Principes généraux

Avant d’aborder la culture intensive des légumes et la création du potager, il est utile de poser des principes généraux applicables aux cultures intensives et extensives, et qui sont la clef de la production dans tous les potagers, sans exception.

  1. Toujours cultiver un espace le moins grand possible, mais le bien cultiver. Les jardins trop grands sont ruineux en engrais et en main-d’œuvre ; ils occasionnent une dépense égale à leur étendue, et ne produisent presque rien faute de culture suffisante ;
  2. Niveler le potager avec soin, pour rendre les arrosages moins copieux et plus efficaces. L’eau coule presque toujours sur les planches inclinées, et ne profite pas aux plantes. Lorsque les planches sont horizontales, l’eau s’infiltre au pied des plantes ;
  3. Défoncer le potager en plein à une profondeur variant entre 30 et 70 centimètres, suivant l’épaisseur de la couche de terre végétale et la qualité du sol. Quand un potager a été bien défoncé, et la terre purgée de pierres et de mauvaises herbes, la moitié de la main-d’œuvre est économisée, le travail est des plus faciles et l’activité de la végétation doublée. Un sol défoncé est toujours frais ; il demande moitié moins d’eau que celui qui ne l’est pas ; l’action des engrais est beaucoup plus énergique, parce qu’ils sont dissous plus vite dans un sol meuble et perméable que dans une terre sèche en mottes ; les binages et les sarclages sont moins fréquents et les mauvaises herbes beaucoup plus rares ;
  4. Opérer des labours profonds, même quand le sol a été défoncé. Les labours doivent avoir une profondeur de 35 à 40 centimètres. Dans ces conditions, la terre la plus forte devient friable, meuble, et d’une fertilité sans égale ;
  5. Opérer les labours lorsque la terre est bien égouttée. Il faut bien se garder de labourer lorsque la terre est trop mouillée, surtout dans les sols argileux. Chaque coup de bêche forme une petite brique, qui acquiert une dureté extrême. La terre forte, labourée trop mouillée, peut rester improductive pendant plusieurs années. L’inconvénient est moindre dans les sols légers ; mais la terre se divise mal et reste moins perméable ;
  6. Pratiquer des binages énergiques, surtout dans les sols argileux, et les renouveler quand la terre est battue par les arrosages ou croutée par la sécheresse. Le binage n’a pas seulement pour objet de détruire les mauvaises herbes ; son principal but est de rendre le sol perméable à l’air et aux rosées. Qui bine souvent arrose ! En effet, lorsque la croûte formée à la surface de la terre est brisée par la binette, l’humidité du fond remonte à la surface du sol, par l’effet de la capillarité, pendant le jour, et la nuit les rosées pénètrent jusqu’aux racines. Si vous laissez subsister la croûte superficielle, la sécheresse l’augmente chaque jour, et les plantes souffrent énormément ;
  7. Sarcler aussitôt que les mauvaises herbes apparaissent dans les semis. Les mauvaises herbes vivent au détriment des plantes ; elles absorbent l’engrais qui leur est destiné, et les étouffent très promptement avec leurs racines et leurs feuilles. Il n’y a pas de prétexte pour ajourner le sarclage des semis. Si la terre est sèche, on l’arrose ; elle est humide alors, et rien n’empêche de sarcler. Quand on laisse grandir les mauvaises herbes, on déracine les semis en les arrachant ;
  8. Arroser copieusement, c’est-a-dire mouiller la terre à fond, ou s’abstenir complètement. Rien n’est plus pernicieux pour les légumes qu’un arrosage incomplet ; il excite les plantes sans les nourrir, et les expose à tous les accidents. Si vous avez une quantité d’eau insuffisante, mouillez à fond quatre, cinq ou six planches, et passez à quatre, cinq ou six autres ensuite. Bien mouillées, elles pourront se passer d’eau pendant huit jours et végéteront énergiquement. Si vous arrosez à moitié vous courez le risque de tout perdre. Dans ce cas, il vaut mieux biner ;
  9. Faire les semis et les repiquages en pépinière sur des espaces très restreints afin de leur donner tous les arrosages qui leur sont indispensables. La surface de la terre des semis ne doit jamais se dessécher, surtout pendant les chaleurs. Il suffit d’une heure de soleil, lorsque la terre est sèche, pour faire périr un semis en état de germination : les germes très tendres sont brûlés en un instant ;
  10. Pailler toutes les plantes demandant beaucoup d’humidité. Le paillage est indispensable, surtout pour les fraisiers de Gaillon, les tomates, les laitues. Il suffit d’une couverture de 3 à 4 centimètres d’épaisseur sur toute la planche, avec du fumier de couche usé ou des composts pour y maintenir constamment la fraîcheur ;
  11. Éviter de trop ratisser les semis et d’employer des râteaux trop fins. L’excès de propreté est souvent nuisible aux plantes. Il faut ratisser les semis pour unir la terre et enlever les corps étrangers ; mais il ne faut pas abuser du râteau. Dans ce cas, on tasse la terre, on la rend plastique, imperméable à l’air et à l’eau, et on compromet le succès du semis ;
  12. Faire les repiquages en pépinière dès que les plantes ont quatre feuilles bien développées, et arroser copieusement les jeunes plants, pour les faire végéter promptement. Sans pépinière de légumes, pas de produits prompts et de bonne qualité. Les choux, les salades, etc., mis en pépinière lorsqu’ils ont quatre feuilles, commenceront à tourner en quelques jours dans une terre bien pourvue d’humus et toujours maintenue humide, et, toutes choses égales d’ailleurs, produiront beaucoup plus vite des pommes énormes et serrées lorsqu’ils seront en place. La pépinière de légumes est la clef de la production d’un potager. Elle doit toujours être abondamment approvisionnée de tout, pour remplir les vides et parer à tous les accidents : sans pépinière, pas de bonne culture et pas de beaux produits. Cela est bien simple et bien facile à faire, et cependant c’est ce qu’il est le plus difficile à obtenir des jardiniers.

Ces principes généraux doivent toujours être présents à la mémoire du cultivateur, et être rigoureusement appliqués partout, pour obtenir un succès complet.