Procédés de propagation et de multiplication des arbres

Les divers procédés employés par les arboriculteurs pour reproduire les arbres à fruits comprennent quatre groupes : le semis, le marcottage, le bouturage et le greffage.

Les semis

Le plus naturel de tous les procédés de multiplication, le semis, est peu employé en arboriculture fruitière pour la propagation des différentes variétés de poiriers, pommiers, pêchers, etc. Cela provient de ce que les graines reproduisent très infidèlement les caractères et les qualités propres des individus dont elles proviennent ; elles sont, par atavisme, prédisposées à donner des descendants ayant des dispositions très grandes à faire retour au type primitif.

Il ne s’ensuit pas cependant que le semis n’ait aucune utilité ; le rôle en est au contraire considérable, car c’est par son intermédiaire que sont obtenus les sujets désignés très communément sous le nom de francs, ou d’égrins, pour les poiriers et les pommiers, destinés au greffage des variétés de plusieurs de nos espèces fruitières dont les qualités et les propriétés ne se transmettent réellement que par la greffe.

De ce qui précède il ne résulte pas nécessairement que tous les individus obtenus par des semis doivent produire de mauvais fruits, puisque nos meilleures variétés de tous genres n’ont pas d’autre origine ; seulement le nombre de celles réellement méritantes qu’on peut ainsi obtenir est extrêmement restreint.

Mais lorsque, par des caractères extérieurs, on préjuge qu’un franc de semis pourrait bien constituer une bonne variété nouvelle, il faut attendre qu’il ait fructifié pour en avoir la preuve. C’est encore un des inconvénients du semis de produire des individus exigeant toujours beaucoup de temps avant de donner leurs premiers fruits, 8, 10, 12 ans et quelquefois davantage.

En greffant les premières ramifications des égrins sur des arbres âgés et en rapport, d’aucuns prétendent, il est vrai, avancer l’époque de la fructification et se rendre ainsi compte plus tôt du mérite des nouveaux sujets ; la propriété attribuée à ce mode de multiplication est du reste contestée par des semeurs de profession. Une autre méthode, imaginée par feu Tourasse , de Pau, semble plus rationnelle pour hâter l’époque de la fructification chez les individus obtenus de semis ; elle est basée sur la possibilité de donner plus de force et de développement au système radiculaire des végétaux au moyen de repiquages successifs, en ayant soin, à chaque fois, de supprimer l’extrémité des jeunes racines pour les faire ramifier ; ce procédé, bien pratiqué, donne d’excellents résultats. C’est ainsi que nous avons vu des arbres à végétation libre, de trois et quatre ans d’âge au plus, en paraissant avoir dix et douze, tant ils étaient fournis de ramifications vigoureuses et fortes.

Cet ouvrage élémentaire ne comporte pas une étude de tous les systèmes préconisés jusqu’à ce jour sur la taille et l’élevage des arbres : ce serait d’ailleurs sortir du cadre qui nous est réservé et marcher à l’encontre du but que nous cherchons à atteindre. C’est pourquoi nous n’insisterions pas davantage sur le système Tourasse si la pratique des repiquages successifs, poussée jusque dans ses dernières limites par cet ami passionné de l’horticulture, n’avait encore le grand mérite de hâter la fructification de nos variétés de poiriers, pommiers, par exemple, lorsqu’elles sont greffées sur franc, tout en leur donnant plus de force et de vigueur.

Sans avoir des connaissances spéciales bien étendues en arboriculture fruitière, peu de personnes ignorent qu’ordinairement nos différentes sortes de poiriers fructifient plus tôt greffées sur cognassier que sur franc ; les fruits qui en proviennent ont aussi un goût plus fin, plus délicat ; mais, en revanche, la vigueur et la durée de l’arbre sont moins grandes. Or vigueur, fructification et durée des variétés sont trois facteurs qui ont une importance capitale pour l’avenir de toute plantation sérieuse, établie sur une grande surface.

Nous n’affirmons pas que le sujet franc, élevé au moyen des repiquages successifs, soit dans tous les cas préférable au sujet cognassier ; ce serait une hérésie, car ce dernier est et restera un des plus précieux porte-greffes pour la culture de nos variétés de poires dans le jardin fruitier. Mais toutes les fois, pour une cause ou pour une autre, que les sujets égrins devront être adoptés, nous conseillons vivement de leur appliquer le système Tourasse. On fera acquérir ainsi aux variétés greffées plus de vigueur et la faculté de fructifier plus tôt.

Ces propriétés de l’emploi des repiquages nous déterminent à consacrer quelques lignes à la manière de les pratiquer.

L’époque des semis

L’époque la plus favorable a priori pour confier les graines de nos différentes espèces fruitières au sol est celle qui correspond à la maturité des fruits ; l’automne, fin septembre, courant d’octobre, est en général la saison la plus propice. Il est bon toutefois de faire remarquer que les semences livrées ainsi à la terre en cette saison sont exposées soit à pourrir par excès d’humidité dans un sol incomplètement assaini, soit, au contraire, à être dévorées par les animaux rongeurs.

Les gels et les dégels successifs sur un sol non recouvert de neige, pendant l’hiver, peuvent aussi compromettre très sérieusement la germination des graines existantes à la surface du sol et exposées ainsi à toutes les intempéries et aux froids les plus rigoureux.

Pour éviter ces inconvénients, nous conseillons d’exécuter les semis au printemps, en mars, avril, en ayant, soin de stratifier les graines à l’automne.

Cette opération d’une extrême simplicité présente de nombreux avantages pour les semences qui demandent beaucoup de temps à germer. Elle se fait dans des vases, dans des paniers, ou dans des tonneaux défoncés par un bout, de dimensions et de capacité en rapport avec le volume de semence que l’on veut leur confier. Les graines y sont disposées par lits successifs alternant avec des couches de sable ou de terre légère. On commence d’abord par mettre un lit de sable, puis un lit de graines, une couche de sable, une couche de graines, ainsi de suite jusqu’à ce que les graines soient toutes utilisées, ou les vases remplis. Ces derniers sont ensuite enterrés au pied d’un mur exposé au nord, où ils seront protégés contre les grands froids par d’abondantes litières. Ce n’est que lorsqu’on s’aperçoit que les graines commencent à germer, en mars, avril, quelquefois plus tôt, qu’il faut se hâter de les distribuer dans le sol, en mélange avec le sable ou la terre qui alterne avec les couches de graines. Ces semis se font en rayons profonds de 4 ou 5 centimètres, pas trop drus, si les plants doivent rester en place, en pépinière toute une année. Les graines volumineuses, telles que les noyaux de pêches, d’abricots, d’amandes, peuvent être placées directement en place, après stratification, cela va sans dire, à l’endroit même où les jeunes sujets seront greffés.

Lorsqu’on a beaucoup de graines à stratifier, au lieu d’employer des vases il est plus commode et plus expéditif d’opérer en plein air, ce qui ne change absolument rien à la manière de faire. On forme des tas parallélogrammiques qu’on a soin de protéger contre les animaux rongeurs, lesquels pourraient sans cela y élire domicile.

Les graines qui ont des enveloppes dures, osseuses, comme les noyaux de pêches, de prunes, de cerises, d’amandes, etc., seront stratifiées dans le courant d’octobre, les graines pépins ne le seront qu’en janvier.

Quel que soit le procédé employé, les plantes provenant de graines semées en pleine terre ou en pots à l’automne, ou au printemps après stratification, sont arrachées avec précaution ; on supprime l’extrémité de toutes les racines, réduites bien souvent au pivot unique, dès que la plante a développé trois feuilles et avant l’apparition complète de la quatrième ; on en diminue la longueur d’un tiers à l’aide d’un canif ou de ciseaux bien affilés.

L’opération terminée, les jeunes sujets sont plantés séparément dans des pots de 16 centimètres de diamètre remplis de bonne terre et préparés à l’avance. Les pots sont ensuite enterrés les uns à côté des autres dans une terre labourée. Pour favoriser la reprise de ces jeunes égrins, ainsi mutilés, on leur procure, pendant quelques jours seulement, un ombrage factice, à l’aide de paillassons ou de toiles. Chez M. Tourasse, c’est au moyen d’un hangar roulant sur rails qu’ils sont abrités jusqu’à la reprise. L’application d’un paillis de fumier aux 3/4 décomposé termine l’opération.

Ce n’est pas tout ; lorsque les plants ont atteint 15 centimètres de hauteur, ce qui arrive environ deux mois après le premier repiquage, ils sont déplantés à nouveau, pour permettre la suppression des extrémités de toutes les racines nouvellement formées. Le deuxième repiquage s’effectue en pleine terre, ou mieux en paniers grossièrement tressés, de 25 centimètres de diamètre ; ces derniers sont enfouis à 30 centimètres les uns des autres dans un sol ameubli convenablement et bien exposé.

Après avoir paillé et arrosé toute la surface, les jeunes plants sont ombrés pour quelques jours, comme la première fois. Si au lieu de pratiquer la plantation dans des paniers, elle a lieu en plein carré, on conserve néanmoins la même distance entre les jeunes sujets.

Il ne reste plus qu’à opérer la plantation, en place définitive, à l’automne de la même année ou au printemps de l’année d’après, suivant les cas. Par ce moyen on obtient des arbres qui fructifient bien plus tôt ; M. Tourasse a obtenu ainsi des poires sur un semis de deux ans. C’est une exception, dira-t-on, c’est possible, mais dès lors que les francs non repiqués ne fructifient qu’après dix, douze et même quinze ans, il faut bien convenir que l’avance est considérable et le procédé avantageux, si nous obtenons des fruits des égrins repiqués, après trois, quatre et cinq ans de semis.

Dans la majorité des cas, les semis d’arbres fruitiers sont exécutés pour produire des sujets destinés à fournir des porte-greffes, et à ce point de vue ces derniers repiqués successivement, comme il a été dit, peuvent rendre de très grands services, les variétés greffées ainsi acquérant elles-mêmes la propriété de fructifier plus tôt.

Le marcottage

Le marcottage est une opération couramment employée en arboriculture fruitière pour se procurer des sujets destinés à être greffés, ou pour multiplier les variétés d’espèces qui se prêtent à ce genre de propagation. Dans ce dernier cas, il a l’immense avantage sur le semis de transmettre intégralement les propriétés et les caractères de l’espèce ou de la variété multipliée.

Le marcottage consiste à coucher en terre une branche ou un rameau pour favoriser l’émission de racines adventives sur la partie enterrée. Le rameau ainsi couché constitue une marcotte (fig. 15).

En général l’émission des racines suffisantes pour permettre à la branche ou au rameau de vivre de sa vie propre se fait pendant la première année de végétation. L’époque du marcottage la plus favorable est le printemps, en mars-avril, au moment de la reprise de la végétation active.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 15 : Marcottage ordinaire : sarment de vigne couché en terre dont l’extrémité libre est relevée à angle droit.

L’opération du marcottage est une des plus simples dans l’art de multiplier les plantes. Dans le plus grand nombre des cas, elle s’effectue à l’endroit même où se trouve la plante à marcotter. Pour la pratiquer, on ouvre à une certaine distance du pied mère une rigole, profonde de 8 ou 10 centimètres, au fond de laquelle on couche le rameau, dont l’extrémité libre est relevée autant que possible à angle droit (fig. 15). La rigole est ensuite comblée sur tout le parcours du rameau couché. Ce procédé de marcottage a reçu dans le langage des arboriculteurs le nom de marcottage simple, ou provignage lorsqu’il est appliqué à la vigne.

Toutefois il est bon de dire qu’on établit une petite différence entre le provin et la marcotte. Cette dernière est susceptible d’être détachée, sevrée, comme on dit, du pied mère, tandis que le rameau provin conserve toujours son point d’attache avec lui.

Comme on le voit, la différence est tellement subtile qu’on a peine à la remarquer. Si les rameaux sont assez longs et assez flexibles, comme cela se rencontre chez l’aristoloche, la glycine, etc., voire même la vigne, pour être ainsi couchés et relevés plusieurs fois dans une tranchée, de façon à former plusieurs arceaux au-dessus du sol, le mode de marcottage est alors appelé M. en serpenteaux ou M. en arceaux. Lorsque la partie enterrée a développé suffisamment de racines adventives pour qu’elle puisse vivre isolément, on sépare la marcotte du pied mère ; cette opération prend le nom de sevrage.

Enfin, un autre procédé de marcottage qui rend de très grands services en arboriculture fruitière dans la multiplication de quelques-unes de nos essences est celui qui est désigné sous le nom de Marcottage en cépée.

Pour le pratiquer, il suffit de supprimer, à 15 centimètres au-dessus du sol, au printemps, avant la reprise de la végétation, la tige d’un arbre, arbrisseau ou arbuste, pour provoquer l’apparition de nombreux bourgeons. Si la tige ainsi recépée porte quelques ramifications sur la partie restante, celles-ci sont ravalées à la serpette, tout près de leur insertion sur la tige.

Une tige ainsi réduite ne tarde pas à émettre, sur la partie conservée, de nombreux bourgeons adventifs qui prennent, dans la majorité des cas, assez de développement pour pouvoir être buttés vers le mois de juin. Alors on dispose de la terre bien émiettée en forme de butte autour de la tige, de manière à recouvrir la base de tous les bourgeons un peu lignifiés, sur une hauteur de 10 à 15 centimètres. À l’automne de la première année, quelquefois de la deuxième, chaque rameau a déjà émis des racines adventives sur son empâtement, en nombre suffisant pour permettre son isolement au moyen d’un éclatage et former un sujet distinct. Les cognassiers, les pommiers, paradis et doucin, les pruniers, mirabelliers et quetschiers se prêtent très bien à ce mode de marcottage.

Toutes les marcottes que l’on obtient au moyen des divers procédés que nous avons passés en revue, se plantent à racines nues après avoir été sevrées. Dans nombre de cas il peut être avantageux de planter en motte. Pour obtenir les marcottes dans des conditions permettant ce résultat, il suffit de faire passer le ou les rameaux à marcotter à travers les mailles d’un panier grossièrement tressé qu’on aura enfoui dans le sol et rempli de bonne terre.

Cette façon d’opérer, surtout pratiquée pour la vigne, permet de transporter la marcotte après sevrage à l’endroit même ou elle doit être plantée sans déranger en rien les racines.

Il y a des plantes dont les rameaux, sans être réfractaires au marcottage, émettent difficilement, dans la portion enterrée, des racines adventives.

Pour en provoquer la sortie, on fait subir aux rameaux en terre différentes mutilations. C’est ainsi que l’on incise longitudinalement ou transversalement le rameau, que l’on enlève circulairement une portion d’écorce, que l’on tord le rameau pour en briser les fibres, qu’on le fend de part en part.

Toutes ces pratiques ont pour objet de faire apparaître dans les endroits mutilés un nouveau tissu cellulaire d’où partiront les racines.

Ainsi pratiqué, le marcottage prend le nom de M. compliqué.

Le bouturage

Le bouturage est une des pratiques les plus employées en horticulture pour propager de nombreux végétaux. Comme le marcottage, il reproduit les caractères des espèces ou des variétés qui se prêtent à ce genre de multiplication.

Rigoureusement tous les organes des végétaux peuvent être bouturés ; l’essentiel est de les placer dans un endroit convenable où la chaleur, l’humidité, la lumière et l’air leur sont donnés dans des proportions qui varient suivant les espèces et les organes bouturés. Non seulement les organes en entier se prêtent au bouturage, mais encore des fragments d’organes quelquefois très réduits.

Théoriquement on entend par bouture une portion quelconque d’une plante que l’on place isolément dans un milieu approprié en vue de lui faire développer des racines adventives et quelquefois aussi en même temps des bourgeons adventifs.

En arboriculture fruitière, les parties bouturées des plantes sont surtout des rameaux ou des fragments de rameau.

Les espèces fruitières qui s’y prêtent le mieux sont : la vigne, le cognassier, les groseilliers et les pruniers myrobolan et autres. On a beaucoup parlé dans ces dernières années du bouturage du pommier comme moyen pratique de propager une variété connue ; il ne semble pas jusqu’alors démontré que ce soit un moyen qui réussisse sous tous les climats. Nous laisserons donc cette pratique de côté lorsque nous nous occuperons, au chapitre Cultures spéciales, de la multiplication du pommier.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 16 : Bouture de vigne avec sarment ordinaire. B. simple.

On choisira des rameaux d’un an, aoûtés, bien lignifiés ; la longueur de la bouture est variable suivant l’aptitude de l’espèce à émettre des racines adventives. La vigne, par exemple, se multiplie avec facilité au moyen d’un fragment de rameau muni d’un seul œil, de chaque côté duquel on ménage un centimètre de bois. La bouture ainsi faite est connue sous le nom de bouture anglaise ou bouture d’un seul œil (fig. 17).

Dans la majorité des cas, deux yeux enterrés et deux yeux hors du sol fournissent une longueur suffisante pour une bouture (fig. 16). Lorsque sur les rameaux les mérithalles sont très rapprochés, il est souvent avantageux de leur en laisser un plus grand nombre, pour donner plus de longueur à la partie enterrée et obtenir ainsi plus de fixité dans le sol ; mais, même dans ces conditions, on n’en laisse pas plus de deux ou trois hors de terre.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 17 : Bouture à un seul œil ou bouture anglaise.

Dans la vigne, les rameaux destinés à être bouturés sont souvent décortiqués sur une longueur correspondante à la partie qui doit être placée en terre, en vue de favoriser l’émission de racines adventives ; elle prend alors le nom de bouture écorcée.

Le bouturage se fait à l’automne ou au printemps.

Les rameaux coupés à l’automne après la chute des feuilles sont mis en bottes, puis enterrés le long d’un mur au nord, où ils restent jusqu’en mars ou avril, époque à laquelle ils seront piqués en pépinière à 15 ou 20 centimètres en tous sens, dans un sol meuble et bien préparé. L’endroit occupé par ces boutures est tenu propre

et exempt de mauvaises herbes. Un paillis de fumier aux trois quarts décomposé et des arrosages à propos sont les seuls soins d’entretien à leur donner.

Bien que les boutures d’un seul œil appliquées surtout à la vigne se fassent plutôt en serre ou sur couche chaude, elles peuvent cependant l’être en pleine terre sous cloches à bonne exposition. Dans ce dernier cas, il y a intérêt à les laisser passer un an en pépinière, à 25 centimètres en tous sens, avant de les planter en place.

Le greffage

En arboriculture fruitière il n’y a pas de procédé de multiplication qui puisse rivaliser d’importance avec le greffage. L’immense avantage qu’il a sur tous les autres, c’est de permettre la propagation de variétés d’espèces fruitières qui ne peuvent l’être par les autres méthodes précédemment étudiées. Indépendamment de cela, il permet, par le choix judicieux des sujets, de faire vivre et fructifier des variétés fruitières dans des conditions de milieu et de sol qui leur sont, sinon contraires, tout au moins peu favorables. C’est ainsi par exemple que nos variétés de cerisiers sont moins exigeantes sur la nature du sol, greffées sur Cerasus Mahaleb, ou cerisier Sainte-Lucie, que sur merisier, Cerasus avium ou Prunus avium. Il en est de même du poirier et du pêcher sur cognassier et sur prunier ; le greffage permet aux variétés de ces deux espèces de croître et de fructifier dans des terrains où ne vivrait pas l’amandier et où se comporterait mal le poirier franc.

Définition. — Le greffage est l’ensemble des opérations qui ont pour objet d’insérer une partie d’une plante, le greffon, sur une autre plante, le sujet, de façon à permettre à celui-ci de fournir au greffon les éléments essentiels, indispensables à son accroissement ; l’opération terminée est appelée greffe.

Théorie de la greffe. — La théorie de la greffe repose sur le principe suivant : Un végétal a la propriété, lorsque certaines parties de ses tissus sont mises au contact des mêmes tissus d’un autre végétal, de se souder et de faire corps avec lui. Cette propriété existe non seulement entre deux plantes entières, mais encore entre deux fragments de plantes, comme cela se fait dans la greffe-bouture de la vigne ; ce dernier cas est plutôt l’exception.

Conditions de réussite. — Il faut, pour que l’opération ait des chances de succès, que le greffage soit exécuté entre plantes dicotylédones, la greffe entre monocotylédones n’ayant jamais été observée. Les deux individus à greffer seront proches parents, même famille au moins ; ils pourront être de genres différents, comme pour le poirier et le cognassier, le pêcher et le prunier ; le greffage d’espèces et de variétés de même espèce entre elles n’offre aucune difficulté, la facile réussite de nos variétés de poiriers sur poirier sauvage en est une preuve évidente.

Ce n’est pas tout ; il est de la plus grande importance que les parties rapprochées, sujet et greffon, coïncident entre couches parfaitement définies. Il ne suffit pas en effet que le ligneux ou les parties herbacées du sujet (écorce) coïncident avec les parties herbacées du greffon ; il faut qu’il y ait rapprochement intime entre les couches génératrices des deux individus, seules capables de s’agréger ; or ces dernières peuvent se trouver plus ou moins éloignées de la périphérie des écorces, suivant l’épaisseur des couches libériennes.

En tenant compte de ces prescriptions et avec un greffon muni d’un ou de plusieurs yeux bien conformés, il ne manque plus que l’habitude pour réussir toutes les greffes. Une ligature pour maintenir les parties étroitement embrassées, et quelquefois l’application d’un engluement pour empêcher l’action de l’air sur les parties mises à nu terminent l’opération.

Dans l’exposé succinct que nous allons faire du greffage, nous passerons sous silence les quelques greffes qui ont été reconnues possibles et qui doivent être rangées parmi les bizarreries que présente parfois ce mode de multiplication ; ce serait sortir du cadre qui nous est réservé dans cet ouvrage que d’y insister.

Les outils et accessoires divers nécessaires pour le greffage.

Les outils dont nous allons parler d’une façon très sommaire servent non seule- ment à l’exécution des différentes greffes, mais aussi à la taille des arbres fruitiers ; une rapide description nous permettra de ne plus y revenir lorsque le moment sera venu d’exposer les opérations diverses de la taille.

Greffoir. — Le greffoir est un outil extrêmement précieux pour l’écussonnage et la préparation des greffons de toutes sortes ; on s’en sert aussi dans nombre de cas pour exécuter tous les genres de greffes sur de petits sujets ; la lame en est élargie à l’extrémité, la pointe est rejetée en arrière, et le manche est en spatule.

Serpette. — La serpette est un des outils dont on peut le moins se passer dans une pépinière ; elle sert à couper les rameaux-greffons, à parer les plaies, après le passage de l’égoïne et à exécuter de nombreuses greffes

C’est un des meilleurs outils pour la taille ; malheureusement, pour s’en servir avec adresse il faut en avoir une longue habitude.

Scie à main ou Égoïne. — L’égoïne déchire les tissus ; aussi doit-on s’en servir avec modération. Elle ne doit être employée que pour supprimer les grosses branches ou la partie supérieure des gros sujets ; encore doit-on toujours parer les plaies à la serpette.

Couteau à greffer. — Spécialement fait pour exécuter les greffes sur des sujets déjà forts, il n’est employé que lorsque la serpette est insuffisante pour fendre les tiges ou les branches.

Sécateur. — Très utile pour la taille et la récolte des greffons, jamais il ne faut l’employer dans la pratique des greffes, l’action du croissant sur les tissus ayant pour effet de les écraser.

Ligatures. — Sans être indispensables dans toutes les greffes, les ligatures sont nécessaires dans la majorité des cas pour maintenir le greffon plus intimement uni au sujet.

Les meilleures ligatures sont suffisamment élastiques pour se prêter au grossissement du sujet, sans s’allonger ou se raccourcir trop sous l’influence des variations atmosphériques.

Les plus employées sont : le coton, la laine, le Raphia, la Spargaine rameuse, l’écorce de tilleul et les vieilles cordes effilochées.

La laine est assez extensible, mais lorsqu’elle est arrivée à son dernier degré d’allongement elle résiste à l’accroissement du sujet et pénètre dans les tissus si l’on n’a pris soin de la couper avant.

Toutes les ligatures seront surveillées, défaites ou coupées, au moment opportun, dans tous les genres de greffage.

L’écorce de tilleul et la corde effilochée sont des ligatures dont l’emploi est presque exclusif sur des sujets forts.

Engluements. — Pour avoir le plus de chances de succès, il est prudent, après l’exécution de la plupart des greffes, d’abriter à l’aide de matières diverses les plaies occasionnées par l’opération. Deux engluements, très anciennement connus et qui rendent de grands services à la campagne, sont la terre glaise et l’onguent de Saint-Fiacre. La préparation du premier est des plus simples ; on prend de l’argile que l’on délaye jusqu’à consistance d’une boue épaisse, afin qu’appliquée tout autour de la greffe, elle y adhère sans couler. Il ne reste plus qu’à préserver cette argile, devenue malléable, à l’aide de vieux linge ou de mousse, pour que l’ardeur du soleil ne la crevasse pas ou que les pluies ne la détrempent au point de l’entraîner.

L’onguent de Saint-Fiacre s’applique de la même manière ; sa composition diffère de la précédente par l’adjonction d’un 1/3 de bouse de vache à 2/3 de terre glaise.

Nous avons maintenant les mastics à chaud et à froid dont les propriétés varient suivant les proportions de matières premières employées : cire, résine et saindoux, additionnés de cendre ou de poussière.

Nous donnons ci-dessous la recette pour la préparation de 2 mastics dont l’un s’emploie à chaud et l’autre à froid ; nous les empruntons au Traité de la taille des arbres fruitiers, par M. Hardy, ancien directeur de l’École nationale d’horticulture de Versailles.

Mastic à employer à chaud. — On fait fondre dans un vase de terre sur le feu 500 grammes de poix blanche de Bourgogne, 120 grammes de poix noire, 120 grammes de résine, 100 grammes de cire jaune, 60 grammes de suif ; on mélange le tout pendant la fusion. Chaque fois qu’on veut se servir de cette composition, on pose le vase qui la contient sur un feu doux, puis on l’applique avec une spatule ou un pinceau, lorsqu’elle est suffisamment liquéfiée, sans être trop chaude, afin de ne pas nuire aux tissus.

Mastic à employer à froid. — On fait fondre également sur le feu, et l’on mélange pendant la fusion, 500 grammes de cire jaune, 500 grammes de térébenthine grasse, 250 grammes de poix blanche de Bourgogne et 100 grammes de suif ; on en fait des bâtons que l’on enveloppe dans un linge ou du papier, et lorsqu’on veut l’employer, on en prend un morceau que l’on pétrit entre les doigts jusqu’à ce qu’il soit suffisamment ramolli. Les quantités de matières premières de ces deux com- positions, d’une résistance parfaite aux intempéries des saisons, sont diminuées ou augmentées à volonté.

Une troisième formule, qui se rapproche beaucoup du mastic l’Homme le Fort, nous a toujours donné de très bons résultats ; nous la recommandons vivement à l’attention de nos lecteurs. On fait fondre d’abord dans un même vase, sur un feu doux, au bain-marie si possible, 400 grammes de poix résine et 400 grammes de poix noire. Lorsque la fusion est terminée, on retire le mélange du feu pour y incorporer 100 grammes d’essence de térébenthine, puis 150 grammes d’alcool ; cette addition doit se faire lentement en remuant constamment à l’aide d’une spatule. Ceci fait, il ne reste plus qu’à ajouter à ce mélange 200 grammes de blanc d’Espagne, qui peuvent être remplacés par le même poids de cendre de bois tamisée. Il peut se faire que ce mastic soit trop fluide ou trop compact ; dans le premier cas on ajoute suffisamment de cendre ou de blanc d’Espagne pour le ramener au degré voulu ; dans le deuxième cas il suffit d’incorporer au mélange un peu plus d’alcool. Ce mastic s’emploie à froid en tous temps.

Différents procédés de greffage

Tous les procédés de greffage connus peuvent être classés dans trois groupes : Greffe par approche, G. par scion détaché ou individualisé et G. à un seul œil, appelée G. en écusson.

Le premier de ces groupes comprend tous les procédés dans lesquels les greffons ne sont isolés de la plante qui les porte qu’après certitude de l’accolement par le sujet ; la séparation, comme dans le marcottage, constitue le sevrage.

Dans le deuxième et le troisième groupe, les greffons sont isolés du pied mère avant l’opération du greffage, et insérés, avec toutes les précautions voulues, sur les sujets qui doivent fournir les éléments nécessaires à leur croissance. En général les greffes par scion détaché sont plus aléatoires, mais par contre aussi d’une exécution plus rapide.

1er GROUPE : Greffe par approche

Les greffes par approche sont très utiles et trouvent leur application en arboriculture pour remplir les places dégarnies de branches fruitières sur la charpente de nos arbres. Dans ce cas, le rameau greffon appartient le plus souvent à l’arbre même ou à la branche sur laquelle doit être faite la greffe.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 18 : Greffe en approche ordinaire. Détail de l’opération.

Elles servent aussi à relier entre eux les cordons de pommiers et de poiriers d’une même ligne (fig. 19 et fig. 21), à multiplier des espèces dont la soudure est plus difficile, quelquefois impossible, par tout autre procédé de greffage.

Greffe par approche ordinaire.

Pour l’effectuer, on ajuste le greffon, qui peut être herbacé, semi-ligneux ou ligneux, à l’endroit même où il doit être accolé ; après en avoir limité, avec la pointe du greffoir, la largeur sur l’écorce du sujet, sur une longueur dont l’opérateur est seul juge (5 ou 6 centimètres suffisent), on enlève cette lanière d’écorce, ainsi délimitée, sans toucher à l’aubier (fig. 18). Cela fait, on entaille le greffon sur une étendue correspondante, en largeur et en longueur, pour que les deux plaies juxtaposées coïncident parfaitement dans toutes leurs parties. Il ne reste plus ensuite qu’à appliquer une ligature pour maintenir le tout rapproché. Il est inutile d’engluer la plaie, le greffon tenant encore au pied mère.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 19 : Cordons de pommier soudés ensemble au moyen de la greffe en approche ordinaire.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 20 : Greffe en approche en arc-boutant. Détail de l’opération.

C’est une variante de la greffe en approche ordinaire. Elle diffère de la précédente par la suppression, à une certaine distance d’un œil ou d’un bourgeon, de la partie supérieure du greffon, qu’on a soin de tailler en biseau allongé pour pou- voir l’introduire avec facilité sous l’écorce du sujet incisée en forme de T renversé (fig. 20).

On ligature comme pour la greffe en approche ordinaire, en ayant soin de ne pas emprisonner l’œil, qui doit rester apparent entre les lèvres de l’écorce. Quatre ou cinq mois après, la reprise est assurée. On pourrait alors isoler le rameau greffon de son point d’attache ; cependant il est prudent d’attendre le printemps et, dans nombre de cas, l’automne de l’année suivante.

La greffe par approche se pratique pendant tout le cours de la végétation active, du mois d’avril au mois de septembre.

Haricot à l'état d'embryon.

Figure 21 : Cordons de pommier soudés ensemble au moyen de la greffe en approche en arc-boutant.

2e GROUPE : Greffe par rameaux détachés

Les différents modes de greffage qui rentrent dans ce groupe comportent tous, comme caractères communs, des greffons détachés du pied mère avant d’être insérés sur le sujet. Mais il n’en est plus de même des détails d’exécution, qui varient pour ainsi dire à l’infini et qui ont donné lieu de ce fait à un grand nombre de procédés de greffage qui sont loin d’avoir tous la même importance. Les principaux sont : la greffe en fente, la greffe en couronne, la greffe en incrustation et la greffe anglaise.

Dans toutes ces greffes, le greffon doit avoir une longueur en rapport avec le nombre d’yeux qu’on lui conserve. Un seul œil suffit à la rigueur ; on en laisse le plus souvent deux et au maximum trois, un plus grand nombre est plutôt nuisible qu’utile.

Haricot à l'état d'embryon. Haricot à l'état d'embryon. Haricot à l'état d'embryon.
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Figure 22 : 1 : Greffe en fente simple ; 2 : Sujet fendu pour l’introduction du greffon ; 3 : Greffon taillé pour la greffe en fente.

Greffe en fente simple (fig. 22-1)

La partie supérieure du sujet est supprimée à une certaine hauteur au-dessus du sol, à l’aide de la serpette ou de la scie ; dans ce dernier cas, la plaie est parée avec un outil tranchant.

La coupe est faite plane ou en biseau, taillée en bec de flûte. Après avoir fendu le sujet (fig. 22-2), autant que possible, d’un seul côté, avec un outil en rapport avec sa grosseur, greffoir, serpette ou couteau à greffer, on taille la partie inférieure du greffon en forme de double biseau, aminci d’un côté comme la lame d’un couteau ordinaire, sur une longueur de 3 ou 4 centimètres (fig. 22-3). On introduit ainsi le greffon dans la fente du sujet maintenue ouverte à l’aide de la pointe de l’outil, ou un coin de bois, en ayant soin de faire coïncider ensemble les couches génératrices. Il ne reste plus qu’à ligaturer et à enduire la plaie de mastic.

Greffe en fente double (fig. 23)

Le sujet, après avoir été étêté, est fendu de part en part, suivant une ligne diamétrale aux extrémités de laquelle on place un greffon taillé et placé comme il a été dit pour la greffe en fente simple.

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Figure 23 : Greffe en fente double.

Au lieu de placer deux greffons, on pourrait en placer quatre, aux extrémités de deux fentes qui se couperaient à angle droit sur l’axe du sujet. La ligature et le mastic sont de rigueur.

Greffe en couronne (fig. 24)

Quoique la greffe en couronne puisse être utilisée pour greffer de petits sujets ; son application est plus spéciale aux arbres déjà âgés, à écorce rugueuse et déjà épaisse. Son nom lui vient de la disposition des greffons, toujours relativement nombreux, placés en cercle sur le sujet.

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Figure 24 : Greffe en couronne. Détail de l’opération.

Le sujet est d’abord coupé horizontalement à la scie ; après avoir soigneusement paré la plaie à la serpette, on prépare les greffons, qui doivent être munis de deux ou trois yeux au maximum ; ces greffons sont taillés en biseau à plat d’un seul côté, sur une longueur de 2 centimètres 1/2 à 3 centimètres (fig. 24). Ainsi préparés, on les enfonce entre l’écorce et l’aubier de façon à faire coïncider la partie taillée de chaque greffon avec l’aubier du sujet. Le nombre des greffons à placer est plus ou moins grand, suivant la grosseur du sujet ; en tout cas, il doit exister entre eux une distance de 3 à 4 centimètres.

Sur la tige ou les branches des individus très âgés, l’écorce est tellement épaisse qu’il est souvent difficile d’enfoncer le greffon entre l’écorce sans avoir, au préalable, préparé son logement. Dans ce cas, on marque l’emplacement de chaque greffon en dilatant l’écorce à l’aide d’une spatule en bois dur ou en ivoire. Aussitôt après le greffage, il faut ligaturer et engluer.

Greffe anglaise (fig. 25)

Depuis qu’on cherche à lutter contre les ravages du phylloxéra en lui opposant le système radiculaire des vignes américaines, plus résistant que celui de nos cépages français, la greffe anglaise a pris une extension considérable pour greffer nos vignes françaises sur vignes américaines.

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Figure 25 : 1 : Greffe anglaise, bouture de vigne ; 2 : Greffe anglaise, bouture de vigne. Détail de l’opération.

Le grand mérite de ce procédé est de fournir de nombreux points de contact susceptibles de s’agréger et de fournir une grande solidité. La greffe anglaise est surtout utilisée lorsque le sujet et le greffon sont de même grosseur.

Greffons et sujets doivent être taillés de la même manière : en biseau très allongé et sous le même angle (fig. 25-2), pour qu’étant ajustés celui-là semble être le prolongement de celui-ci (fig. 25-1).

Au tiers supérieur de la pointe de chaque biseau, on pratique à l’aide du greffoir une fente profonde de 2 cent. 1/2 à 3 centimètres ; les languettes qui en résultent sont introduites l’une dans l’autre, en prenant soin de faire coïncider les couches génératrices, au moins d’un seul côté si le greffon n’est pas de même diamètre que le sujet. Il ne reste plus qu’à ligaturer et engluer.

Greffe en incrustation

La greffe en incrustation est excellente aussi ; elle demande seulement un peu d’habitude pour être bien faite. Dans quelques établissements, son emploi est général pour la multiplication des arbres et arbustes de toutes sortes.

Après avoir supprimé la tête du sujet, on pratique sur celui-ci une entaille triangulaire de forme telle qu’elle puisse recevoir un greffon taillé en coin. Le greffon, auquel on conservera la même longueur que pour les autres greffes, doit remplir exactement l’entaille faite sur le sujet. Bien faite, c’est une excellente greffe dont il ne reste pas trace de soudure. Comme pour la précédente, une ligature et l’emploi du mastic sont nécessaires.

Époque du greffage par rameaux détachés n’est pas fixée dans le temps. On pourrait, à la rigueur, greffer toute l’année. Seulement l’époque la plus habituelle est le printemps, en mars et avril ; à l’automne elle donne de moins bons résultats dans beaucoup de cas.

Les greffons seront des rameaux d’un an bien aoûtés, lignifiés, récoltés sur des arbres sains, vigoureux, possédant bien les qualités que l’on veut transmettre. Leur récolte se fera avant l’hiver, après la chute des feuilles, fin novembre, décembre, pour les greffes devant être faites au printemps. Tous ces rameaux, réunis en bottes étiquetées soigneusement, passent l’hiver enterrés le long d’un mur au nord, abrités de feuilles ou de grandes litières.

Pour les greffes d’automne, les greffons sont récoltés au moment du greffage, en septembre ; on a la précaution d’enlever aussitôt les feuilles

3e GROUPE : Greffe en écusson

La greffe en écusson (fig. 26-1) est une de celles qui rendent les plus grands services au pépiniériste dans la multiplication de nos espèces fruitières. C’est la plus expéditive, la plus solide et celle qui donne les meilleurs résultats.

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Figure 26 : 1 : Greffe en écusson ; 2 : Écusson prêt à être inséré sous les écorces..

L’écusson est un lambeau d’écorce assez étroit, muni d’un œil (fig. 26-2) ; il représente le dernier degré auquel on puisse arriver comme longueur du greffon. L’extrémité des sujets ou des branches à greffer n’est pas supprimée ; on greffe en tête ou en pied.

Pour détacher ce lambeau d’écorce, ou écusson, il faut prendre de la main gauche le rameau greffon, placer l’index, pour former point d’appui, sous l’œil qui doit être enlevé ; puis, le maintenant ainsi fixement, on place le pouce de la main droite à 2 centimètres environ de la base de l’œil qui doit être enlevé, de manière à permettre aux autres doigts d’avoir toute liberté d’action pour ajuster la lame à 1 centimètre au-dessus de l’œil et la faire mouvoir de haut en bas, à la façon d’une scie, entre l’écorce et le bois, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée auprès du pouce de la main droite.

L’écusson ainsi séparé du rameau doit présenter à sa face inférieure une légère esquille d’aubier, pas trop épaisse, car si elle l’était, il faudrait l’enlever par un mouvement vif de haut en bas, en faisant attention que l’œil ne soit pas vidé. Dans cette dernière hypothèse, il ne faut pas hésiter à lever un autre écusson, car la reprise n’aurait aucun résultat.

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Figure 27 : 1 : Écorce du sujet incisée en forme de T ; 2 : Écusson logé sous l’écorce.

L’écusson préparé comme il vient d’être dit, il ne reste plus qu’à le poser. Rien de plus facile : il faut d’abord choisir l’emplacement sur une partie bien lisse du sujet, puis pratiquer à cet endroit une double incision en forme de T (fig. 27-1). Ces deux incisions faites, les lèvres de l’écorce écartées à l’aide de la spatule du greffoir, on saisit l’écusson entre le pouce et l’index de la main gauche et on le pousse dans l’intervalle laissé par les lèvres de l’écorce entr’ouvertes, jusqu’à ce que la partie supérieure du greffon soit entièrement logée (fig. 27-2).

Une ligature de spargaine, de raphia, de coton ou de laine rapproche les lèvres et termine l’opération.

Époque de l’écussonnage

Choix des écussons. Cette greffe se fait au début de la végétation, en avril-mai ; elle est dite alors greffe à œil poussant, parce que l’œil s’accole presque aussitôt et pousse la même année.

La greffe se pratique encore en juillet, août, septembre, époques auxquelles la végétation commence à se ralentir chez nos espèces fruitières. Dans ce dernier cas, l’œil ne se développe que l’année d’après ; c’est pourquoi on lui donne le nom de greffe à œil dormant. Celle-ci est bien plus usitée que la première dans la multiplication de nos variétés d’arbres à fruits.

Les écussons sont pris sur des rameaux de l’année précédente, récoltés à l’automne ou pendant l’hiver, et conservés en cave, ou enterrés à l’abri d’un mur à l’exposition du nord, pour les greffes à œil poussant. Les écussons devant servir aux greffes à œil dormant proviennent, au contraire, de rameaux récoltés au moment même de l’opération, sur ceux de l’année, choisis parmi les mieux aoûtés. Aussitôt après les avoir recueillis, il est important de supprimer le limbe des feuilles, surface évaporante, tout en conservant une partie du pétiole qui facilite le maniement de l’écusson. À un autre point de vue, le pétiole a encore une autre importance : il nous permet de reconnaître plus tard, à son inspection, la reprise de la greffe. En effet, dix ou quinze jours après le greffage, si le pétiole se détache avec facilité, sous la simple pression du doigt, on est presque assuré de la réussite ; au contraire, s’il résiste et qu’il soit ridé, la réussite est douteuse : il y a beaucoup à parier que l’écusson ne se soudera pas.

Les greffons récoltés en pleine végétation sont conservés à l’ombre, entourés d’herbe ou de mousse fraîche, ou enroulés dans une toile mouillée en attendant le moment de leur utilisation.

Soins à donner aux écussons. Pendant la végétation, la surveillance se porte surtout sur les ligatures, qui doivent être supprimées quand on aperçoit qu’elles étranglent le sujet.

Dans la greffe à œil poussant, lorsque l’œil commence à se développer, il faut supprimer la partie du sujet qui se trouve au-dessus de lui, en plusieurs fois, ce qui est préférable, tout en conservant un onglet de 10 à 12 centimètres pour redresser le bourgeon et le protéger le cas échéant.

La suppression de la partie supérieure du sujet dans la greffe à œil dormant se fait en une seule fois au printemps de l’année qui suit celle du greffage. Comme pour celle du printemps, on ménage un onglet qui servira à accoler le bourgeon lorsqu’il aura 15 ou 20 centimètres.

Il est rare que cet onglet ne produise pas sur toute sa longueur des bourgeons adventifs ; laissés en liberté, ils nuiraient considérablement au développement de la greffe ; il est donc important de les supprimer, à l’exception des deux ou trois supérieurs, qui seront pincés, pour entretenir juste assez de vie dans l’onglet pour l’empêcher de se dessécher.

L’onglet est supprimé à la serpette ou à la scie au printemps de la deuxième année.

Greffe de boutons à fruits

L’écorce de la branche sur laquelle doit être faite l’opé- ration est incisée en forme de T ou en incision cruciale (+), ce qui vaut mieux ; après avoir écarté les lèvres corticales, on glisse l’écusson dans son logement. La greffe de bou- tons à fruits se fait dans les mêmes conditions que l’écus- sonnage. Elle se pratique principalement sur les branches de charpente, directement ou sur les branches fruitières fortes (gourmandes) des poiriers ou des pommiers dénu- dés de branches fruitières ou momentanément infertiles (fig. 28-1). L’époque habituelle pour l’exécuter est juillet et août. On choisit, sur un arbre de même variété ou de va- riété différente, des dards renflés (fig. 28-2), portant sept ou huit feuilles et dont l’aspect extérieur fait présumer qu’ils se transformeront en lambourdes l’année suivante.

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Figure 28 : 1 : Greffe de boutons à fruits sur branches dénudées ou privées de productions fertiles ; 2 : Dard, à l’aspect extérieur d’une lambourde, préparé à être introduit sous les écorces d’une branche ou d’une ramification.

Ces dards sont détachés de la branche mère de la même manière que les écussons ordinaires, dont ils ont le même aspect général, ils sont seulement plus longs et plus larges. Le limbe de leurs feuilles est également supprimé.

Ce dard ou cette lambourde, comme on voudra, est la branche fruitière réduite à sa plus simple expression. Considérée comme telle, elle pourrait être plus compliquée, c’est-à-dire porter deux ou trois dards au lieu d’un (fig. 29), ce qui n’empêche pas de l’insérer de la même manière que celle réduite à un seul bouton, en ayant soin toutefois de choisir des jeunes branches ayant un talon à la base, pour qu’une fois appliquée elle fasse un angle assez ouvert avec la branche qui doit la porter

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Figure 29 : Petite ramification portant plusieurs lambourdes préparée pour greffage.

Il est regrettable que la greffe de boutons à fruits ne soit pas d’un emploi plus général sur les arbres rebelles à la fructification, car c’est un des meilleurs moyens d’utiliser leur force en les obligeant à porter des fruits qu’on attendrait souvent en vain des autres procédés employés par les arboriculteurs.