Création du potager

Situation, exposition, nature du sol

Il n’est pas toujours facultatif de choisir, chez les propriétaires surtout, l’emplacement et l’exposition les plus favorables pour le potager ; le parc a des exigences de vues, de conformation et de perspective qu’il est impossible d’enfreindre, et, disons-le, le potager, malgré toute son utilité, est loin d’offrir un aspect pittoresque : il faut donc le reléguer dans un coin et le soustraire à tous les regards. Fort heureusement le potager, d’une utilité absolue, est beaucoup moins exigeant que le jardin fruitier au point de vue de la situation, de l’exposition et surtout de la qualité du sol : en cherchant bien et en déployant un peu d’imagination, on trouvera toujours le moyen de le créer dans de bonnes conditions ou de le masquer assez habilement pour qu ‘il ne déshonore pas le paysage. Lorsqu’on créera un potager pour la spéculation, soit dans une ferme ou chez un propriétaire cultivateur, où les nécessités de la perspective n’existent pas, on choisira, bien entendu, l’emplacement le plus favorable au produit, pouvant être exploité dans les meilleures conditions d’économie.

Pour donner des résultats assurés, le potager doit être créé dans les conditions suivantes :

  1. Être abrité naturellement des vents du nord et de ceux de l’ouest ; être fermé à ces deux expositions et ouvert à celles de l’est et dur sud. Les vents du nord sont glacials ; ils apportent la gelée, la grêle, etc. On ne saurait trop garantir un jardin de ces vents pernicieux pour toutes cultures, par leur âpreté, les ravages qu’ils causent et le retard qu’ils apportent dans la végétation. Les vents d’ouest, moins froids que ceux du nord, ne sont pas moins à redouter ; quand leurs violentes rafales ne brisent pas les plantes, ils les tourmentent assez pour retarder considérablement leur végétation. Un bon jardin doit être hermétiquement fermé au nord et à l’ouest par des abris naturels et, à leur défaut, par des abris artificiels, et, si ce même jardin est ouvert à l’est et au midi, il sera d’une précocité remarquable, abrité des vents froids et des tourmentes, exposé aux premiers rayons du soleil et à la chaleur du midi. On peut tout faire et tout espérer dans un pareil jardin. Sous le climat de l’olivier, il sera nécessaire d’abriter le potager au midi par une haie de thuyas, pour le soustraire à la trop grande chaleur, et d’y établir des abris puissants à l’aide de plantations épaisses contre les vents de la mer. Sur tout le littoral de la mer, que ce soit au nord, à l’ouest ou au sud, le premier soin sera de garantir le potager des vents de mer, par les accidents du terrain d’abord, et ensuite par d’épaisses et solides plantations d’arbres verts ;
  2. Le potager doit être uni comme une table ; s’il présente une pente, il faut niveler avec le plus grand soin. Un potager en pente, même lorsqu’il est incliné au midi, se trouve toujours dans une situation défavorable. La culture du potager est intensive au premier chef ; chaque planche doit produire en moyenne au moins quatre récoltes par an, et ce résultat ne peut être obtenu qu’à l’aide d’une culture active et d’arrosages fréquents. Une pente, quelque légère qu’elle soit, est un obstacle à l’exécution des façons, et presque une impossibilité à des arrosages fructueux ;
  3. L’eau étant indispensable au potager, on doit sinon le placer près d’un ruisseau ou d’une source, mais au moins dans un endroit où l’on soit certain de percer un puits peu profond, fournissant de l’eau en abondance et ne tarissant jamais, à moins cependant que l’on ait une conduite d’eau à sa disposition. Les fonds sont en général très favorables à l’établissement des potagers ; les pentes qui les environnent forment un abri naturel contre les vents : leur sol est riche et frais et il s’y trouve souvent des sources où des fontaines donnant une grande quantité d’eau. À défaut de sources superficielles, on est assuré d’en rencontrer de très abondantes à une petite profondeur ;
  4. Le potager doit être créé dans un sol de consistance moyenne, plutôt léger que compact, mais cependant assez substantiel. Le sol est un des plus puissants agents naturels de la végétation ; il compte pour beaucoup dans les succès obtenus en culture ; mais il ne faut pas cependant exagérer son importance, et mettre sur le compte de sa mauvaise qualité les nombreuses déceptions dues uniquement à l’ignorance, à la paresse et à l’incurie. La culture des légumes est non seulement possible, mais encore profitable dans tous les sols, excepté dans la silice et le calcaire purs, et encore cette culture y donnerait des résultats passables, si le sol était amendé, suffisamment fumé et bien cultivé

Posons donc en principe : que la culture des légumes est possible dans tous les sols.

Ceci posé, éludions sommairement la constitution du sol et les amendements à y introduire afin de créer, au besoin, un sol, sinon artificiel, mais au moins assez heureusement amendé pour donner les meilleurs résultats.

Examinons d’abord les trois principaux éléments servant de base à la fertilité et entrant, en quantité plus ou moins grande, dans la constitution des sols : l’argile, la silice et la matière calcaire.

L’argile

L’Argile, desséchée naturellement, se compose de 52 parties de silice, de 33 d’alumine et de 15 d’eau ; elle est plastique, tenace, difficile à diviser, retient une quantité d’eau considérable, 70 pour 100 de son poids environ ; elle possède la faculté de s’emparer des gaz ammoniacaux et de les retenir entre ses particules. L’argile mouillée forme une pâle molle, adhérente aux outils ; sèche, elle acquiert la dureté de la pierre. Dans ces deux cas, elle est imperméable à l’air. En outre, il faut que l’argile soit entièrement saturée d’engrais pour que les végétaux que l’on y cultive se ressentent de l’effet des fumures.

Les sols argileux sont froids, humides, tardifs par conséquent, et ils joignent à ces désavantages le double inconvénient de donner facilement prise à la gelée et de se fendre par les grandes chaleurs.

Ces sols conviennent particulièrement aux artichauts, aux choux, poireaux, fèves, etc. ; mais les asperges, la plupart des racines et des légumes à fruits secs y viennent mal.

Malgré ces inconvénients, on forme d’excellents potagers dans des sols argileux, en les amendant convenablement.

Des amendements, impossibles en grande culture, sont facilement applicables au potager, où, comme dans Je jardin fruitier, nous ferons de la culture intensive dans toute l’acception du mot, c’est-à-dire où nous dépenserons un capital élevé et une grande somme de travail, pour obtenir une abondante récolte sur un espace très restreint.

Nous sommes en présence d’un sol très argileux, destiné à former un potager ; d’une terre assez plastique pour faire de la brique ou de la poterie. Si nous laissons le sol dans cet état, quelques légumes à production foliacée ; donneront de bons résultats ; presque tous les autres y languiront.

Le premier point à obtenir de l’amendement est un sol friable et perméable à l’air, qui ne colle ni aux pieds ni aux outils, lorsqu’il est mouillé, et ne se fende pas par la sécheresse.

Nous n’avons pas ici, comme pour le jardin fruitier, à redouter un peu d’humidité dans le sol ; au contraire, c’est une des conditions les plus favorables pour le potager : c’est à la fois une grande économie sur les arrosages et un garant de fertilité. Aussi, faudra-t-il bien se garder de drainer le potager dans les sols frais ; ce serait une faute des plus graves, à moins cependant de rencontrer de l’eau stagnante dans le sol, à une profondeur moindre de 60 centimètres.

L’arrosage est ce qui coûte le plus cher dans la culture des légumes ; on ne doit rien négliger de ce qui peut contribuer naturellement à en diminuer les frais.

Nous conserverons donc au sol une fraîcheur salutaire ; rechercherons le moyen de le rendre divisible et perméable au meilleur marché possible, suivant les ressources du pays.

Si le sol à amender est formé en entier de terre à brique ou à poterie, et qu’il soit possible de se procurer un combustible quelconque à très bon marché, le moyen le plus énergique, donnant les résultats les plus complets et les plus prompts, est le brûlis. Peu importe la nature du combustible : en Sologne, ce seront des bourrées de sapin dont on ne sait que faire ; en Picardie, de la tourbe ; en Bretagne, des ajoncs et des genêts ; ailleurs, du charbon ou du coke, des broussailles. Peu importe : le préférable est celui qui coûte le moins cher.

On ouvre la terre pour en former des billons de 60 à 80 centimètres d’élévation, le combustible est placé en quantité suffisante au fond de ces billons, pour faire un feu susceptible de durer deux heures environ ; on recouvre le combustible avec de grosses mottes de terre, de manière à former une espèce de fourneau et à permettre aux flammes de pénétrer entre les mottes : on met le feu, puis on a soin de boucher les trous avec de nouvelles mottes de terre partout où les flammes se font jour. Lorsque les fourneaux sont refroidis, on brise les mottes avec la tête de la pioche : un seul coup les réduit en poussière.

Il suffit alors, en défonçant, de bien mélanger le produit du brûlis avec le sol, d’y ajouter un chaulage ou un copieux marnage, et une bonne fumure, pour obtenir immédiatement une terre amenée au plus haut degré de puissance et de fertilité. Toutes les fois que le brûlis ne coûtera pas plus cher que le transport du sable, il devra lui être préféré. Non seulement l’argile fortement chauffée ne redevient jamais plastique et agit comme le sable mais dans cet état elle absorbe avec avidité les gaz de l’atmosphère, et concourt puissamment à augmenter l’action des fumures ; en outre, le brûlis purge le sol d’une manière radicale des insectes et des mauvaises herbes qui ravagent et ruinent le potager.

Pour les sols moins argileux, que l’on désigne généralement sous le nom de terres fortes, des amendements bien choisis et une bonne culture les rendront bien vite d’une fertilité remarquable.

N’oublions pas que notre potager sera abondamment fumé, labouré trois à quatre fois par an, et biné huit à dix fois, chaque planche devant produire en moyenne au moins quatre ou cinq récoltes. L’enfouissement des engrais, et une culture aussi active suffiraient seuls à ameublir complètement le sol en quelques années ; nous y ajouterons quelques amendements pour augmenter sa fertilité et hâter son ameublissement, et n’aurons recours aux brûlis que pour les sols réputés impossibles.

Posons d’abord en principe : que les amendements calcaires apportent une grande somme de fertilité dans les sols argileux. Si la terre est trop compacte, il faudra d’abord y introduire du sable, le bien mélanger avec le sol, et ensuite avoir recours aux amendements calcaires. On peut employer indistinctement, suivant leur prix de revient :

La chaux vive :
dans la proportion de deux à trois hectolitres par are. On la mêle d’abord avec trois à quatre fois son volume de terre, pour la laisser fuser, et ensuite on mélange bien le tout ensemble et on ajoute aux engrais pour être répandue également sur le sol ;
La marne :
dans la proportion de trois ou quatre mètres par are, et mélangée avec les engrais, à la condition toutefois d’employer des marnes actives contenant une grande quantité de carbonate de chaux. Il faut toujours se défier des marnes, dont l’aspect est des plus trompeurs ; il sera prudent de les faire analyser avant de les employer pour le potager ;
Les plâtras et vieux mortiers de chaux :
provenant de la démolition des mai- sons ; ils ne coûtent que la peine de les enlever dans le voisinage des villes, et sont aussi efficaces que la chaux et la marne, il faut les pulvériser et les mêler avec des engrais ;
Les cendres, à défaut de chaux, de marne ou de plâtras :
Les cendres de bois sont les meilleures ; mais elles sont souvent d’un prix élevé. On peut employer avec succès la charrée, cendre qui a servi à faire la lessive. Les cendres des fours à chaux et des briqueteries, moins pures que celles des foyers, sont excellentes et ne coûtent pas cher. Les cendres de houille provenant des usines sont aussi un précieux amendement ne coûtant presque rien : les cendres de tourbe, de tannée, et même celles des locomotives, qui encombrent toutes les gares, et dont les employés de chemins de fer sont toujours très heureux de se débarrasser moyennant une faible gratification, sont excellentes, à la condition, toutefois, de les passer à la claie, pour en enlever les cailloux et les détritus de charbon. Les cendres de locomotive sont une véritable richesse pour le potager, pour la grande culture et pour le vignoble. On les jette presque partout aux décharges publiques comme jadis le noir des raffineries. J’en ai fait enlever de grandes quantités dans plusieurs gares ; tous ceux qui les ont employées suivant mon conseil en ont obtenu, comme moi, d’excellents résultats. Je ne saurais trop engager les propriétaires, les cultivateurs et les vignerons à les enlever, à ne pas laisser perdre un produit précieux destiné à augmenter la richesse des récoltes, principalement dans les sols argileux et siliceux.

Enfin, si le propriétaire n’a pas de chaux, de marne, de plâtras, et qu’il ne puisse pas se procurer de cendres, il lui sera facile d’en faire dans les pars fourrés et boisés comme la Bretagne et la Sologne, etc., avec des ronces, des épines, des éclaircies de sapins, des bruyères, des ajoncs, des genêts, des algues, des varechs, de la tourbe, de la tannée, etc. Dans d’autres contrées, les propriétaires auront un bénéfice notable à faire nettoyer leurs bois, et à faire des cendres avec les mauvaises broussailles qui les obstruent et les empêchent de pousser. La main-d’œuvre employée à faire des cendres sera payée au centuple dans les schistes de Bretagne et les sables de Sologne, qui ne contiennent pas un atome de calcaire.

Admettons encore que l’on manque de tout cela, il restera la ressource d’acheter de la chaux dans le pays, si elle est à un prix abordable, ou de faire venir du plâtre de loin.

Un potager créé dans un sol argileux ainsi amendé donnera les plus brillants résultats ; il ne sera pas des plus hâtifs, mais, après quatre ou cinq années de culture, aucun jardin ne l’égalera pour la richesse, la beauté et la quantité de ses produits. Les sols argileux bien cultivés sont les plus fertiles, mais aussi Les plus exigeants ; le propriétaire doit toujours se souvenir qu’ils demandent à être soigneusement amendés et copieusement fumés, et le jardinier ne doit pas oublier que ces terres exigent plus de travail, et doivent être constamment ameublies par de profonds labours et par des binages fréquents et réitérés.

La silice ou le sable

La silice où sable entre en quantité plus ou moins grande dans la constitution de tous les sols. On l’y rencontre en plusieurs états : sous forme de cristal de roche insoluble dans l’eau et les acides ; sous forme de poudre blanche très fine, soluble dans l’eau et les acides ; enfin en combinaison avec d’autres substances, formant des sels, où elle joue Le rôle d’acide, tels que l’alumine, la potasse, etc.

Les sols siliceux variant du blanc au rouge, suivant la quantité d’oxyde de fer qu’ils contiennent, offrent les caractères opposés à l’argile : ils sont friables, faciles à travailler, perméables à l’air, mais, toujours exposés à la sécheresse, ils ne retiennent que 25 % d’eau environ.

Ces sols sont hâtifs, mais très brûlants dans l’été, et si l’on ne peut les arroser sans cesse très copieusement, on a toutes les peines du monde à y obtenir une récolte passable dans les années sèches.

Les potagers créés dans les sables sont une ruine pour le propriétaire ; il ne peut en espérer de bons résultats qu’après les avoir complètement saturés d’engrais, et s’il est à même de pailler et de Les faire noyer au moins une fois par jour, depuis le mois de mai jusqu’à celui de septembre, dans les années sèches.

Un tel potager est impossible ; il dépense Le double d’engrais et dix fois plus d’eau (l’arrosement est ce qu’il y a de plus dispendieux) que la récolte ne vaut, et si l’on néglige d’arroser, on n’oublie plus rien. Il est bien préférable de renoncer à une culture ruineuse et d’amender.

L’amendement le plus efficace est l’argile ; elle donne de la consistance au sol, augmente sa fertilité, et lui permet de retenir une plus grande quantité d’eau, mais l’argile employée humide ne se mélange pas au sable ; elle reste en mottes et n’agit pas. Il faut opérer ainsi pour obtenir de bons résultats :

Se procurer de l’argile pendant l’été, l’étendre au soleil, dans une cour ou dans les allées, jusqu’à ce qu’elle soit bien sèche : alors il faut la pulvériser complètement et couvrir le sol, par un temps bien sec d’une couche de cette poudre, épaisse de 5 millimètres à 1 centimètre.

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Figure 1 : Fourche crochue.

Aussitôt après, on donne un hersage énergique avec : la fourche crochue (fig. 1), pour bien mêler la poudre d’argile avec le sol, puis on l’enfouit au moyen d’un labour par un temps très sec. Si le temps était incertain, il faudrait n’étendre sur le sol que la quantité de poudre d’argile pouvant être hersée et enfouie dans la journée. La poudre mouillée redeviendrait adhérente et ne se mêlerait pas au sable. Le labour doit être fait à la fourche à dents plates (fig. 2), et non avec la bêche, qui amalgame moins bien l’amendement avec le sol.

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Figure 2 : Fourche plate.

J’insiste sur l’emploi de la fourche à dents plates, trop peu en usage dans les jardins, parce qu’elle seule opère un mélange parfait de la poudre d’argile avec le sol. La bêche opère mal ce mélange et réunit l’argile au lieu de la mêler. Il était difficile autrefois de se procurer la fourche à dents plates dont j’avais donné le modèle ; il fallait la faire venir de Paris. Les Américains, plus intelligents que nous, en ont fabriqué d’excellentes, et en ont inondé la France, c’est le mot. Heureusement une grande usine française à eu le bon esprit de faire fabriquer ces fourches américaines (fig. 3), et aujourd'hui on les trouve partout. Il n’y a donc plus de prétexte pour éviter de se servir d’un outil aussi indispensable dans le potager que dans le jardin fruitier.

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Figure 3 : Fourche américaine à dents plates.

C’est une opération longue et minutieuse ; mais c’est le seul moyen, et aussi Le plus économique, pour améliorer un sol trop siliceux. Grâce au parfait mélange de l’argile, la terre prend la consistance et devient onctueuse aussitôt. Alors il y a augmentation du double dans les produits et moitié de diminution dans les doubles dépenses des engrais et de l’arrosage.

Si le propriétaire a un besoin absolu d’un potager et qu’il ne puisse l’établir que dans un sol très siliceux, sa première opération devra être d’amender. Cela lui occasionnera une dépense première ; mais celte dépense sera pour lui une énorme économie de temps et d’argent ; en outre, l’amendement, qui, du reste, n’est pas très dispendieux, peut se faire en plusieurs fois. On peut amender un carré, c’est-à-dire Le quart du potager, tous les ans, et dans tous Les cas il serait préférable et profitable d’amender complètement la moitié ou même le quart du potager, que de faire imparfaitement la totalité. La culture est une œuvre de savoir, de temps et d’expérience ; elle est aussi profitable, exécutée dans de bonnes conditions, que ruineuse quand elle est dirigée par l’ignorance, la précipitation et l’irréflexion. Si l’on ne peut se procurer à bon compte la quantité d’argile nécessaire, on peut la remplacer par des vases de mares et d’étangs, par des curages de fossés, d’égouts et de lavoirs publics, que l’on emploie à l’état de dessiccation et pulvérisés comme l’argile.

Les cendres produisent aussi les meilleurs effets dans les sols siliceux : elles les rendent onctueux et. augmentent leur fertilité, par l’addition de potasse qu’elles y apportent.

Le meilleur moyen de les employer est de les mélanger avec les engrais. Si les sols essentiellement siliceux présentent de nombreux inconvénients, hâtons-nous de dire qu’il est des sables très fertiles : ceux contenant une certaine quantité d’argile, désignés vulgairement sous le nom de sables gras, et fortement colorés en rouge.

C’est le sol préférable à tous pour établir un potager. Sa précocité, comme son extrême fertilité, s’explique par la présence de l’oxyde de fer, qui attire et fixe sous forme d’ammoniaque l’azote de l’atmosphère.

Les sols calcaires

Les sols calcaires, formés de chaux à l’état de carbonate, et contenant une quantité plus où moins grande d’argile et de silice, sont les moins favorables à la culture des légumes, excepté cependant à celle des asperges, qui ne sont jamais aussi belles et aussi bonnes que dans les terres calcaires à l’excès, et même dans le calcaire pur. Leur couleur blanche repousse l’action des rayons solaires ; ils s’échauffent très difficilement, absorbent très promptement une quantité d’eau considérable, et se dessèchent avec rapidité. Partant ils sont froide, tardifs, toujours trop humides ou trop secs.

Les sols calcaires, suivant leur consistance, s’amendent avec une quantité plus ou moins grande d’argile ou de silice. Il faut toujours choisir pour mêler aux sols calcaires des matières fortement colorées, soit pour amender, soit pour fumer, afin de donner prise à l’action des rayons solaires en faisant disparaître : leur couleur blanche.

Les argiles brunes, les sables rouges et les frasiers de forges sont les meilleurs amendements à introduire dans les sois calcaires, avec du noir animal, de la suie, de la tannée, de la tourbe et des terreaux de couches pour engrais. Avec des soins, du raisonnement et quelques années, on améliore assez ces sols ingrats pour en retirer d’excellents et d’abondants produits. Le premier, le plus urgent et le plus profitable de tous les actes, est celui d’amender le sol d’abord, et de le placer en- suite dans de bonnes conditions de fertilité, en lui donnant assez d’eau et des engrais appropriés à sa nature.

La tannée est parfaite en ce qu’elle agit comme amendement et comme engrais, mais dans les sols calcaires seulement, où son acidité naturelle est corrigée par l’excès du calcaire. Dans les sols argileux, siliceux et de consistance moyenne, elle ne peut être employée sans préparation, sans être nuisible. (J’en parlerai aux Engrais.)

Il résulte de l’examen que nous venons de faire les trois principaux éléments constituant tous Les sols, argile, silice et calcaire, que non seulement chacun de ces éléments séparés forme un sol imparfait, impropre à la plupart des cultures, mais encore que, mélangés, l’élément dominant nuit à la qualité du sol et nécessite les amendements.

La terre modèle est le loam, appelé terre franche dans certains pays. Les loams contiennent 33 % d’argile, 33 % de silice et 33 % de calcaire, Toutes les cultures sont faciles dans ces sols ; tout y prospère et y donne d’abondants produits, avec moins d’engrais et de travail. Mais cette terre modèle se rencontre rarement : c’est au cultivateur à chercher à approcher le plus possible de ce type, à l’aide d’amendements judicieusement appliqués. Qu’il étudie, examine scrupuleusement et opère sagement, sans parcimonie comme sans prodigalité, et il sera bientôt convaincu de cette grande vérité : il n’existe pas de mauvais sols ; il n’y à que de mauvais cultivateurs. La nature est plus généreuse que ne le supposent les nonchalants ; elle possède des trésors que l’homme laborieux et entreprenant sait seul découvrir. Très sou- vent le remède est placé à côté du mal : il n’est pas rare de trouver un sol argileux placé sur un sous-sol siliceux, et une couche de calcaire à une certaine profondeur ou à une petite distance.

Dans ce cas, il n’y à qu’à opérer le mélange des couches séparées, opération des plus faciles en procédant au défoncement, ou à faire quelques charrois. Règle générale pour tous les jardins fruitiers et potagers : ne choisissez jamais un emplacement, et gardez-vous de commencer un travail d’amélioration, avant d’avoir sondé le sol en plusieurs endroits à 4 mètres de profondeur, vous être bien rendu compte de sa composition chimique et des ressources d’amendements qu’il renferme, si vous ne voulez pas vous exposer à faire une mauvaise opération, à recommencer votre travail et à faire une quadruple dépense en pure perte.

Disons, avant de terminer ce qui est relatif au sol, que la meilleure terre sera peu fertile, si elle ne contient une certaine quantité d’humus.

L’humus est la base de la fertilité du soi ; il provient de la décomposition des végétaux et des matières animales. L’humus fournit aux plantes l’azote provenant des végétaux dont il est formé ; du gaz acide carbonique qui imprègne l’eau du.sol, et forme au pied de la plante, et sous l’abri de ses feuilles, une atmosphère sur- chargée de cet acide (les plantes absorbent de l’acide carbonique par les racines et par les feuilles).

L’humus a d’autant plus d’efficacité sur la végétation, qu’il possède, comme les corps poreux, la faculté de s’emparer et de condenser les gaz qui l’entourent. Ces gaz sont restitués par l’élévation de la température où par l’humidité qui les chasse des pores.

L’humus est en quelque sorte un réservoir de substances nutritives placé au pied de la plante.

En outre, l’humus agit dans les sols argileux comme agent diviseur ; il maintient la fraîcheur dans les sables, et agit comme agent colorant dans les sols calcaires à l’excès. L’humus est la clef de la fécondité dans tous les sols.

Il nous sera facile d’introduire une quantité plus ou moins grande d’humus ou de terreau dans le sol, et par conséquent de diriger la végétation presque à notre gré, si nous savons bien choisir et fabriquer nos engrais, et surtout les employer avec discernement.

Notre terrain choisi, pouvant fournir la quantité d’eau nécessaire aux arrosages, reconnu propre à l’établissement du potager, occupons-nous de son dessin, de sa forme, de son étendue, de sa distribution et de son tracé.

Forme, distribution, clôture, étendue, tracé

Il est bien entendu que le potager est exclusivement consacré à la culture des légumes, et qu’il ne doit y entrer ni arbres fruitiers ni fleurs. La seule plantation admissible dans le potager est celle en espalier pour couvrir les murs de clôture, et un cordon de vignes ou de poiriers et pommiers à deux rangs, au bord de la platebande. On obtient dans ces conditions des fruits magnifiques, mais sous réserve de ne pas mettre de légumes dans la plate-bande. (Voir l’Arboriculture fruitière, dixième édition).

La première chose à faire, après avoir examiné le sol, s’être rendu compte de sa qualité, l’avoir sondé pour s’assurer d’y trouver la quantité d’eau nécessaire aux arrosements, est de lever le plan du terrain, afin de l’étudier sur le papier. Le potager n’est pas un jardin de luxe, mais d’utilité ; c’est encore moins un lieu de promenade : il est exclusivement destiné au produit, et doit être aménagé, et distribué uniquement en vue de la production abondante et économique des légumes.

La coquetterie du potager gît dans sa bonne organisation ; son luxe, dans la fertilité. Des architectes paysagistes ont créé des potagers ronds ; la forme circulaire favorise un peu l’exposition des murs, et est peut-être plus facile à dissimuler par des massifs. Ce sont ses seuls avantages. D’un autre côté, elle fait perdre un temps précieux aux jardiniers, et les gène pour l’organisation des planches. La forme carrée, quelque irrégulière qu’elle soit, est préférable et plus commode pour la culture. Elle permet d’établir les dispositions les plus faciles et les plus économiques ; les pointes et les angles sont autant de précieuses ressources pour les aménagements et la cuisine du potager.

L’abondante production que nous demandons au potager n’exclut ni l’ordre ni la propreté, Rien de plus ignoble que de voir des tas de fumier et des débris de toutes sortes dans un jardin ; des outils, des paillassons, des cloches, des châssis ou de la poterie trainer dans tous les coins. Quelle que soit la forme du potager, il est indispensable d’établir tout auprès, et dans un coin bien caché :

  1. Une petite cour pour la fabrication des fumiers, l’aménagement des terreaux et des paillis ;
  2. Une serre pour les outils, et dans laquelle ils seront soigneusement accrochés ;
  3. Une autre serre pour les châssis, les cloches, la poterie inutile, les paillassons, etc. ;
  4. Un grenier ou une petite pièce quelconque pour serrer les rames, les échalas, les tuteurs, etc. ;
  5. Une serre à légumes, pour conserver les légumes pendant l’hiver, faire germer les pommes de terre, etc.

Si les bâtiments faits ou à construire dans le jardin étaient impropres à l’établissement d’une serre à légumes, on la placerait ailleurs.

Le défaut dominant, dans la création des potagers actuels, c’est de les faire toujours trop grands ; c’est plus qu’un défaut : c’est un vice. Un potager trop grand demande une main-d’œuvre très dispendieuse, laissant toujours à désirer, il n’a jamais assez d’eau, d’engrais et de main-d’œuvre. La dépense est très élevée et la récolte à peu près nulle.

L’étendue du potager doit être calculée ainsi en moyenne : deux ares de terre par habitant, maître ou domestique, et un are par étranger venant passer quelques jours. Dans les grandes maisons, recevant beaucoup, où les étrangers affluent pendant l’été, et où le personnel des domestiques augmente à chaque instant, le potager doit être organisé pour parer à toutes Les éventualités.

Supposons une maison composée de six maîtres et d’autant de domestiques, recevant pendant tout l’été et ayant quelques réunions de douze à quinze personnes pendant les vacances, les chasses, etc. Le nombre des visiteurs, augmenté de celui des domestiques, avec le personnel de la maison, équivalant à trente personnes, il faudrait, d’après mon calcul, un potager de 60 ares ; mais, par mesure de prudence, nous le porterons à 80 ares dans la prévision des mauvaises années, et même à l’hectare si le maître de la maison a une famille nombreuse à laquelle il expédie des provisions.

Un potager d’un hectare peut suffire largement à la maison la plus importante, aux envois de provisions à ses parents et à ses amis, et apporter encore, à l’aide de cultures dérobées faites avec intelligence, un précieux appoint de nourriture en verdure, et même en grenailles pour la basse-cour.

Pour une maison moyenne, composée de quatre maîtres, deux domestiques, un jardinier et sa femme, et où l’on reçoit quatre étrangers par an, un potager de 24 ares est suffisant, pour être richement approvisionné foute l’année.

Si au lieu de quatre personnes on en reçoit huit, on ajoutera quatre ares au potager. Un jardinier avec sa femme soignera parfaitement un potager de 23 ou 30 ares, et n’aura besoin d’un aide que s’il a, avec cela, un parc un peu étendu, et beaucoup de corbeilles de fleurs.

J’insiste sur le chiffre de deux ares par personne, parce qu’il est suffisant dans une maison où il n’y a pas de nombreuses réceptions, si l’on applique à la lettre la culture du Potager moderne.

Admettons, ce qui arrive très souvent, une maison où le mari et la femme vivent seuls avec un domestique : un potager de 8 à 10 ares leur suffira pour pourvoir à tous leurs besoins.

Si le maître de la maison a le goût du jardinage, son petit jardin lui coûtera par an :

Si le propriétaire aime le jardinage, il fera tout le reste, qui n’a rien de fatiguant, et avec une dépense annuelle de 124 fr (496 €), il approvisionnera abondamment sa maison de primeurs et de légumes, trente melons le rembourseront totalement de ses frais. Qui l’empêche d’envoyer trente melons au marché, en dehors de sa provision s’il veut, ou est obligé de faire des économies ?

Si ce même propriétaire ne veut pas toucher à son jardin, et se contente de diriger le jardin suivant les indications du Potager moderne, son jardin lui coûtera par an :

À ce prix, il aura encore grand bénéfice à récolter ses légumes, dont il sera abondamment pourvu, ainsi que de primeurs et de fruits de table, que je ne porte pas en ligne de compte.

Le potager doit être clos, pour le défendre des atteintes des maraudeurs, des animaux domestiques et des lapins, et pour augmenter sa précocité, à l’aide d’abris artificiels. La meilleure de toutes les clôtures est un mur ; c’est aussi la plus dispendieuse, mais l’intérêt du capital employé pour la construction des murs est très largement payé par la production des espaliers.

Si le potager est rond, nous n’avons pas à nous : occuper de l’orientation des murs : la forme circulaire lui est favorable ; mais, s’il est carré, on devra, pour la prospérité des espaliers, placer les angles aux quatre points cardinaux, contrairement à ce qui se fait habituellement. Voici pourquoi :

Si, suivant la vieille coutume, on oriente un mur au midi franc, exposition presque toujours choisie par les personnes qui ignorent l’arboriculture, mais à laquelle les arbres grillent, et les fruits brûlent neuf fois sur dix, le mur qui lui fait face est exposé au nord et reste dégarni le plus souvent, parce que rien n’y vient ; les murs latéraux offrent l’exposition de l’est, trop sèche, et celle de l’ouest, trop humide. Résumé : quatre murs à quatre mauvaises expositions. Cependant, si ces murs sont construits, il faudra les utiliser tels qu’ils sont : l’Arboriculture fruitière en donne les moyens ; mais, s’ils sont à construire, il faudra procéder ainsi : placer les quatre angles du jardin au nord, au midi, à l’est et à l’ouest, afin d’avoir sur les murs, les expositions mixtes du nord-est et du nord-ouest, du sud-est et du sud-ouest, toutes excellentes et susceptibles de donner un produit double des précédentes.

Lorsqu’on sera obligé d’établir Le potager au milieu d’un pare, et qu’il y aura nécessité de le cacher, on pourra ne faire que deux murs : l’un au nord, abritant des vents froids, et donnant l’exposition du midi ; l’autre à l’ouest, parant des vents violents et donnant l’exposition de l’est. Ces deux murs pourront être garnis d’espaliers, et l’on pourra clore les deux autres faces, celle du midi et celle de l’est, avec une haie croisée de rosiers de Bengale, clôture excellente et du plus joli effet dans un parc (fig. 4). Cette haie, soutenue par une charpente en fer ou en bois et des fils de fer, et formée de losanges réguliers, offre un aspect magnifique comme floraison, tout en étant d’une solidité remarquable, en ce que toutes les branches sont greffées ensemble, à tous les points où elles sont en contact. Une haie ainsi formée offre une clôture impénétrable et un ornement splendide. (Voir l’Arboriculture fruitière, dixième édition, pour la plantation et la formation des haies croisées.)

Chancre
Figure 4 : Haie croisée.
On pourra planter de grands arbres devant les deux murs construits au nord et à l’ouest, d’abord pour cacher les murs, ensuite pour doubler l’abri artificiel d’un abri naturel plus élevé ; mais les grands arbres devront être plantés à 6 mètres au moins des murs, afin de ne nuire aux espaliers ni par leurs racines ni par leur ombre. Enfin, avec un peu d’imagination et d’habitude de dessiner des jardins, il sera toujours facile de créer un potager fertile, même au milieu d’un parc, et de le cacher complètement par des massifs d’arbres, d’arbustes, d’arbres fruitiers, soumis à des formes s’harmonisant avec le paysage, ou des haïes de rosiers. Les murs seraient plus nuisibles qu’utiles dans le Midi ; les clôtures devront se composer uniquement de rideaux de thuyas, pour avoir un abri naturel contre l’ardeur du soleil. L’emplacement choisi et le mode de clôture adopté, il faut penser à la distribution du potager.

L’assolement de quatre ans est celai que nous adoptons généralement comme le plus profitable sous tous les climats ; il nous faudra par conséquent faire quatre carrés d’égale grandeur, au centre desquels nous établirons un puits ou un bassin, afin de pouvoir arroser copieusement ces carrés avec la pompe Dudon (fig. 13), quand toutefois les carrés n’excéderont pas 20 mètres d’angle en angle ; s’ils sont plus grands, nous organiserons plusieurs bassins. L’arrosage à la pompe est le plus prompt et le plus économique.

Je donne les moyens de l’établir facilement et économiquement au chapitre : Arrosage. Il ne faut jamais s’effrayer de irrégularité du terrain lorsqu’on crée un potager ; les emplacements les plus irréguliers sont ceux dont on tire le meilleur parti, et que l’on aménage le plus commodément. Supposons un potager de 30 à 40 ares bien aménagé, ayant toutes ses dépendances sous la main.

Ce potager sera parfaitement soigné par le jardinier aidé de sa femme, mais à la condition d’avoir tout sous la main. Si les fumiers, les terreaux, Îles châssis, Les cloches, les échalas, les rames et les tuteurs sont serrés dans un endroit éloigné, il faudra que le jardinier et sa femme se dérangent vingt fois par jour pour aller chercher cent objets dont ils auront besoin à chaque instant. De deux choses lune : ou la besogne sera négligée, et le produit diminué avec la même dépense ; ou il faudra un aide de plus, coûtant 1000 fr (4000 €) à 1200 fr (4800 €), qui augmentera les dépenses, pour obtenir le même résultat que si le potager eût été bien aménagé. La culture ne donne de bénéfices qu’autant que le travail est bien organisé, et c’est ce qui manque la plupart du temps dans la création des jardins, parce que le plus souvent les architectes qui les créent, entièrement étrangers à la culture, font de très jolis dessins, il est vrai, de la fantasia très élégante, mais ne possèdent pas les notions élémentaires de la culture, de là des plans dont l’exécution est impossible, donnant lieu à des allées et venues continuelles, et des tournaillements incessants, dépensant en pure perte la moitié du temps d’un homme laborieux et intelligent, payé suivant son mérite.

Ensuite, la surveillance, facile quand tout est réuni, devient impossible quand tout est disséminé ; là où le jardinier laborieux perdra forcément le tiers de sa journée en allées et venues, celui qui ne l’est pas la perdra presque tout entière.

Un vieux proverbe a dit : Chacun son métier les. . . Le proverbe a raison. Il est incontestable que, si nous voulions faire des maisons, nous ferions d’aussi pitoyables constructions que messieurs les architectes font de lamentables jardins.

Il est difficile de donner un spécimen de plan pouvant servir à des terrains de conformations différentes. Néanmoins, je donne ici le plan d’un potager, suffisant pour indiquer au propriétaire tout ce qui est indispensable dans son jardin ; il n’y aura qu’à modifier suivant la conformation du terrain.

plan-jardin
Figure 5 : Plan du jardin.

Le jardin potager (fig. 5) est entièrement clos de murs et a deux entrées par les portes À. Nous établirons de trois côtés des plates-bandes B de 1,50 de large, autour des murs, et un cordon à deux rangs au bord de la platebande Voir l’Arboriculture fruitière, dixième édition, pour faire cette plantation avec succès) ; au centre du jardin, un bassin G, pour les arrosements et donner la facilité de mouiller les quatre carrés en un instant avec la pompe à brouette Dudon ; la portée des lignes D n’excède pas 18 mères.

Le bassin est alimenté par un puits abondant ou une conduite d’eau. Dans l’angle du bas, nous établirons dans la partie E une fabrique d’engrais et les dépôts de terreaux ; dans la partie F, un hangar pour abriter les rames, les tuteurs, les coffres, les paillassons, la poterie, etc. ; le hangar G sera consacré aux châssis, aux cloches, etc., et celui H aux outils.

Si le jardin présentait une autre irrégularité, on pourrait y construire la maison du jardinier et même la serre aux légumes. La véritable place du jardinier est au centre de ses cultures, et autant que possible éloigné des autres domestiques, dont le voisinage engendre sans cesse des conflits entre le jardin et l’office, deux choses qui doivent être complètement séparées dans l’intérêt des deux services.

Dans tous les cas, celui qui dessine un jardin potager ne doit jamais oublier que les engrais et les outils de foutes espèces doivent être à portée, et que la construction d’un hangar est une dépense minime, comparativement à celle occasionnée par la perte du temps, quand il faut aller chercher tout cela au loin.

Si le potager a une certaine étendue, il faudra chercher un emplacement suffisant, en dehors de l’assolement, pour y créer un plant d’asperges. Un angle, une irrégularité, sont souvent employés à cet effet. Le plus souvent, le plant d’asperges, qui représente ne masse de verdure pendant tout l’été, peut servir à masquer le potager quand il est placé au milieu du parc, ou à former une masse verte s’harmonisant avec les massifs.

Des allées de 1,50 m au moins à 4 m au plus, suivant la grandeur du potager, sont commodes pour circuler facilement avec des brouettes ou une voiture à bras, indispensables à la distribution des engrais et à la récolte des légumes. Que le potager soit placé dans un parc, ou séparé, la circulation facile doit toujours y être établie, afin de faciliter le service de la culture.

Les carrés du potager étant exclusivement destinés à la culture des légumes, ne contenant ni plantation d’arbres ni fleurs, nous supprimons les platebandes autour des carrés ; elles sont un obstacle à la culture, en occasionnant à la fois une perte de temps et de terrain. Nous les supprimons pour établir des planches parallèles dans toute l’étendue des carrés (fig. 5).

Lorsque le plan a été suffisamment étudié et arrêté sur le papier, on opère ainsi le tracé sur le terrain :

On commence par tracer au cordeau les platebandes du tour et les carrés ; on place à chaque angle un piquet solide, enfoncé de 60 centimètres au moins pour que les ouvriers ne puissent le déranger en défonçant et retrouver ses points de repère ; on vérifie toutes ses mesures, on vide ensuite les allées à une profondeur de 15 centimètres environ, en rejetant la terre sur les plates-bandes et les carrés, afin que le tracé ne s’efface pas, et l’on procède à la préparation du sol.