INTRODUCTION

«Dieu prit l'homme et le plaça

dans le jardin d'Eden

pour le cultiver»

Genèse

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

Ce livre n'est pas un traité d'apiculture ; de tels ouvrages, il en existe de fort bons ; je ne vais pas le surcharger avec des notions et des connaissances que tout le monde sait et qui ne seraient que des redites ; un livre qui veut traiter des abeilles et des ruches ne doit plus être une compilation qui, dans le fond, n'est que ressassement de choses antérieurement déjà fort bien exposées ; si l'on peut trouver dans n'importe quel livre traitant des abeilles toute la biologie de ces insectes, tous les détails concernant leurs mœurs, etc., je ferai néanmoins un rappel aussi concis que possible des dernières acquisitions en matière de science apicole, acquisitions que l'on ne trouverait pas dans les traités un peu anciens qui contiennent, on le verra plus loin, quelques erreurs ; c'est ainsi que, depuis maintenant quelques années, grâce au savant entomologiste Von Frisch , on connaît le langage par lequel les abeilles se communiquent entre elles leurs informations : la découverte de la danse des butineuses restera le grand titre de gloire du savant autrichien.

Les études menées par les uns et par les autres, dans tous les pays du monde, ont, sinon innové en connaissances apicoles, du moins précisé des notions qui, auparavant, étaient encore obscures : le rôle des mâles ou faux-boudons par exemple, a été précisé dans le sens de la réhabilitation de ces insectes ; on avait, sous le prétexte qu'ils étaient «inutiles», imaginé des pièges à faux-bourdons, lesquels d'ailleurs existent encore dans le commerce ; sous le prétexte fallacieux que ces «inutiles» consommaient inutilement un miel précieux (précieux pour les finances de l'apiculteur), sous le prétexte (erroné on le verra plus loin) qu'un seul mâle parmi des centaines était nécessaire et suffisant pour la fécondation de la reine vierge, l'homme, allégrement, inconsciemment en un mot l'une manière tout à l'opposé de la pensée scientifique, avait décrété l'inutilité ces mâles «grossiers, malpropres, gourmands, paresseux» (Maeterlinck) ; jusqu'au jour où l'on s'est aperçu que ces faux-bourdons tant décriés étaient utiles ; il faut rendre justice à ce propos, au solide gros bon sens de nos aïeux qui, depuis toujours, avaient reconnu l'utilité des faux-bourdons, de ces «couveux» comme ils disaient (et disent encore dans nos campagnes, le terme étant en effet encore très utilisé par les vieux apiculteurs restés fidèles aux paniers), dont un des rôles parmi les multiples qu'ils remplissent est de réchauffer le couvain (d'où leur nom qui fait image de «couveux») ; on a reconnu pas mal de rôles utiles à ces fainéants naguère tant décriés : ils auraient un rôle de stimulation, par leur odeur (ou leur simple présence, du fait peut-être d'hormones volatiles jouant un rôle de relai entre les membres de la ruche ? ) dans le travail des ouvrières ; si l'on veut employer une comparaison anthropocentrique qui fait image et confirme mon propos, ces faux-bourdons seraient, en quelque sorte, les indispensables «contre-maîtres» stimulant l'activité des travailleurs de la ruche ; on retrouve là encore une féconde comparaison entre la ruche et les sociétés humaines dans lesquelles on peut dire que les poètes, les philosophes, les artistes sont loin d'être «inutiles» et jouent leur rôle dans ce tout qu'est la société humaine ; des expériences, enfin, ont montré de façon péremptoire que, non seulement il n'y avait pas d'avantage à détruire les faux-bourdons, mais que la récolte de miel, malgré (on doit dire grâce à) la présence faux-bourdons «oisifs» et dévoreurs de miel, était plus grande dans les ruches d'expérience auxquelles on avait laissé leurs mâles.

On a reconnu enfin que la reine n'est pas fécondée par un mâle unique, (…), mais que plusieurs mâles participent à cette fécondation, soit au cours de la même séance, soit sur une période étalée sur plusieurs jours, soit que la reine, au cours de son existence, sorte de sa ruche pour renouveler son stock de spermatozoïdes.

À propos de ces mâles, on sait qu'il existe des essaims de faux-bourdons de plusieurs centaines d'individus, qui viennent parfois de fort loin ; cela souligne la difficulté de garder des races pures de tout mélange avec les races indigènes : au bout de quelques années on a finalement des populations qui résultent du croisement des reines de la ruche avec les mâles indigènes ; il ne faut point le déplorer, car il est réconfortant de noter qu'on a reconnu que ces croisements (…) étaient bénéfiques au point de vue de la résistance et de la rusticité de la race ; la meilleure race d'abeilles pour la France est la race indigène, car, au cours des millénaires elle s'est adaptée à notre climat, ce qui n'est pas le cas de la race italienne par exemple ; je ne conseille donc pas l'introduction dans nos ruchers de France d'espèces étrangères ; l'apiculteur qui introduit une reine de race italienne par exemple ne peut que se féliciter du mélange inéluctable de cette reine ou de ses filles avec les faux-bourdons du pays ; finalement l'introduction d'espèces étrangères n'aurait pour intérêt que l'obtention de métis, la sagesse étant de se contenter de l'espèce d'abeilles indigènes.

Voila les notions relativement nouvelles que je me devais de signaler dès le début de cette brochure.

Fleuron

Ce que ce livre apporte de neuf en matière de science pratique apicole réside en ceci : un nouveau type de ruche, on ne peut plus simple puisque ce type de ruche, s'inspirant de la Ruche Populaire à rayons fixes de l'abbé Warré, (type de ruche déjà grandement simplifié par rapport aux ruches à cadres mobiles), diffère cependant de cette ruche Warré par une simplicité encore plus grande apportée par la suppression totale des barrettes porte-rayons et donc des amorces de cire qui, dans cette ruche Warré, garnissent ces barrettes porte-rayons. (Se reporter à la figure 15 montrant la ruche Warré).

Toute question en matière de ruche inédite mise à part pour le moment, ce livre apporte par ailleurs quelques notions utiles que voici :

Première notion utile

Depuis toujours, avec les ruches à hausses, (que ce soit avec les ruches Dadant et autres, ou bien avec la ruche à rayons fixes de l'abbé Warré, il faut, au moment de la récolte, enlever la ou les hausses pleines de miel , c'est un problème, car ces hausses sont collées à la hausse sous-jacente par ce ciment qui sert aux abeilles à obturer les trous de leur ruche et à coller ensemble les parties mobiles qui la composent : la propolis (ce terme vient d'un mot grec qui signifie «devant la ville», les abeilles élevant parfois une barrière de cette substance devant l'entrée de leur ruche pour en rétrécir l'ouverture). Les abeilles colleront donc ensemble par cette propolis les hausses superposées et cela d'autant plus solidement que ces hausses sont serrées intimement l'une contre l'autre par leur propre poids ; lors de la récolte, par conséquent, l'apiculteur effectuera le décollement des hausses au moyen d'un outil du genre ciseau à froid (appelé «lève-cadre», en insérant la lame du dit-outil entre les bois et en effectuant des efforts d'arrachement, par une action de levier, ébranlant ainsi la colonie et risquant de traumatiser les gâteaux et aussi le bois de la ruche ; il est bien certain qu'il soit difficile d'insérer un outil entre deux morceaux de bois maintenus serrés l'un contre l'autre par leur poids et, qui plus est, soudés par la propolis ; il est inévitable qu'on traumatise le bois de la hausse ; une telle opération ne va pas sans arrachement de bois et ébranlement de toute la ruche et donc de la colonie d'abeilles qui s'y abrite. Le remède à un tel inconvénient est très simple, si simple qu'on se demande pourquoi les apiculteurs n'y avaient point déjà songé : au lieu de soulever les hausses au moment de la récolte, pourquoi ne pas effectuer soulèvement d'avance bien avant la récolte ? au lieu d'attendre que les abeilles les hausses l'une à l'autre, pourquoi ne pas leur éviter d'avoir à le faire ? c'est ingénieux et c'est simple en même temps, mais c'est comme l’œuf de Christophe Colomb, encore fallait-il y penser ; on soulève donc les hausses de quelques millimètres au moyen de quatre tasseaux placés dans les quatre coins, le vide ainsi créé entre les hausses étant comblé avec du coton ; le moyen le plus commode et le plus rationnel est de procéder comme suit : à l'époque de la pose des hausses, (avant la grande miellée pour les ruches à cadres mobiles et à n'importe quel moment pour la ruche Warré, et aussi, comme on le verra dans le cours de cette brochure, pour la ruche «procédé Izarra»), on met tout d'abord une couche de coton couvrant toute la tranche du bois et ensuite quatre tasseaux dans les quatre coins (voir les figures 2, 3, 5 & 6). Sur ces figures le coton est figuré les croix ; afin d'éviter qu'ils ne soient recouverts par la propolis et soudés par elle au bois de la hausse et aussi, bien entendu, pour faciliter leur enlèvement lors des opérations de récolte comme on le verra dans le cours de cette brochure, ces quatre tasseaux sont placés bien dans les quatre angles et sont, de ce fait, disposés à distance des bords intérieurs de la hausse, comme le montrent les figures.

Le soulèvement des hausses a deux effets : surélevant la hausse, il annihile premièrement l'effet de son poids dans la résistance à la séparation et permet d'insérer facilement un outil et, deuxièmement, il empêche la propolis de souder ensemble le bois des hausses, cette propolis ne formant plus qu'un pont passant sur le coton et facile à sectionner. Une telle opération est simple et facile et, sur la hausse ainsi préparée, il n'y a plus qu'à placer la hausse supérieure ; (car, je le rappelle dès maintenant afin de faciliter mon exposé, la ruche décrite dans cette brochure, à l'instar de la ruche de l'abbé Warré, a des hausses que l'on pose par le bas) ; de cette façon, au moment de la récolte, la hausse à récolter est déjà soulevée d'avance, ce qui évite le contact intime entre les morceaux de bois des hausses superposées et donc leur soudure par la propolis ; on n'aura pas à décoller de manière brutale la hausse en question ; cette séparation se fera en douceur, sans aucun ébranlement de la ruche ni irritation consécutive des abeilles ; il suffira d'enlever le coton, opération aisée du fait de la texture de ce matériau ; ce coton, en effet, n'est pas comprimé par le poids de la hausse sus-jacente et s'enlèvera, par conséquent très aisément ; les tasseaux ont pour rôle essentiel, en soulevant les hausses, d'éviter le contact des bois entre eux, le coton n'ayant pour principal rôle de remplir le vide ainsi créé ; (nous verrons plus loin que ce coton est utile à bien d'autres points de vue) ; je note enfin que le soulèvement des hausses, en plus des avantages ci-dessus énumérés, se justifie et devrait être adopté sur toutes les ruches pour la dernière raison suivante : l'étanchéité des ruches n'est faite, parce que les bois des hausses en contact, si parfaite que soit l'exécution du travail de menuiserie, laissent toujours des interstices par où l'air circule, par où la pluie peut entrer ; l'humidité, un bois encore vert qui «travaille», etc... peuvent expliquer cette imperfection cause de non-étanchéité ; quoi qu'il en soit, le fait est que l'étanchéité des ruches n'est jamais parfaite et c'est là que mon procédé de soulèvement des hausses, qui a pour corollaire l'emploi d'une couche d'un matériau comme le coton par exemple, prend toute sa valeur : cette couche de coton, en effet, assure une étanchéité parfaite en supprimant totalement les effets nocifs dus à l'irrégularité des planches dont sont faites les parois des hausses. Le coton semble préférable à de la terre glaise (qui est moins bonne pour le calorifugeage et se délite facilement à l'eau de pluie) ou à de la pâte de papier (qu'il faut préparer) ; le coton me semble le matériau idéal par ces qualités calorifuges, par la facilité de sa pose, par sa plasticité qui, on l'a dit, supprime les irrégularités des planches (cause de non-étanchéité) et par la propreté de sa manipulation ; ce n'est que pour des raisons financières (encore que la dépense soit bien minime) qu'à défaut de coton on pourrait à la rigueur utiliser du plastique-mousse ou bien de la pâte de papier, non-imprimé de préférence, l'encre d'imprimerie pouvant contenir des corps chimiques nuisibles ou indésirables pour les abeilles, Il faut noter que le choix du coton se justifie pour les deux raisons supplémentaires suivantes :

  1. L'aération se fait mieux avec ce matériau poreux (et cependant calorifuge)
  2. Les abeilles aménageront (comme je le constate effectivement sur mes ruches «procédé Izarra» actuellement dans mon rucher) plus facilement leurs ouvertures d'aération (ouvertures qui leur sont interdites dans les autres ruches) avec ce matériau qui se prête aisément aux manipulations effectuées par les abeilles elles-mêmes ; après la pose des hausses dans mes ruches «procédé Izarra», j'ai en effet maintes fois constaté que les abeilles aménageaient des ouvertures d'aération en enlevant du coton qu'elles rejetaient hors de la ruche sur la planche de vol ; j'ai même vu plusieurs fois des abeilles s'envolant avec leur léger fardeau de coton pour s'en débarrasser plus loin.

Il faut, pour être complet, ajouter qu'avec le soulèvement des hausses et le remplissage subséquent du vide par du coton, il est facile d'insérer des thermomètres entre les hausses en vue de recherches scientifiques sur la température de la ruche ; on peut, entre les hausses d'une ruche «procédé Izarra» soulevées par les tasseaux de soulèvement, disposer autant de thermomètres que l'on désire, sans qu'il soit besoin, pour cela, de forer des trous dans les parois ; le choix des instruments de mesure ne se limite d'ailleurs point aux thermomètres on peut disposer également des appareils prélevant des échantillons de l'air intérieur de la ruche pour en mesurer le degré d'hygrométrie, la composition (proportions d'oxygène, d'azote, de gaz carbonique, etc...), la teneur en micro-organisme, voire la présence de ces fameuses inter-hormones ou «phéromones» dont on a beaucoup parlé dans les milieux scientifiques, etc... ou bien un magnétophone captant les bruits intérieurs de la ruche et les enregistrant au besoin.

La ruche «procédé Izarra» peut donc être considérée, d'un certain point de vue, comme un excellent instrument scientifique en recherche apicole, venant à propos pour compléter les recherches effectuées avec les ruches expérimentales à cadres mobiles et en verre. La ruche «procédé Izarra» ne limite point son intérêt à l'obtention d'une récolte de miel et cire, mais se révèle fort utile pour les travaux scientifiques des savants biologistes. On peut même très bien envisager la construction d'une ruche «procédé Izarra» en verre.

Qu'il me soit permis de suggérer les expériences que l'on peut mener avec cette ruche «procédé Izarra» beaucoup plus aisément qu'avec les ruches ordinaires à cadres mobiles.

À propos de ces inter-hormones ou «phénormones» dont je parlais un peu plus haut, je suggère les expériences suivantes :

Comme il est impossible, du fait de leur quantité infinitésimale, de doser chimiquement ces «phénormones», le seul réactif capable de déceler leur présence (et aussi de les mesurer avec des unités biologiques) est le matériel biologique, c'est-à-dire l'organisme vivant ; c'est ainsi, pour prendre un exemple, qu'on se sert en médecine du cochon d'Inde, du souriceau et de la lapine pour déceler la présence dans l'urine de femme supposée enceinte la présence de prolans ; de façon analogue, pour déceler la présence de ces «phénormones» dans l'atmosphère d'une ruche, il est facile de prélever un échantillon de son air, par le moyen d'un appareil adéquat (tuyau, etc...) traversant le coton qui garnit l'intervalle entre les hausses, de réinjecter cet air dans l'atmosphère d'une autre ruche et d'observer les phénomènes ; toutes les combinaisons sont possibles : cette deuxième ruche «injectée» pourra être pourvue d'une reine encore vierge, pourra être orpheline, etc... etc... De même la ruche donneuse de «phérormones» pourra être pourvue d'une reine soit vierge, soit fécondée ou bien sera orpheline etc... toutes les combinaisons sont faisables et permettent d'observer l'action des «phérormones» sur le comportement des habitants de la ruche.

Que va donner par exemple l'introduction de l'air d'une ruche en effervescence dans une deuxième ruche où ne s'est pas encore manifestée une telle effervescence ?...

En ce qui concerne les bruits intérieurs de la ruche, de façon identique, bruits qu'un appareil magnétophone peut capter et même enregistrer, il est possible d'envisager de «réinjecter» dans une ruche les bruits captés dans une autre ruche et d'étudier les phénomènes consécutifs à cette expérience ; que va déclencher par exemple l'introduction dans une ruche dépourvue d'alvéoles de jeunes reines, le «chant des reines» enregistré dans une autre ruche pourvue de jeunes reines en imminence d'éclosion ?... On a étudié la «danse des butineuses», mais a-t-on capté le bruit de ces butineuses en train de «danser» ? Que donnerait l'injection de ce bruit auprès des butineuses d'une autre ruche ?

Il y a là, je crois, une moisson d'études absolument nouvelle pour le chercheur qui voudra bien se donner la peine de la récolte, moisson encore en herbe mais enthousiasmante ; moissonneurs de «l'immense été des choses humaines»[1], préparez vos faucilles, vous avez du pain sur la planche !

On voit, par les quelques suggestions précédentes, que le champ d'expériences possibles est immense, presque infini...

La ruche «procédé Izarra», je le redis, est un excellent outil scientifique qui, je l'espère, sera le bienvenu auprès des chercheurs.

On passe ensuite un couteau qui, sans ébranler la hausse, coupe la propolis qui unit les hausses entre elles et qui, du fait qu'elle unit ces hausses en passant sur un pont de coton, (lequel sépare les hausses) est très facile à sectionner ; les hausses à récolter se trouvant séparées sans brutalité, en douceur, sans qu'on ait eu à utiliser de levier plus ou moins traumatisant pour la ruche et ses habitants et, enfin, les gâteaux ayant été sectionnés par le procédé qui sera indiqué dans le cours de cet ouvrage, il n'y a plus qu'à enlever les hausses pleines de miel.

Le soulèvement des hausses par quatre tasseaux et le remplissage par du coton, du vide ainsi créé, constituent donc une grande amélioration que tous les apiculteurs, quels que soient les types de ruches qu'ils utilisent, sont à même d'apporter à celles ci. Si les ruches à cadres mobiles et la ruche Warré à rayons fixes peuvent, à la rigueur, se passer du soulèvement des hausses, (bien que persiste toutefois l'inconvénient de l'ébranlement), c'est parce qu'au niveau de la jointure des hausses entre elles il y a un vide procuré par l'existence, dans chaque hausse, de cadres mobiles (ou de barrettes porte-rayons dans la ruche Warré) ; c'est, pour s'exprimer autrement, parce que la ruche à cadres mobiles (et également la ruche Warré) est découpée en tranches par les hausses et que, au niveau de ces tranches, il y a le vide qui sépare les hausses entre elles ; si donc le soulèvement des hausses n'est pas, dans de telles ruches (à cadres mobiles et Warré), absolument indispensable, il est nécessaire par contre dans la ruche «procédé Izarra» du fait de la nature de celle-ci : les gâteaux de la ruche «procédé Izarra» sont d'un seul tenant, sans aucune discontinuité, sans aucun vide séparant les hausses entre elles ; (la récolte, comme on le verra, se fera en sectionnant les gâteaux avec la lame d'un couteau, selon les modalités décrites par la suite dans cette brochure). Remarquons cependant que, bien que non indispensable dans les ruches à cadres mobiles (et aussi la ruche Warré), le soulèvement des hausses est à souhaiter dans de telles ruches pour la raison que, bien souvent, les hausses sont soudées entre elles non plus seulement par la propolis, mais bel et bien par les gâteaux que les abeilles prolongent d'une hausse à l'autre ; ces cas-là, l'emploi de la lame d'un couteau sectionnant de tels prolongement s'avère nécessaire et l'on retombe là dans une caractéristique (accidentelle pour les ruches à cadres mobiles et la Warré mais révélatrice de l'amélioration qu'apporterait dans ces ruches le soulèvement des hausses) qui est la marque distinctive de la ruche présentée dans ce livre : ce qui était accidentel dans les autres ruches (à savoir le prolongement des gâteaux d'une hausse sur la hausse sous-jacente) est la caractéristique constante de la ruche «procédé Izarra», c'est-à-dire la disposition d'un seul tenant des gâteaux, qui existent sans discontinuité, du plafond de la ruche, où ils sont fixés, jusqu'à la partie inférieure de cette ruche.

DEUXIÈME NOTION UTILE

La percussion des ruches renseigne sur le degré de leur réplétion et indique également la disposition des gâteaux, à bâtisses «chaudes» ou «froides».

(Je parlerai de cette question plus amplement dans la suite de cette introduction).

TROISIÈME NOTION UTILE

Sans que cette notion soit nouvelle, ce livre réhabilite les ruches à rayons fixes que, depuis l'avènement des ruches à cadres mobiles, on avait oubliées, à tort et au grand dam de la récolte, de la qualité de cette récolte et surtout de la résistance des abeilles aux maladies ; ce livre renouvelle la condamnation de l'extracteur dont la critique n'est plus à faire : il est acquis en effet que l'usage de cet extracteur, s'il est commercialement «rentable», nuit à la qualité du miel, car la projection du miel avec force contre les parois de acteur introduit non seulement dans le miel des particules d'air, (cet air remonte en effet à la surface lors de la maturation du miel), mais surtout apporte à ce miel de l'humidité et des micro-organismes, causes de fermentation ; le responsable de la vogue des ruches à cadres mobiles est sans conteste l'extracteur.

QuatrièME NOTION UTILE

Sans que cette notion ne soit nouvelle, elle non plus, (je me fais ici l'écho de l'opinion de Mathis), il faut donner aux ruches une épaisseur suffisante 4  cm au moins, pour avoir un bon calorifugeage ; cette épaisseur de 4  cm la ruche à l'abri non seulement du froid, mais également des coup de chaleur ; par l'effet tampon de cette épaisseur suffisante, on évitera les brusques écarts thermiques ; si une grande épaisseur protège du froid, elle protège également de la chaleur ; des parois de 4 cm éviteront aux gâteaux de se ramollir par temps chaud et donc de s'effondrer ; on aura ainsi non seulement une économie de ce combustible qu'est le miel durant les mois froid de l'hiver, mais surtout on aura une chaleur plus régulière, sans brusques sautes obligeant les abeilles à un dur et coûteux travail de régularisation thermique ; tels sont les avantages des parois épaisses, et je note dès maintenant (quitte à le rappeler dans le cours de cette brochure) qu'il est bon de renforcer ce calorifugeage pendant les mois d'hiver en renforçant le matelas protecteur contre le froid (journal alternant avec de la toile ou de la laine). Seule l'expérimentation permettait de conclure à la nécessité du calorifugeage ; l'abbé Warré (pourtant si perspicace par ailleurs), pour justifier la faible épaisseur des parois de sa ruche populaire, emploie une expression peut-être heureuse sur le plan littéraire mais qui ne répond pas à la réalité, expression qui résume bien la situation : «Qui dort dîne», voulant dire par là que la boule d'abeilles engourdies par le froid consommera moins de miel, une chaleur plus élevée les incitant à se mobiliser et donc à consommer du miel ; mais je dis : «Qui dort crève» surtout si le sommeil est causé par le froid et que celui-ci est par trop vif, les abeilles engourdies se déplaçant difficilement pour consommer le miel des rayons ; une telle difficulté est beaucoup plus grande dans les ruches à cadres mobiles et aussi dans la ruche Warré que dans la ruche «procédé Izarra», où la disposition d'un seul tenant des gâteaux n'a pas l'inconvénient de présenter ces vides que les abeilles doivent franchir pour trouver le miel des rayons ; à priori, l'argumentation de Warré semble plausible, mais on conçoit que la littérature n'a absolument rien à voir dans un problème d'ordre scientifique et que seule l'expérience puisse trancher un tel débat ; Mathis|, à la suite de ses travaux, continuant en cela une expérience de Réaumur,a conclu à la nécessité d'un bon calorifugeage ; sur le plan pratique, cela se traduira par une économie de plusieurs kilogrammes de miel.

D'autre part, des parois épaisses atténuent les bruits, mettant la colonie à l'abri des perturbations sonores ; Heinrich Storch, dans sa brochure «Au trou de vol» (Am Flug Loch), page 5, insiste sur les inconvénients des bruits sur les abeilles ; on sait que les bruits inhabituels dérangent les abeilles, les incitant à consommer du miel, car, on l'a constaté, il leur faut parfois plusieurs heures pour retrouver un repos perturbé par un bruit inhabituel ; dans une ruche à parois épaisses (comme l'est la ruche «procédé Izarra»), les bruits arriveront atténués aux abeilles.

Enfin rappelons que la nosémose (Mathis me l'a confirmé) se développe à 20°C, 21°C et que les abeilles sont à leur température optimale à 33° ; avec le calorifugeage par conséquent, qui assure aux abeilles une température idéale avec déperdition minimale de calorique, on a les conditions idéales pour la lutte contre la nosémiose.

Réflexions DIVERSES

Bussy-Rabutin a dit que «Dieu est d'ordinaire pour les gros escadrons contre les petits» ; cela est surtout vrai en apiculture où il est reconnu que les gros essaims luttent beaucoup mieux contre le froid que les petits. Pour quelle raison ? Pour la raison bien simple que, plus un animal est volumineux et moins il rayonne de calories par unité de poids, les volumes croissant comme les cubes et les surfaces correspondantes seulement comme les carrés ; par conséquent, plus un animal est volumineux et plus sa surface par unité de son poids est petite et moins il rayonne de chaleur ; des moineaux qui, par temps d'hiver, se pelotonnent les uns contre les autres font cela d'instinct, sans avoir fait de mathématiques ; ils réalisent ainsi une économie de calorique par diminution de sa déperdition par rayonnement, la surface extérieure de la masse qu'ils forment étant moindre que le total des surfaces de chaque oiseau, car les points de contact entre les individus suppriment autant de surfaces de rayonnement : il en est de même pour la masse d'abeilles réunies en boule, que l'on peut assimiler à un animal unique et qui, réunies en un groupe compact, se comportent comme un animal de même volume mais de surface réduite, d'où un rayonnement moindre, d'où une économie de calories, d'où une économie de miel, car, plus un animal est lumineux et moins il mange par unité de son poids.

(…)

Les querelles, les discussions passionnées entre partisans des ruches à rayons fixes et partisans de celles à rayons dits "mobiles", autrement dit la querelle entre «mobilistes» et «fixistes» ont toujours eu l'heur de m'amuser énormément, car la nature ne connaît point ces subtiles et artificielles distinction entre «fixistes» et «mobilistes» ; en apiculture il n'y a ni «fixisme» ni «mobilisme» ; il n'y a que des insectes hyménoptères sociaux apidés qu'on appelle abeilles et qui construisent leurs gâteaux de cire et miel selon des règles biologiques assez rigides ; c'est dans ce sens qu'on peut avancer que les abeilles ne sont pas du tout «mobilistes» mais bel et bien «fixistes» ; elles sont et resteront éternellement «fixistes», quoi que pensent, quoi que veuillent les partisans des ruches à cadres dits «mobiles» ; l'abeille propolise ce qu'elle ne peut remplir de gâteaux et, dans le cas des cadres «mobiles», ceux-ci seront fixés soit par de la cire si l'écart qui les sépare des parois de la ruche et des autres cadres est trop grand (plus grand que l'épaisseur du corps de l'abeille), soit par de la propolis si cet écart est trop petit (plus petit que l'épaisseur du corps de l'abeille) ; dans les deux cas le cadre «mobile» devient fixe, au grand malheur de l'apiculteur possédant des ruches à cadres «mobiles» et faisant ainsi du «fixisme» sans le savoir. Il y a toujours des adhérences entre deux hausses superposées, tous les apiculteurs sont à même de le constater, soit que les abeilles prolongent leurs bâtisses jusque sur les cadre porte-rayons de la hausse sous-jacente, soit qu'elles propolisent cet intervalle ; c'est pourquoi, lors de la récolte il sera prudent, une fois que les hausses auront été décollées de la propolis qui les soudait ensemble (je parle précisément ici des ruches ordinaires à cadres «mobiles» et aussi de la ruche Warré), de passer une lame de couteau qui finira de sectionner ces adhérences qui sont sinon perpétuelles du moins fréquentes, car autrement on ne manque pas de déchirer les gâteaux, ce qui répand du miel et est cause de perturbation parmi les abeilles. Rappelons que l'apiculteur ; (précisons l'apiculteur «mobiliste»), au moment de la récolte, rompt au moyen d'un levier les adhérences entre deux hausses dues à la propolis, ébranlant la ruche et ses habitants, déchirant les gâteaux qui réunissent souvent deux hausses superposées (ce qui est un inconvénient évident), alors que nous proposons d'y remédier par le soulèvement préalable des hausses au moyen de quatre tasseaux.

(…)

On peut dire que, théoriquement, une ruche est éternelle, car elle renouvelle automatiquement ses reines, de deux manières différentes il est vrai, mais ces deux manières différentes ont, dans la pratique, un résultat identique : soit par l'essaimage de l'ancienne reine, ce qui a pour conséquence l'élection d'une jeune reine dans la ruche, soit par la mort de cette ancienne reine, par épuisement, vieillesse où maladie, réalisant ainsi un «essaimage dans l'au-delà», pour utiliser une heureuse expression d'un philosophe dans ses réflexions sur la guerre, mort qui a également pour conséquence l'élection d'une nouvelle reine dans la ruche ; dans la pratique, l'apiculteur a intérêt à empêcher l'essaimage de ses ruches, car il évite ainsi l'affaiblissement de ses colonies ; il n'a pas à se tracasser pour le renouvellement de ses reine, car les abeilles, dans leur sagesse, sauront remplacer une reine âgée qui a fait son temps par une jeune reine.

Un argument de poids en faveur des ruches à rayons fixes (Ruche Populaire de l'abbé Warré, paniers et, on le verra plus loin, ruche «procédé Izarra») et contre les ruches à cadres «mobiles» et cire gaufrée, est que la cire naturelle, c'est-à-dire non gaufrée, possède une texture bien différente de la cire fondue dont est faite la cire gaufrée employée par les apiculteurs «mobilistes» ; on comprend bien en effet que la texture d'une cire naturelle constituée de minuscules lamelles de cire secrétée par les abdomens des abeilles soit bien différente de celle d'une cire fondue dans laquelle ces structures intimes, microscopiques, sont détruites par la fusion de la cire ; on conçoit qu'une telle cire naturelle soit bien plus réfractaire aux changements de température et fonde à un degré de température supérieur, du fait que les minuscules bulles d'air qui séparent les lamelles de cire entre elles constituent autant de coussins protecteurs contre les modifications thermiques ; le calorifugeage, dont je souligne l'importance tout au long de ce livre, est idéal avec la cire naturelle ; c'est pourquoi les abeilles en panier ou en ruche Warré (et aussi, on le verra plus loin, en ruche «procédé Izarra») seront bien mieux protégées du froid, de la chaleur et des variations de température que les abeilles en ruches utilisant la cire gaufrée, passeront l'hiver dans de meilleures conditions et donc se porteront mieux, Rien ne vaut ce qui est naturel c'est-à-dire non-transformé par la main de l'homme et ceci est valable autant pour les abeilles que pour notre société de consommation et tous ses produits «ersatz».

Je crois avoir apporté une utile contribution à la science apicole en disant quelques mots de la percussion des ruches, dont j'avais parlé plus haut sans m'y attarder.

On sait déjà que cette percussion renseigne sur l'état de la colonie d'après le son que font entendre les abeilles lorsqu'on frappe la paroi de la ruche ; ceci est dans tous les traités d'apiculture ; mais cette percussion donne bien d'autres renseignements.

Une cavité pleine d'air donnera à sa percussion un son sonore, «un son creux» et une cavité remplie de matière solide (comme de la cire et du miel) donnera un son mat, «un son plein», surtout si, dans ce dernier cas, les bâtisses de cire sont collées aux parois. On peut ainsi, en percutant les parois des hausses avec la partie dorsale de l'index, se rendre compte de la vacuité ou de la réplétion des hausses, suivre la progression de cette réplétion et la marquer même au besoin avec un crayon ou une craie sur la paroi extérieure de la hausse. La figure ci-après explicite, bien mieux qu’un commentaire détaillé, les renseignements fournis par cette percussion des hausses.

hausse.
Hausse vue en plan avec ses bâtisses en hachuré

Si l'on percute les parois en A, on aura un son «creux» ; si on les percute en B un son «plein» ; en A on a un espace vide entre la paroi et les gâteaux, tandis qu'en B s'attachent les bâtisses des abeilles qui, étant fixées à la paroi. en atténuent les vibrations et donnent par conséquent un son «plein». On comprend que cette percussion permet, sans qu'il soit besoin pour cela d'ouvrir la ruche, de se rendre compte de la position des gâteaux, à bâtisses «chaudes» ou «froides» ; en effet si la percussion donne un son «creux» sur 4 faces, on peut affirmer que la hausse est vide, ou du moins que les gâteaux ne sont pas encore fixés aux parois ; mais si par contre, le son «plein» se fait entendre sur deux faces opposées de la hausse, on peut affirmer deux choses : premièrement que la hausse est pleine et est occupée par les gâteaux et, deuxièmement, que, sur ces faces rendant un son «plein» s'attachent les bâtisses des abeilles ; par conséquent, on se rend compte à la fois :

  1. De la réplétion en miel et cire
  2. Du degré de cette réplétion selon que ce son «plein» descend plus ou moins bas le long des parois de la ruche et, enfin,
  3. De la position «chaude» ou «froide» des bâtisses

GENÈSE DE LA RUCHE "PROCÉDÉ IZARRA"

Je ferai ici un rapide rappel des grands noms de l'apiculture : Réaumur, François Huber, von Frisch, sans oublier ces quasi inconnus que sont Decouédic et Palteau que cite l'abbé Warré dans son ouvrage «L'apiculture pour tous» ; j'en oublie certainement mais le lecteur me pardonnera ces omissions, ce livre n'ayant nullement la prétention d'une étude exhaustive de la question apicole, n'étant que la vulgarisation d'une méthode d'exploitation et de récolte inédites dans un type de ruche lui-même inédit et étant également l'exposé de quelques utiles trouvailles dont tout apiculteur peut faire son profit (à savoir : percussion des ruches avec tous les renseignements que cette percussion procure et surtout soulèvement des hausses par 4 tasseaux, cette dernière opération facilitant la récolte en évitant d'ébranler la colonie et pouvant s'appliquer à toutes les ruches).

Tard venu à l'apiculture (mais ayant la nostalgie des abeilles dès ma jeunesse), j'avais commencé, ne sachant par quel type de ruche débuter mes activités apicoles, par acheter d'occasion 6 ruches Voirnot, ne connaissant rien de la science des abeilles, guidé par ma seule curiosité de néophyte ; puis, tout à fait par hasard, visitant le rucher fort modeste (2 ruches seulement) d'un ami des environs, cet ami me met en présence de 2 Ruches Populaires de l'abbé Warré et me fait cadeau de l'ouvrage de Warré «L'apiculture pour tous» ; j'étudie ce livre ; je compare avec ce que disaient d'autre bouquins ; je pèse le pour et le contre de chaque type de ruche et j'arrive à la conclusion : l'abbé Warré fut un chercheur, un apiculteur praticien de valeur, injustement oublié et presque méconnu, malheureusement un peu trop délaissé ; on trouve en effet très peu de Ruches Populaires mais bien plutôt tous les types de ruches «mobiles» ; l'abbé Warré est vraiment l'inventeur d'un type de ruche inédit qui innovait par rapport aux types de ruches existant avant lui ; j'ai beaucoup apprécié chez l'abbé Warré cette critique des ruches à cadres, critique très rationnelle, très cartésienne, ainsi que le rappel de leurs multiples inconvénients ; ses conclusions sont le fruit de longues années d'observations et d'expérimentations sur de nombreuses ruches de types variés ; on sent à la lecture de son livre que l'abbé Warré avait l'amour de ses abeilles et surtout n'était pas un commerçant, comme il y en a malheureusement trop de nos jours ; sa Ruche Populaire réalise vraiment un progrès, où plutôt les ruches à cadres dits «mobiles» réalisent, elles, bel et bien une régression ; je sais que je vais soulever ici le tollé de beaucoup, mais que chacun lise, étudie et médite la présente brochure avant de porter des critiques et avant de me condamner. Que les habitudes acquises en pratique apicole n'empêchent point les fervents d'apiculture de voir la nouveauté de structure apportée par la ruche «procédé Izarra» présentée dans cet ouvrage. Car il s'agit bien là d'une ruche d'une conception inédite et non plus seulement d'une ruche ne différant de ses aînées que par minimes détails.

Après avoir médité longuement le pour et le contre des divers types de ruches, après avoir beaucoup réfléchi sur la ruche naturelle en tronc d'arbre des abeilles à l'état sauvage, après maintes discussions avec le Docteur Maurice Mathis (auteur de 2 ouvrages sur les abeilles parus aux Presses Universitaires de France dans la collection «Que Sais-je ?»), je suis arrivé, après de multiples tâtonnements, à ce type ruche présenté dans ce livre. En 1972, devant la Société Centrale d'Apiculture à Paris, j'ai l'honneur de faire, avant que d'avoir pu apprécier les résultats pratiques de ma ruche, un exposé sur un projet de ruche à rayons fixes, sans barrettes porte-rayons et de section intérieure octogonale ; naturellement, puisqu'il ne n'agissait là que d'un projet non encore concrétisé dans la pratique, ces messieurs de la rue Serpente ne m'ont pas ménagé leurs justes critiques et je les en remercie, car ces critiques m'ont permis de mettre au point les détails de ma ruche, réduisant à néant leurs légitimes, justes, profitables et fécondes objections ; j'entends encore leurs exclamations : vos gâteaux vont s'effondrer ! comment ferez-vous pour passer entre les hausses un fil de fer (ou une lame de couteau) sans devoir soulever préalablement, ne serait-ce que de 2 millimètres, votre hausse et, ce faisant, sans déchirer vos gâteaux ?

Sans vouloir critiquer trop méchamment ces dignes messieurs de la Société Centrale d'Apiculture, je constate qu'après l'exposé de mon projet de ruche à rayons fixes, sans barrettes porte-rayons et de section intérieure octogonale, ils n'ont point du tout cherché avec moi à voir les points faibles de ce projet de ruche afin d'en trouver ensemble le remède ; au contraire, ils cherchaient à trouver le défaut de la cuirasse qui démontrerait l'inanité de mon projet, au lieu de chercher ensemble le moyen de faire aboutir cette idée originale de ruche sans cadres.

(…)

C'est ainsi que j'ai, à ce projet de ruche, apporté deux modifications d'importance qui, la faisant sortir des fumées de la théorie, la rendaient désormais expérimentable :

  1. La pose dans chaque hausse de 2 croisillons de bois empêchant les gâteaux de s'effondrer.
  2. Le soulèvement des hausses par 4 tasseaux et le remplissage des vides ainsi créés entre chaque hausse par du coton, opération qui, lors de la récolte, permet de séparer chaque hausse de la hausse sous-jacente sans traumatiser les gâteaux ni ébranler la ruche et ses habitants. Je rappelle encore une fois ici que ce soulèvement des hausses par 4 tasseaux n'est pas une caractéristique exclusive et particulière dont la ruche «procédé Izarra» aurait le privilège, mais est au contraire recommandable sur tous les types de ruches qui doivent profiter de ce perfectionnement ; cette opération permet en effet de séparer en douceur les hausses, lors de leur récolte, sans ébranler la colonie. La ruche «procédé Izarra» était trouvée ; il ne restait plus qu'à mettre en pratique et la soumettre à l'épreuve des expériences.

(…)

Cet ouvrage se divise en trois chapitres :

  1. Le chapitre premier, après un rappel sur les généralités concernant les divers type ruches, leurs avantages, leurs inconvénients, établit une comparaison entre ces différents types de ruches, faisant ressortir les avantages croissants au fur et à mesure qu'on va des ruches à cadres «mobiles» vers la ruche «procédé Izarra» en passant par la Ruche Populaire de l'abbé Warré.
  2. Le chapitre deuxième expose les caractéristiques de la ruche «procédé Izarra», avec les arguments qui la justifient ; j'y expose la manière pratique de la mettre en exploitation, ainsi que la manière de la fabriquer.
  3. Le chapitre troisième est l'exposé des résultats pratiques de la ruche «procédé Izarra», des détails sur la manière de procéder à la récolte, ainsi que du compte-rendu général des expérimentations pratiquées avec ce type de ruche.

[1]Extrait d'un poème d'Aragon.

[2]Platon.