en même temps qu'on y plante de la laitue, de la romaine, des choux-fleurs, parce que les côtières sont trop précieuses au mois de mars pour n'y faire qu'une saison ; mais, à la fin du mois, on commence à en semer en plein carré, là où le soleil donne. Après avoir labouré et dressé, hersé et plombé autant de planches qu'on en a besoin, on les sème et on herse une seconde fois pour enterrer la graine ; après quoi, on répand sur le tout 15 millimètres de terreau. Dans les mois de mars et avril, on n'a pas ordinairement besoin d'arroser ; mais, s'il survenait des hâles sans gelée, il faudrait arroser en raison de la sécheresse, et pour éloigner les pucerons (altises) qui dévorent les semis des crucifères, particulièrement ceux de rave et de chou dans les printemps secs. On sème des raves et des radis depuis mars jusqu'en septembre, et comme ils ne sont bons qu'étant jeunes et tendres, qu'ensuite ils montent très vite en été, il faut en semer tous les huit jours, tenir les sentiers plus hauts que les planches et les arroser abondamment tous les jours, le soir d'abord, ensuite vers les onze heures du matin pendant les grandes chaleurs.

Dans l'été, les raves et les radis sont bons à être mangés vingt-cinq jours après leur semis.

Radis noir

Celui-ci devient très-gros, ovale ou allongé, avec une peau noire, une chair blanche, très ferme, peu juteuse et d'une saveur plus piquante que les autres ; son feuillage est aussi plus grand, et il ne monte pas ordinairement en graine l'année qu'il a été semé ; de sorte qu'il faut en conserver quelques racines à l'abri de l'hiver, comme les carottes, et les planter au printemps pour en obtenir de la graine.

Culture — Le radis noir demande une terre plus forte que les autres radis : on le sème seulement une fois par an, dans le courant de mai jusqu'en juin, dans une planche préparée comme pour les autres radis ; mais, comme il devient beaucoup plus fort, il faut le semer plus clair ou l'éclaircir quand il est levé de manière que les pieds soient à environ 10 centimètres l'un de l'autre. Il faut les mouiller fort et souvent, s'ils sont en terre légère et sèche ; il leur faut trois mois pour parvenir à peu près à leur grosseur naturelle, de sorte qu'en ne mange guère de radis qu'en automne et dans l'hiver ; car ils se conservent dans un cellier ou une cave aussi bien et mieux que des carottes. Au reste, tout le monde ne mange pas de radis noir, il n'y a que les bons estomacs qui en fassent usage ; les faibles les craignent ; aussi sa culture n'est pas fort étendue.

Nous ne parlons pas de beaucoup d'autres raves et radis de différentes grosseurs et couleurs, qui se cultivent, comme, notre radis rose, dans les potagers, parce qu'ils ne sont pas recherchés à la halle et que les maraîchers ne doivent cultiver que ce qui est d'un débit certain.

Melon

Observations — Quoique généralement nous ne semions nos premiers melons que dans les premiers jours de février, on peut cependant en semer vers le 20 ou 25 de décembre, ainsi que le fait depuis quelques années notre confrère M. Gontier, très habile cultivateur en plusieurs genres de culture au Petit-Montrouge, à Paris. C'est le petit prescott fond blanc qu'il préfère pour cette saison, et il en obtient des fruits mûrs vers le 15 avril.

Il sème aussi, à la même époque, des haricots nains de Hollande, variété de notre haricot flageolet, mais plus précoce ; semés en cette saison, on en obtient des haricots verts six semaines après.

Ce très intelligent cultivateur fait usage du thermosiphon dans la plupart de ses cultures forcées sous châssis. Nous attendons que l'expérience ait confirmé les avantages ou les inconvénients de ce nouveau système de chauffage pour l'adopter ou le repousser ; d'ailleurs le prix toujours croissant du fumier de cheval nous forcera peut-être bientôt à prendre une détermination à cet égard.


[1] Par P. J. F. Turpin, dessinateur, botaniste physiologiste, mort membre de l'académie des sciences en 1840.