Des terres et de tout ce qui se rapporte au sol

Nous ne connaissons et il n'y a, en effet, que trois sortes de terre en culture maraîchère à Paris, que nous distinguons par les noms de terre forte, terre meuble et terre sableuse : la première est celle dans laquelle l'argile domine, c'est la plus difficile à travailler ; la seconde est celle où l'argile et le sable, soit calcaire, soit séléniteux, soit siliceux, sont dans les rapports les plus convenables pour former une terre facilement divisible ; la troisième est celle où le sable siliceux, surtout, entre avec excès et détruit la cohésion nécessaire. Chacune de ces terres a ses avantages et ses inconvénients dans la culture maraîchère.

La première, par sa compacité, s'échauffe difficilement aux premières chaleurs du printemps, reste froide et tardive ; mais, dans l'été et l'automne, les gros légumes, tels que chou-pomme, chou-fleur, artichaut, cardon, etc., y poussent avec vigueur, si l'on a soin d'en biner souvent la surface, pour l'empêcher de se fendre et de se crevasser, ou de la couvrir d'une couche de paillis. Cette terre, conservant aisément sa fraîcheur, ne demande pas à être arrosée aussi fréquemment que les autres, et les engrais qu'on lui donne doivent être du fumier de cheval tout au plus à moitié consommé et du terreau qui a déjà servi.

La seconde sorte, la terre meuble, est la plus favorable à toute espèce de légumes ; elle ne craint guère la sécheresse ni l'humidité ; d'ailleurs on la préserve de la première par le paillis, dont l'usage est général dans la culture maraîchère, et l'engrais qu'il lui faut est un fond de couche ou de terreau gras.

À propos de terreau gras, nous devons faire ici une observation : c'est que, par la manière dont nous travaillons nos couches et les arrosons pour en obtenir plusieurs saisons, le fumier se consomme entièrement dans l'année et se convertit en un terreau véritablement gras qui, mélangé avec celui dont les couches étaient chargées, revivifie celui-ci et lui rend la fertilité qu'il peut avoir perdue en nourrissant jusqu'à quatre saisons de légumes. Dans les jardins bourgeois, où on ne travaille pas comme nous, le fond de couche n'est jamais gras ; c'est un fumier plus ou moins sec, plus ou moins brûlé, qui ne serait bon qu'à faire un paillis, si on paillait dans les jardins bourgeois.

La troisième sorte, la terre sableuse ou qui manque de cohésion, s'échauffe aisément aux premières chaleurs du printemps ; la végétation s'y manifeste plus tôt que dans les autres terres, les récoltes printanières y sont plus précoces et de bonne qualité ; mais, dans l'été, la végétation y languit, parce-que cette sorte de terre s'échauffe et se dessèche trop ; ses produits deviennent coriaces et montent avant le temps. Une telle terre, quoiqu'elle soit des plus faciles à labourer et à dresser, est pourtant des plus coûteuses, étant cultivée en culture maraîchère, parce qu'après le printemps il faut la couvrir d'un paillis plus épais et lui donner des arrosements beaucoup plus nombreux, et que, quoi que l'on fasse, les légumes n'y viennent jamais aussi forts ni aussi beaux que dans une terre plus consistante. L'engrais qui lui convient le mieux est le fumier de vache. C'est dans les années trop humides pour les autres terres que celle-ci donne le maximum de son produit.