CONSIDÉRATIONS SUR LES DIVERS TYPES DE RUCHES

«Il y a plus de choses

entre le ciel et la terre

que dans votre philosophie»


SHAKESPEARE

Généralités

En apiculture le «mobilisme» n'existe pas ; les abeilles ont toujours construit, construisent et construiront toujours et partout selon les lois du «fixisme» car on ne commande à la Nature qu'en lui obéissant, les apiculteurs tout comme les autres et ceux-là davantage même que les autres car je ne connais pas d'animal plus rebelle à l'apprivoisement et aux modifications par l'homme de ses habitudes millénaires, que l'abeille. Ces hyménoptères datent de l'ère tertiaire et ce ne sont pas les conditions nouvelles que l'homme pourrait leur apporter pendant quelques années, même plusieurs siècles, qui pourraient modifier, si peu que ce soit, la biologie et les mœurs des abeilles ; qu'est-ce que l'histoire de l'homme, en effet, devant les durées inconcevables, se chiffrant en dizaines de millions d'années, qui séparent nos temps actuels des temps géologiques de l'ère tertiaire ? ...

(…)

Pendant des siècles on a utilisé les paniers ou «boutes», ruches à rayons fixes, sans hausses, ruches différant très peu de la ruche en tronc d'arbre des abeilles sauvages ; à ce stade primitif l'homme, comme dans beaucoup de domaines, s'éloignait très peu de la nature et, ce faisant, ne risquait pas (ou risquait moins) de tomber dans les erreurs d'une technique trop élaborée ; il est plus conforme à la vérité historique de dire que les ruches primitives étaient faites d'un tronc d'arbre creux ou évidé, comme Elisée Legros le rapporte dans son livre «Types de ruches en Gaule Romane» (Liège - 1969), bien que la ruche paille ou en baguette tressées soit signalée dès l'Antiquité. Puis, avec François Huber , le naturaliste aveugle, apparut la ruche à feuillets, que l'on donne comme ancêtre de nos modernes ruches à cadres ; remarquons tout de suite que François Huber étudiait les abeilles et ne cherchait pas directement à récolter ; si rien ne vaut une ruche à cadres mobiles (et en verre) pour l'étude, la supériorité de telles ruches (à cadres mobiles et en verre) n'en est plus une dès qu'il s'agit de récolte et d'apiculture pratique ; chaque type de ruche possède ses propres qualités et est très bien adapté pour la tâche spécialisée pour laquelle il a été conçu ; gardons les ruches de recherche pour la recherche et les ruches de récolte pour la récolte ; à chaque branche de la science apicole, son type bien adapté de ruche et l'apiculture sera bien servie.

Puis vint la ruche à cadres dits «mobiles», dont l'apparition était liée étroitement à l'invention de l'extracteur.

Enfin, dernière venue, la Ruche Populaire inventée par l'abbé Warré réhabilita ces anciennes ruches à rayons fixes dont les imperfections avaient fait oublier les avantages et dont la désaffection venait de la vogue pour les ruches à cadre mobiles, vogue due essentiellement à l'invention de l'extracteur ; et pourtant, ces vielles ruches en panier avaient des avantages indéniables, mais il fallait trouver une ruche qui alliât les avantages de la ruche en panier sans ses inconvénients : possibilité d'agrandir à volonté la capacité de la ruche aux besoins d'une colonie grandissante et aux buts d'une récolte, facilitation des opérations de récolte, commodité des manipulations, etc... L'invention de l'extracteur, là dessus, était venue tout compliquer, les «avantages» de cet appareil venant à propos pour obnubiler la sérénité de jugement des apiculteurs. Si l'abbé Warré a inventé ses plaques métalliques perforées permettant d'utiliser l'extracteur pour ses cadres fixes, cela semble une concession pour les partisans de l'extracteur ; l'abbé Warré, noyé au milieu de toute cette masse d'apiculteurs «mobilistes» que la nouveauté des ruches à cadres «mobiles» enthousiasmait, pour faire comme tout le monde, pour ne pas faire figure d'attardé, ne voulant pas toutefois renier totalement sa Ruche Populaire, à rayons fixes, pour faire taire les critiques des partisans de l'extracteur, pour des raisons peut-être commerciales (on ne peut pas demander à tout homme, fût-il apiculteur, et homme d’Église de surcroît, d'être un héros, et l'abbé Warré avait monté une affaire de fabrique de Ruches Populaires...) , l'abbé Warré, donc, avait moralement était contraint de trouver une solution bâtarde, une solution boiteuse, qui lui permettait, à lui aussi, comme tout un chacun, d'utiliser les «vertus» de l'extracteur ; car la critique de l'extracteur n'est plus à faire ; utilise l'extracteur le commerçant, mais non le vrai apiculteur et il m'est heureux et flatteur de rappeler que le docteur Maurice Mathis condamne lui aussi cet appareil.

La conception mercantile de l'apiculture empêche de voir la réalité de ces merveilles biologiques que sont l'abeille et sa ruche : celui qui ne voit dans l'apiculture que son aspect commercial, (production de miel), a tendance à sous-estimer, à négliger, voire à nier purement et simplement d'autres aspects de la vie de l'essaim qui ne lui paraissent pas liés directement à la production de miel c'est avec de telles idées erronées (et grossières) qu'on en est venu à décréter l'inutilité des faux-bourdons ; c'est ainsi que, n'ayant en vue que la production du miel, on a utilisé la cire gaufrée et on en est venu au nourrissement au sucre raffiné et non au miel ; négliger les aspects de la vie de l'essaim liés indirectement et de loin (à nos yeux humains...) à la production de miel est une erreur tout à fait comparable à cette manière de penser qui conduirait, par exemple, à ne voir, de l'agriculteur, que son côté «producteur de blé», alors que cet échantillon du genre humain possède bien d'autres aspects non directement liés à la production de blé, aspects multiples qui le font tel qu'il est dans sa totalité, dans sa réalité humaine ; les activités cultuelles «inutiles» rentrent dans ce tout humain dont le côté «producteur de blé» n'est qu'aspect très partiel (bien qu'utile sur le plan de la nourriture collective) ; le côté «producteur de miel» de l'abeille, de même, n'est qu'un aspect partiel de sa réalité ; ne voir dans l'abeille que son côté «donneuse de miel» nous prive des joies spirituelles de sa contemplation ; l'homme, que diable ! ne vit point seulement de miel, mais de toutes les pensées que fait naître en lui la contemplation de ses abeilles.

Cette Ruche Populaire de l'abbé Warré, comme son inventeur le dit lui-même dans son ouvrage «L'apiculture pour tous», découle directement des ruches peu connues, sauf des spécialistes fouineurs de la poussière des bibliothèques, Decouédic[1] et Palteau ; ces précurseurs avaient remarqué que les abeilles consent toujours du haut vers le bas ; Palteau décrit sa ruche constituée de hausses mes dimensions, interchangeables, carrées ; il écrit (Page 163 du livre de Warré, lignes 5 à 16) :

Palteau écrivait ceci en l’année 1756 :

«Je puis ainsi proportionner mes ruches à tous les essaims qui se présenteront ; une hausse de plus ou de moins vont rendre la ruche que j'avais choisie une habitation très commode pour la colonie qui doit l'habiter. Cela évite encore d'avoir des ruches de toutes les espèces et de toutes les grandeurs pour recevoir les différents essaims. Une hausse est une boîte qui a un pied en carré sur trois pouces de hauteur (30 cm en carré sur 8 cm de hauteur), le fond y compris, qui doit avoir trois lignes d'épaisseur (0,5 cm). Dans le milieu du fond il y a une ouverture de sept pouces et demi en carré (19 cm en carré) ; le reste du fond est percé de petits trous ; les petits trous servant à épargner aux abeilles les circuits pour passer d une hausse à l'autre».

Palteau avait donc découvert l'avantage qu'il y a à avoir des hausses toutes semblables, donc toutes interchangeables.

du Couëdic dit, livre Warré, page 162, lignes 19 à 38.

du Couëdic écrivait ceci en 1813 :

«L'abeille en ses états sauvages exécute son travail de haut en bas, jamais de bas haut, en cela tient qu'elle trouve du vide en dedans. En descendant, elles abandonnent au-dessus de leurs seconds travaux leurs premières constructions pour ne s'occuper que de leurs secondes, dans lesquelles la reine-mère, également descendue, dépose son nouveau couvain pour la sauvegarde de toute la peuplade. Il n'y a plus dans les gâteaux supérieurs à la seconde année ni mouches, ni couvain ; ils sont entièrement plein de miel. Telle est la manière de faire de l'abeille à l'état sauvage. Il n'est pas difficile d'appliquer cet art de disposition au jeu et à l'usage de trois caisses posées au retour de chaque printemps l'une sous l'autre pour la formation de la Ruche Pyramidale, dont la hausse supérieure sans mouches ni couvain et pleine de miel est toujours chaque année sans interruption à la disposition du propriétaire. Il suffit à chaque printemps de passer une ruche sous l'autre puisque les abeilles y redescendent quand celle du dessus est pleine ; au second printemps, il y a trois caisses l'une sous l'autre et à l'automne suivant on enlève la hausse ou caisse supérieure. C'est ensuite à perpétuité une caisse ou hausse à mettre dessous au printemps sous les deux hausses laissées à l'automne et l'hiver et une hausse ou caisse supérieure à retirer à chaque automne». (C'est nous qui soulignons).

du Couëdic avait donc, de son côté, découvert que les abeilles construisent gâteaux du haut vers le bas, constatation d'où découle le principe même de ruche Warré (et aussi de la ruche «procédé Izarra») ; j'entends les critiques de ceux qui disent, certainement à juste titre, que ce fait (que les abeilles construisent toujours du haut vers le bas), avait été découvert par d'autres que du Couëdic et ceci avant lui ; mais, même si cela est vrai, c'est tout de même cette observation qui lui a donné l'idée de sa ruche ; car observer un phénomène est une chose, mettre cette observation à profit pour en tirer des conclusions pratiques en vue de la réalisation d'une ruche en est une autre. Il est fort probable que les Anciens avaient déjà constaté que les abeilles construisent leurs gâteaux du haut vers le bas, mais il a tout de même fallu attendre le 18e siècle pour trouver une application pratique de ce fait d'observation ; il en est ainsi de beaucoup de découvertes.

À Palteau fait écho à ces observations de du Couëdic lorsqu'il dit (Livre Warré page 163, lignes 33 à 39) :

«Je les oblige (les abeilles) de descendre dans les hausses inférieures et de me laisser la liberté d'opérer avec tranquillité ; il y a plus, c'est que je suis assuré d'avoir le meilleur miel, qui est toujours en haut de la ruche et de ne leur laisser que le médiocre qui leur suffit pour passer l'hiver : je ne crains pas non plus de toucher au couvain et de le détacher parce qu'elles ne le placent que dans le milieu et dans le bas de la ruche».

Les ruches de du Couëdic et Palteau étaient déjà une amélioration ; leurs promoteurs avaient déjà remarqué et en avaient déduit leurs conséquences pratiques que le couvain progresse toujours du haut vers le bas ; leurs ruches découlaient directement de telles observations et lorsque, dans les ruches à cadres mobiles (Dadant, etc...), on pose la hausse par le dessus, on effectue un acte illogique et antinaturel, allant à l'encontre des habitudes immuables des abeilles, sans parler du refroidissement du couvain, du fait de cet espace situé au-dessus du groupe d'abeilles, espace qu'il leur faut chauffer. La ruche Warré, si elle ne mène pas jusqu'à leur ultime aboutissement logique les observations de du Couëdic et Palteau, est néanmoins une appréciable amélioration de leurs ruches et n'en a plus les inconvénients (multiplicité des ouvertures que l'on bouche et débouche selon les besoins du moment, etc...). Avec sa Ruche Populaire, l'abbé Warré pouvait penser qu'il avait atteint à la perfection : les dimensions de ses hausses, en effet, sont parfaitement adaptées au volume du groupe d'abeilles ; (c'est pourquoi, dans notre ruche «procédé Izarra» nous avons conservé la même hauteur des hausses et une surface intérieure équivalente, et donc un volume de la hausse équivalent) ; la pose des hausses par le bas a de multiples avantages et respecte la biologie des abeilles : voilà beaucoup de caractéristiques qui assurent à la ruche Warré un avantage certain sur les ruches du Couëdic et Palteau : le reproche, que je renouvellerai dans le courant de cette brochure, que l'on peut faire aux ruches Dadant par exemple, est leur trop grande capacité, surtout en largeur, alors qu'avec la ruche Warré on a une colonne creuse relativement étroite qui copie un tronc d'arbre cylindrique et étroit.

Mais, comme le reconnaît l'abbé Warré lui-même, sa ruche possède un défaut, ou plus exactement une imperfection ; il dit, page 59 de son livre, lignes 42 à 46 : «Toutefois, je considère ce vide (vide qui sépare les hausses entre elles, tous les 21 cm) comme un défaut, puisque les abeilles doivent le chauffer à peu près inutilement au printemps. Défaut unique et d'ailleurs minime à côté des avantages que p r re cet agencement, défaut moindre même que celui des ruches modernes, (à cadres mobiles), où les abeilles doivent chauffer inutilement des espaces bien plus considérables». (C'est nous qui soulignons ; les mots entre parenthèses ont été rajoutés par nous-même ).

Il fallait donc trouver une ruche qui eût les avantages de la ruche Warré sans avoir l'inconvénient (reconnu par son inventeur lui-même), de posséder des espaces vides que les abeilles doivent chauffer. Pour les besoins des démonstrations ultérieures, je rappelle et résume les caractéristiques de la ruche Warré : hausses toutes semblables de hauteur 21 cm, de forme intérieure carrée, de dimensions intérieures 30 cm x 30 cm, se plaçant par le bas à n'importe quelle époque sans crainte de refroidissement du couvain ; entrée des abeilles incorporée dans le plateau, 8 barrettes porte-rayons garnies d'amorces de cire sur lesquelles les abeilles vont attacher leurs bâtisses ; cette ruche Warré est représentée sur la figure 15.

COMPARAISONS ENTRE LES DIFFÉRENTS TYPES DE RUCHES

Avant d'examiner les divers types de ruches, considérons tout d'abord les ruches naturelles des abeilles à l'état sauvage qui peuvent élire comme habitat n'importe quel trou, n'importe quelle cavité, en quelque matériau que ce soit, car l'abeille, si rigide que soit sa biologie, sait cependant s'accommoder des habitats les plus divers et les plus invraisemblables.

Il m'a été donné plusieurs fois d'examiner des colonies d'abeilles à l'état sauvage ; le plus vieux souvenir à ce sujet se rapporte à une colonie d'abeilles qui avait élu domicile dans la cavité d'un mur de la cour de récréation de mon école primaire à Chinon dans l'Indre-et-Loire, école primaire dirigée par un maître aujourd'hui décédé ; que ce livre écrit par son ancien élève soit pour moi l'occasion saluer sa mémoire...

Les abeilles sont assez plastiques et s'accommodent de toutes les formes d'habitat ; c est ainsi que j'ai été surpris de constater qu'une colonie avait établi ses pénates à l'intérieur d'un christ creux de métal (dans le département de la Sarthe), nullement protégé des rigueurs de la chaleur par des arbres proches ; c'est-à-dire que cette colonie devait geler en hiver et cuire en été ; en été, en effet, le miel coulait par les trous du christ crucifié ; et pourtant, lorsque je l'ai vue, cela faisait plusieurs années que les villageois connaissaient l'existence de cette colonie d abeilles, le choix d'un christ donnant libre cours aux supputations ésotériques ; cet exemple montre que les abeilles savent se contenter d'habitats qui ne les favorisent cependant pas : la faible épaisseur des parois et surtout leur nature métallique n'allaient pas dans le sens d'un calorifugeage idéal, comme le confirmait d'ailleurs l'écoulement du miel par les ouvertures du christ, au moment des chaleurs de l'été.

J'ai vu des colonies qui avaient élu domicile entre les lames d'un parquet ; quelques centimètres séparaient le plafond et le sol de leur demeure, donnant donc une forme très basse aux gâteaux de miel et cire ; là encore les conditions n'étaient pas meilleures et, si l'on peut dire, n'étaient pas en accord avec l'urbanisme idéal dont traitent les savants livres d apiculture...

Pour expliquer comment les abeilles, malgré leur sagesse, ont pu choisir de tels habitats si inconfortables, on peut supposer que les essaims dont je viens de parler (essaims dans un christ et entre les lames d'un parquet) n'avaient élu domicile dans de telles demeures que faute de mieux, que parce que les abeilles parties en éclaireuses n'avaient rien trouvé de plus confortable à proposer à l'essaim qui les avait déléguées en patrouille de reconnaissance . On peut donc dire que c'est parce qu'elles ont beaucoup de sagesse que les abeilles ont choisi de tels habitats, car il vaut mieux être mal logé que de ne pas être logé du tout et crever de faim et de froid sans pouvoir honorer son billet de logement.

L'habitat idéal des abeilles sauvages reste le tronc d'arbre, l'habitat qu'elles préfèrent lorsqu'elles l'ont à leur disposition. Le diamètre de ce tronc d'arbre est d'environ 30 cm x 30 cm, la hauteur variant de 1 m à 1,50 m ou 2 m. L'entrée est dans le bas, les abeilles ayant parfois ménagé des ouvertures dans le haut, qui font figure de bouches d'aération. Les gâteaux sont en général à bâtisses «froides». On put dire que Le tronc d'arbre réalise l'habitat idéal des abeilles sauvages pour les trois raisons suivantes :

  1. La forme allongée, plus haute que large, des gâteaux, permettant un meilleur hivernage, les réserves de miel se trouvant juste au-dessus du groupe d'abeilles hivernant.
  2. La forme cylindrique du tronc d'arbre s'adaptant au mieux à la forme sphérique du groupe d'abeilles.
  3. Les gâteaux sont, cela va de soi, d'un seul tenant, avantage évident mais que je rappelle néanmoins pour le besoin des démonstrations ultérieures.
Ce sont ces trois caractéristiques que nous rappellerons plus loin dans le cours de cette brochure lorsque nous envisagerons les caractéristiques et les avantages de la la ruche «procédé Izarra» Après le rappel des ruches sauvages des abeilles «non-civilisées», considérons maintenant les ruches en paniers ou «boutes».

Caractéristiques DES PANIERS - LEURS AVANTAGES

Ce sont les logis d'abeilles faits de main d'homme qui se rapprochent le plus ruche naturelle en tronc d'arbre ; leur forme sphéro-cylindrique copie le tronc d'arbre ; notons qu'on s'est servi pendant longtemps de troncs d'arbre évidés ou d'écorces comme ruches primitives ; leurs gâteaux sont d'un seul tenant et plus hauts que larges. La circulation de l'air est, dans les paniers, idéale car elle est laissée à la sagesse des abeilles ; il me vient à l'esprit une comparaison qui, au premier abord, pourrait paraître ne s'appliquer que de loin à la question ici pesée ; je songe ici à cette comparaison avec les rizières des pays asiatiques en montagne, dont les sinuosités, suivant les courbes de niveau du terrain, réalisent des courbes de niveau géodésiques ; les gâteaux, dans les paniers, de manière comparable, réalisent des courbes de répartition de l'air si l'on peut dire, courbes qui suivent la répartition de la chaleur et de l'humidité : il n'est que de regarder un panier à l'envers pour constater que les gâteaux suivent des lignes sinueuses qui, à nos yeux humains, semblent arbitraires, alors que leurs courbes obéissent à des lois bien déterminées. Les abeilles en panier sont laissées libres de construire à bâtisses «froides», «chaudes» ou «tièdes» (c est-à-dire intermédiaires), selon leurs lois propres, non comme elles veulent (comme un certain anthropocentrisme borné serait tenté de l'affirmer) mais comme elles doivent : remarquons que, dans les ruches à cadres, les abeilles sont limitées, dans leur désir (ou plutôt leur besoin) d'augmenter la profondeur des alvéoles, par la largeur des cadres, bien qu'elles ne se gênent pas pour prolonger leurs gâteaux en largeur, les soudant aux gâteaux adjacents, alors que dans la ruche en panier (et dans la ruche «procédé Izarra» également), elles peuvent, n'étant pas bridées, limitées par des cadres, donner à leurs alvéoles la profondeur qu'elles veulent. (Qu'elles doivent, pour être plus proche de la vérité scientifique, les insectes étant, en quelque sorte, les esclaves obéissants de leurs instincts aveugles). Dans les paniers, les abeilles sont libres de chantourner leurs bâtisses selon les besoins de l'aération ; à l'instar des rizières qui suivent au mieux les sinuosités du terrain, les gâteaux en panier suivent au mieux les courbes de circulation de l'air et la répartition de la chaleur de l'humidité ; les abeilles, dans de telles ruches, sont libres de disposer leurs bâtisses selon les nécessités de l'aération, qu'en parfaits architectes urbanistes elles connaissent mieux que nous ; comme le disait un biologiste philosophe (...) «l'embryon est plus fort en embryologie que le plus grand des embryologistes».

(...)

La cité de cire des abeilles est un modèle d urbanisme et le mieux est laisser les abeilles libres, dans l'enchaînement de leurs instincts, de construire à leur guise, d'obéir sans contrainte extérieure aux impératifs du Génie de leur espèce ; les cadres mobiles (et également les barrettes porte-rayons de la ruche Warré) constituent en effet pour elles des guides, des directions à suivre ; l'urbanisme de leurs constructions se ressentira de cette contrainte ; les abeilles, dans leur science, dans leur sagesse, savent bien mieux que nous ce qui leur convient.

(...)

Donc, le grand avantage des paniers est celui-ci : l'aménagement des étant laissé à l'absolue discrétion des abeilles, elles peuvent bâtir aussi bien à bâtisses «froides» qu'à bâtisses «chaudes» ou à bâtisses «tièdes» et on a remarqué aussi que l'inclinaison des alvéoles est différente dans les paniers et dans les ruches utilisant la cire gaufrée ; cette inclinaison est plus accentuée dans les ruches en panier ; de plus, l'écartement «standard» que l'on donne aux cadres et aux barrettes porte-rayons (de la ruche Warré) n'est qu'une moyenne commode ; cet écartement, en somme artificiel auquel on contraint les abeilles, n'est pas forcément celui qu'elles auraient adopté si elles avaient été laissées libres d'obéir à leur instinct de construction, alors que, dans les ruches en panier, les abeilles donnent à leurs gâteaux l'écartement qu'elles veulent (qu'elles doivent, pour être plus exact, leur instinct, encore une fois, étant pour elles un tyran auquel elles obéissent aveuglément) et qui est loin d'être arbitraire mais répond à de strictes et rigides raisons dictées par les besoins de la colonie et par le Génie de l'espèce ; souvent ne nous paraît arbitraire que ce que nous ne comprenons pas et en apiculture il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas !

La forme sphéro-cylindrique du panier s'adapte admirablement bien à la forme sphérique du groupe d'abeilles.

Enfin, un avantage des ruches en panier est que le volume de ces paniers semble très bien adapté à celui du groupe d'abeilles ; là encore, l'empirisme de nos ancêtres a très bien fait les choses et permet de dire encore une fois que les anciens n'étaient pas plus bêtes que nous. Pour terminer, je rappelle que, pour éviter l'effondrement des gâteaux, deux croisillons de bois sont disposés à l'intérieur des paniers, dispositif que nous retrouverons dans la ruche «procédé Izarra».

Les paniers, malheureusement, n'ont pas que des qualités et ne sont pas absolument parfaits.

INCONVÉNIENTS DES RUCHES EN PANIER

Un premier inconvénient que je note tout de suite est l'insuffisance d'épaisseur n'assurant pas un calorifugeage suffisant aux ruches en panier. Ceci étant dit, le principal inconvénient de ces ruches est l'impossibilité de placer des hausses ; le panier n'est qu'une chambre à couvain, certes bien adaptée au volume du couvain, parfaite quant à sa capacité et à sa forme, mais malheureusement non-extensible à volonté, ce qui en limite énormément les possibilités d'exploitation ; remarquons des essais de pose de hausses sur des ruches en panier ont été faits, mais les ruches ainsi obtenues sont loin d êtres parfaites et ces tentatives bâtardes ne font que souligner ce besoin des apiculteurs d'avoir une ruche idéale qui réunit les avantages des paniers à ceux des ruches à hausses ; conséquences : essaimage facile, trop facile même, puisqu'on ne peut augmenter à volonté le volume de la ruche et éviter (dans une certaine mesure seulement) cet essaimage ; impossibilité d'agrandir la ruche par la pose de hausses et impossibilité de renouveler les cellules du couvain, ce qui peut amener à la longue une dégénérescence de la ruche en panier, du fait que les cellules du couvain restent toujours les mêmes durant des années ; je ne parle qu'en passant de la difficulté de la récolte. En résumé, l'inconvénient majeur des ruches en panier reste donc que, par son volume fixe, immuable, non-extensible à volonté, ce genre de ruches à rayons fixes n'est pas adaptable au volume variable de l'essaim.

Si l'apiculteur partisan d'une apiculture simple et rationnelle conserve cependant quelques ruches en paniers, malgré les imperfections et les inconvénients de telles ruches, c'est dans l'intention d'en faire des pépinières à essaims ; c'est là le seul et unique intérêt de conserver dans son rucher des ruches en paniers, mais nous verrons dans la suite de cette brochure qu'avec la ruche «procédé Izarra» on peut fort bien se passer de ruches en paniers dans ce rôle de pépinières à essaims, dont la ruche «procédé Izarra» remplit parfaitement le rôle.

L'idéal était donc d'éviter les inconvénients des ruches à cadres mobiles et aussi ceux des ruches à rayons fixes du genre «boutes» ou paniers. (…) Nous allons examiner maintenant les ruches à cadres mobiles et en faire une critique ; notre but, difficile, est louvoyer sans cesse pour éviter les défauts d'un type de ruche sans pour autant tomber dans les défauts d'un autre type de ruche. Y a-t-il une ruche idéale ? La ruche idéale serait celle qui concilie harmonieusement les exigences biologiques des abeilles (conditions idéales de leur habitation ; hivernage aisé ; bon calorifugeage ; «confort» biologique des abeilles), avec les besoins gastronomiques et économiques de l'être humain.

À la lumière des considérations précédentes, la ruche idéale serait non celle qui est sans défaut, (rien n'est parfait sur cette terre et la perfection n'est pas de ce monde) mais celle qui réunit le minimum de défauts (ou d'imperfections si l'on préfère) avec le maximum de qualités.

(...)

Ruches à CADRES MOBILES

Il en est de différentes sortes mais qui, si nous faisons abstraction des minimes différences qui les distinguent (forme et dimensions des cadres) et ne retenons que les caractères communs qui les unissent, peuvent se ramener au type suivant :

Dans une caisse de bois sont logés des cadres garnis de cire gaufrée sur lesquels les abeilles bâtirent leurs constructions de cire, dans lesquelles ensuite elles logeront miel, pollen et couvain ; l'agrandissement de la ruche se fait en plaçant une ou plusieurs hausses par le dessus, à l'opposé de la ruche Warré (et ruche «procédé Izarra» également) où cet agrandissement se fait en plaçant les hausses par le dessous. (Ce terme de «hausse» fausse le jugement, car qui dit «hausse» dit caisse que l'on place par le haut : dans le cas des ruches Warré et «procédé Izarra», où ces hausses sont placées par le bas. on devrait utiliser un terme qui ferait image, comme «basse» par exemple).

Les différences qui séparent les ruches Dadant, Voirnot et Layens, ne portent que sur les dimensions et les formes des cadres ; ce sont des différences de degré et non de nature ; je veux dire par là que les caractéristiques qui distinguent ces ruches de la ruche Warré par exemple sont capitales, car il s'agit là, cette fois-ci, d'une différence de structure dans la conception de la ruche ; on peut dire la même chose pour la ruche «procédé Izarra» qui diffère des ruches à cadres mobiles (et aussi de la ruche Warré) par des caractéristiques fondamentales qui en font une ruche nouvelle et non par de simples différences de détail. Ce fut la suppression des cadres qui distingua la ruche Warré des ruches à cadres mobiles et non pas la question mineure des dimensions ou de la forme de ses cadres et qui fit de la Ruche Populaire de l'abbé Warré une ruche d'une conception nouvelle.

C'est la suppression totale des barrettes porte-rayons (et, de façon accessoire, la forme octogonale de l'intérieur de ses hausses) et non seulement des modifications mineures,qui distingue de façon radicale la ruche «procédé Izarra» de la Ruche Populaire de l'abbé Warré.

À celui qui apporterait à la ruche «procédé Izarra» des modifications dans le sens par exemple de l'épaisseur des parois, de la hauteur des hausses, etc... ne ferait pas vraiment œuvre innovatrice, de la même façon que ne faisaient point œuvre innovatrice les Voirnot, les Layens, etc... en modifiant quelque peu les dimensions ou les formes des cadres de la ruche Dadant, Par conséquent et en conclusion de tout ceci, les ruches Dadant, Voirnot, Layens et toutes ces innombrables ruches à cadres (et il yen a ! que ce soit la Ruche Pyramidale, la Dadant-Blatt, etc... etc.. .) qui diffèrent de la Dadant par des "'changements'"' minimes apportés aux dimensions et à la forme des cadres, sont à considérer, leurs détails mis à part, comme un seul et même type de ruches.

À mon avis, les «avantages» de ces ruches ne compensent pas leurs inconvénients ; ces «avantages» peuvent se résumer ainsi : facilité pour l'apiculteur de procéder à l'extraction : «facilité» des visites ; pour nous, ces avantages n'en sont pas ; trop souvent, pour ne pas dire toujours, les cadres «mobiles» sont immobilisés par la propolis ou la cire et leur maniement devient de ce fait difficile : cette invitation (je ne dis pas cette facilité) qu'on a de les manipuler est, à mes yeux, inconvénient, car c'est cette tentation qui, justement, est à incriminer dans les dangers de ces manipulations trop fréquentes parce que trop tentantes (je ne dis pas trop faciles, vu que la propolis n'est point pour faciliter de telles manipulations) ; ces dangers, les voici : refroidissement du couvain, irritation des abeilles, à moins que l'on ait une race d'abeilles dont la mansuétude soit exceptionnelle, ce qui n'est point le cas heureusement ; je dis bien «heureusement» car il est bon que les piqûres de nos abeilles rappellent à l'homme qu'il est des lois qu'il est malséant de transgresser ; les aiguillons de nos abeilles sont là pour nous donner une leçon d'humilité. .. Il y a danger pour la santé des abeilles à les manipuler ; ceci a été reconnu par plusieurs expérimentateurs ; moins on touchera à la ruche et mieux cela vaudra ; laissez vos abeilles tranquilles et ne les dérangez qu'au moment de la récolte. Ces défauts, par contre, deviennent des qualités si l'on fait de la recherche scientifique ; comme je l'ai dit, rien ne vaut une ruche à cadres mobiles et en verre pour la recherche pure en matière apicole ; que chaque type de ruche reste adapté au but bien défini pour lequel il a été conçu. Je fais toutefois remarquer qu'on peut loger un essaim dans une ruche en verre assez étroite sur deux côtés opposés pour que les abeilles ne construisent qu'un seul gâteau. Ainsi, il est aisé, sans qu'il soit besoin pour cela d'avoir des gâteaux logés dans un cadre mobile, d'observer les deux faces de ce gâteau ; je possède actuellement une ruche garnie de verre sur deux faces, celles qui regardent l'unique gâteau, sur lequel il est très aisé de voir tous les phénomènes de la vie de la ruche ; danse des butineuses, etc...

Quant à la critique de l'extracteur, n'en parlons pas ! les défenseurs de l'extracteur croient réfuter l'argument que cet appareil introduit des bulles d'air disant (à juste titre) que ces bulles d'air remontent à la surface du miel lors de a maturation ; oui, mais l'humidité introduite par cet extracteur ne remonte pas surface ; elle s'incorpore intimement à la substance du miel ; quant aux micro-organismes introduits par cet instrument, n'en parlons que comme argument qui condamne sans appel l'usage de l'extracteur. Avec l'extraction du miel par simple écrasement et simple filtrage sur un tamis, les manipulations sont réduites au minimum ; un miel extrait de cette façon sera moins traumatisé, moins impur, en un mot moins artificiel, le miel idéal, le plus pur, le plus naturel, étant, bien entendu, le miel en rayons.

Autres inconvénients des ruches à cadres mobiles : leur volume trop grand en largeur ; ce sont des ruches pour très gros essaims et même un fort essaim, du fait de cet espace trop grand, et aussi du fait de ces espaces inutiles constitués par le volume des cadres et des espaces qui les séparent entre eux et entre les parois de la ruche, espaces qu'il faut chauffer, sera mal à l'aise dans ce trop grand volume ; on devra le nourrir pour le réchauffer ; c'est analogue à une famille qui, à l'aise et au chaud dans un modeste logis, grelottera de froid dans les salles trop spacieuses d'un château.

Une chose encore que je reproche aux ruches à cadres mobiles et aux apiculteurs en particulier (pas à tous, car il yen a qui connaissent le danger des manipulations des abeilles ; l'abbé Warré par contre n'a pas vu ce danger, est le risque qu'il y a à mélanger 2 ruches, surtout par leur permutation ; la permutation des ruches, procédé employé pour faire 2 ruches moyennes d'une ruche faible et d'une ruche forte, ne réussira qu'à risquer de faire 2 ruches malades d'une ruche saine et d'une ruche malade, car une ruche faible n'est telle bien souvent que parce qu'elle est malade ; Maurice Mathis a très bien dénoncé un tel danger.

Enfin (et ce défaut est à reprocher à la ruche Warré également) le décollement des hausses soudées par la propolis se fait toujours plus ou moins brutalement, avec des outils appelés «lève-cadres» ; pour remédier à cet inconvénient, il faut, (et ceci est applicable dans tous les types de ruches) surélever les hausses avec quatre tasseaux ; même si l'on n'adopte pas la ruche «procédé Izarra», le soulèvement des hausses par 4 tasseaux évitera bien des inconvénients, principalement l'ébranlement de la hausse par le levier lève-cadre, lors de son décollement, ainsi que le déchirement des gâteaux qui, bien souvent, sont soudés aux gâteaux de la hausse sous-jacente.

CONSIDÉRATIONS SUR LA RUCHE WARRé

Cette ruche possède de multiples avantages, tant sur les ruches en paniers que sur les ruches à cadres mobiles. Elle possède les avantages de la ruche en panier (rayons fixes, cire naturelle, volume bien adapté à celui des abeilles, forme carrée de l'intérieur des hausses se rapprochant de la forme cylindrique du tronc d'arbre) et n'en a plus les inconvénients (possibilité désormais d'adapter des hausses et donc possibilité d'accorder le volume de la ruche aux besoins variables de l'essaim ; renouvellement du couvain).

Elle n'a pas les inconvénients des ruches à cadres mobiles : elle est plus étroite, ce qui lui permet de loger très confortablement, sans risque de refroidissement dans un trop grand espace, une colonie moyenne et même petite ; on peut y loger un gros essaim, en dépit de son gros volume, par l'agrandissement au moyen des hausses, alors que dans la ruche Dadant par exemple, la chambre à couvain n'est pas extensible, et si l'apiculteur met une hausse à cette ruche Dadant, c'est lorsqu'il escompte une récolte et non pour agrandir le logement de ses abeilles.

Dans les ruches à cadres mobiles, les hausses ne sont nullement des moyens d'adaptation au volume changeant de l'essaim, mais seulement des moyens de récolte ; là encore on constate l'inconvénient des ruches à cadres mobiles et l'avantage de la ruche Warré, dont les hausses toutes semblables sont interchangeables et peuvent, par conséquent, servir indifféremment aussi bien de procédé d'agrandissement de la chambre à couvain devenue trop exiguë que de moyen de récolter du miel.

La ruche Warré possède moins d'espaces inutiles que les abeilles doivent chauffer ; elle invite beaucoup moins que les ruches à cadres mobiles à manipuler inconsidérément la ruche, du fait qu'elle n'a pas de cadres mobiles mais simplement des barrettes porte-rayons ; la pose de ses hausses se fait par le bas et non par en haut, ce dernier procédé (la pose par en haut) dans les ruches à cadres mobiles, exposant le couvain au refroidissement, ou tout au plus ne permettant une telle pose que par temps chaud.

La ruche Warré possède de multiples avantages sur les autres ruches : c'est une ruche plus étroite permettant de loger n' importe quel essaim, de n'importe quelle importance ; elle possède davantage d'espaces utilisés par miel et cire ; on peut y effectuer la pose des hausses par n'importe quel temps, même en plein hiver, ce qui facilite grandement la tâche de l'apiculteur qui peut poser ses hausses le même jour, par temps froid, sans crainte de refroidissement et donc d'irritation des abeilles ; je dirai même qu'il est préférable d'effectuer cette pose par temps froid, car ainsi, les abeilles étant groupées en une sphère compacte dans la ruche, elles auront moins tendance à sortir et donc à piquer l'opérateur.

Cette pose des hausses par le bas, d'autre part, permet de régénérer automatiquement les cellules du couvain, car celui-ci descend toujours vers le bas et se logera successivement dans les hausses mises à sa disposition par le bas ; cette pose des hausses par le bas suit la Nature et est strictement conforme à la biologie de l'abeille. Je réfute l'objection que cette pose des hausses par le bas favoriserait le pillage, du fait de l'absence de gardiennes à l'entrée, laquelle entrée, du fait de la pose des hausses par le bas, se trouve alors éloignée des gâteaux de cire et miel ; une abeille, en effet, (le docteur Mathis me l'a confirmé), hésite toujours à s'engager dans un orifice obscur et donc le risque de pillage parait bien minime.

Autre avantage de la ruche Warré : son étroitesse relative qui évite à l'air chaud de s'éloigner trop loin de la masse compacte des abeilles ; la chaleur montera au-dessus de leur groupe et sera mieux concentrée autour d'elles.

IMPERFECTIONS DE LA RUCHE WARRé

Plutôt que des inconvénients, je préfère employer le terme d'imperfections, à propos de cette ruche Warré, ce terme reflétant mieux la réalité.

Comme le reconnaît l'abbé Warré lui-même, il reste encore, dans son type de ruche, une perte d'espace, qu'il faut chauffer : c'est le vide qui sépare les gâteaux des hausses superposées de la ruche Warré, auquel il faut ajouter le volume des barrettes porte-rayons ; tous les 21 cm, (la hausse Warré faisant 21 cm de hauteur), on a donc un espace inutilisé par miel et cire, impossible à éviter, qui correspond à l'épaisseur du corps de l'abeille à laquelle s'ajoute l'épaisseur des barrettes porte-rayons ; il est vrai que cet espace inutile est moins considérable que dans les ruches à cadres mobiles, le volume d'un cadre mobile à quatre côtés étant en effet plus important que celui d'une simple barrette, mais il reste encore plus grand que dans la ruche «procédé Izarra» ; on n'y peut rien ; cet espace perdu tient à la nature même de la ruche Warré.

Et, remarque qui reste valable pour toutes les ruches également, quel que soit leur type, il faut, dans cette ruche Warré, décoller les hausses en exerçant une action de levier (avec le lève-cadre ou tout autre instrument analogue), lors de la récolte, d'où ébranlement de la hausse et tous les multiples inconvénients qui en résultent ; on sait que le remède en est le soulèvement préalable des hausses par 4 tasseaux placés dans les 4 coins de la tranche de ces hausses.

Comme dernière imperfection de la ruche Warré (à laquelle je remédie dans la ruche «procédé Izarra»), je signale l'épaisseur des parois (2,5 cm) insuffisante pour établir un bon calorifugeage.

En conclusion générale sur la ruche Warré, cette ruche, malgré ses imperfections, se signale par sa supériorité sur les ruches à cadres mobiles.

Dans le tableau synoptique schématisé ci-après (figure 13), j'établis les caractéristiques comparatives des ruches à cadres mobiles, de la ruche de l'abbé Warré à rayons fixes et de la ruche «procédé Izarra».

N'ayant pas encore décrit en détail la ruche «procédé Izarra» et ayant besoin, pour ma démonstration, de ses caractéristiques, je les résume brièvement, me réservant de les exposer plus amplement dans le cours de cette brochure, au deuxième chapitre.

CARACTÉRISTIQUES TRÈS RÉSUMéS DE LA RUCHE «PROCÉDÉ IZARRA»

C'est une ruche à rayons fixes, dont les gâteaux de miel et cire existent d'un seul tenant, sans aucune discontinuité, et dont l'augmentation de capacité est obtenue par la pose, par le bas, de hausses toutes semblables et de section intérieure octogonale.

Dans le tableau synoptique schématisé de la figure 13 sont représentés, vus en coupe, les 3 types de ruches, de façon à bien faire apparaître le gain d'espace qui sera utilisé pour loger miel et cire et surtout évitera aux abeilles le travail supplémentaire de réchauffement d'espaces inutiles et donc diminuera leur dépense de miel.

Nous avons, sur ce tableau synoptique, de gauche à droite, les ruches cadres mobiles (A), la ruche Warré (B) et enfin la ruche «procédé Izarra» (C). Elles sont toutes supposées à 3 hausses équivalentes.

En hachuré : les cadres et barrettes porte-rayons.

En pointillé : les espaces inutilisés non-remplis de miel et cire.

En blanc enfin : les gâteaux de miel et cire.

Dans les ruches à cadres mobiles (A), cet espace inutile est fait de la somme de l'espace vide qui sépare les cadres entre eux, de l'espace vide qui sépare les cadres des parois de la ruche, de l'espace vide qui sépare la partie inférieure des gâteaux de la branche horizontale du cadre sous-jacente à ces gâteaux et enfin du volume des cadres eux-mêmes ; on constate qu'il y a là un volume considérable perdu, inoccupé par les gâteaux, inutilisé, que les abeilles doivent chauffer.

Dans la ruche Warré (B), cet espace inutile, bien moins considérable, et dont la description sera de ce fait plus rapide, est fait de la somme de l'espace vide qui sépare l'extrémité inférieure des gâteaux de la partie supérieure des barrettes porte-rayons sous-jacentes et du volume de ces barrettes porte-rayons; on constate que le volume inutile est, dans cette ruche Warré, bien moins considérable que dans les ruches à cadres mobiles mais, comme le reconnaît l'abbé Warré, il reste encore cet espace inutilisé qui l'empêchait de considérer sa Ruche Populaire comme la ruche idéale.

Dans la ruche «procédé Izarra» (C), il n'y a aucun espace inutilisé ; de-ce point de vue là, on a une ruche parfaite. On peut faire abstraction du volume absolument négligeable des 2 croisillons de soutien des gâteaux, à l'intérieur de chaque hausse.

Quand on regarde ce tableau synoptique (figure 13 ), on constate que le gain d'espace utilisé par miel et cire est de plus en plus important au fur et à mesure qu on va de la ruche à cadres mobiles (A) vers la ruche «procédé Izarra» (C) ; le gain d'espace utile saute aux yeux : la ruche qui possède le moins d'espaces inutilisés, qui évite donc aux abeilles un surcroît de travail de réchauffement et permet également l'emmagasinement (et donc la récolte) de miel et cire le plus important est la ruche «procédé Izarra».


[1]Note de Bébert. Le véritable nom de Decouédic est Pierre-Louis du Couëdic de Villeneuve (1743-1822). On trouve plein d'écritures différentes de son nom, lui-même signant son ouvrage en 1815 P. Ducouédic. Pour le reste de la publication j'ai remplacé tous les Decouédic par du Couëdic.