Des substances améliorantes employées comme engrais, amendements stimulants

Les jardiniers-maraîcher d'aujourd'hui, comme sans doute étaient ceux du temps passé, ne connaissent pour engrais et stimulant que le fumier, l'eau et la chaleur ? rien de plus. Plusieurs d'entre nous se rappellent, pourtant, avoir vu employer les balayures des rues de Paris pour améliorer la terre de certains marais ; mais cet usage est abandonné depuis longtemps par les maraîchers dans l'enceinte de là capitale, quoiqu'il soit toujours suivi, et avec raison, dans la petite culture des environs.

Nous l'avons déjà dit, il n'y a que les maraîchers qui ne font pas de primeurs et, par conséquent, pas de couches, qui soient obligés d'acheter du fumier exprès pour fertiliser leur terre ; mais la grande majorité d'entre nous n'en achète jamais pour cet usage ; nos couches à melons dans les tranchées nous fournissent le paillis, et nos couches à melons sur terre nous fournissent le terreau nécessaire à nos cultures; et, comme nous enterrons en labourant trois ou quatre paillis et autant de terreautages chaque année, cela suffit pour entretenir la fertilité de la terre de nos marais, qui, comme on sait, produisent de plus gros et de plus beaux légumes que dans toute autre culture. Nos arrosements abondants et fréquents, nos paillis qui tiennent la terre fraîche et empêchent les mauvaises herbes de croître, le soin que nous avons de sarcler et biner à propos, contribuent aussi beaucoup à la beauté de nos légumes.

Après cet aperçu général, nous allons faire connaître comment nous obtenons le paillis et le terreau dont nous nous servons, l'usage que nous en faisons et les effets que nous en attendons.


Paillis

On forme les paillis avec du fumier de cheval, très court, à moitié consommé. Nous pouvons l'obtenir de trois manières :

  1. du fumier de vieilles couches à melons, qui ont été faites dans des tranchées ;
  2. de vieilles meules à champignons, qui ne rapportent plus ;
  3. des débris de nos tas de fumier neuf, quand nous les démolissons pour faire nos couches.

Tous ces fumiers courts et à moitié consommés se secouent avec une fourche, pour en faire tomber ce qui est trop consommé, et ce qui ne l'est pas trop forme les paillis.

Usage du paillis

Chaque fois que nous labourons une planche et que nous l'avons dressée et râtelée, avant de la planter, nous étendons dessus une couche de paillis épaisse de 6 à 8 millimètres, et de manière à ce que la terre en soit parfaitement couverte, après quoi nous la plantons.

Bons effets du paillis

Un paillis empêche la surface de la terre de sécher, de se crevasser ou de se fendre ; il la tient fraîche; il fait que l'eau des arrosements ne s'écoule ni à droite ni à gauche, qu'elle pénètre à l'endroit où on l'a versée, et s'oppose à son évaporation. Sans paillis, nous serions obligés de tripler les arrosements, et encore les légumes ne viendraient pas aussi bien.

Cependant le paillis a, selon nous, un petit inconvénient, qui fait qu'on ne doit pas le répandre sur les planches avant la fin d'avril ou le mois de mai; c'est qu'il attire l'humidité plus que le terreau; que, si des légumes tendres sont plantés de bonne heure, des laitues, par exemple, dans une planche couverte d'un paillis, les petites gelées tardives du printemps leur feraient plus de mal que si elles étaient dans une planche couverte de terreau ; c'est pourquoi nous terreautons, mais ne paillons pas les planches ou côtières que nous plantons avant la fin d'avril.

Terreau, terreautage

Le terreau qu'on emploie dans la culture maraîchère provient du fumier consommé des couches que nous faisons sur terre. Ces couches, produisant plusieurs saisons, sont aussi labourées plusieurs fois, fortement arrosées, et, à l'automne, leur fumier se trouve entièrement décomposé, changé en terreau gras; alors nous le brisons avec une fourche, en le mêlant avec celui qui était sur la couche; nous le mettons en tas, et nous nous en servons ensuite pour mettre sur de nouvelles couches et pour faire nos terreautages.

Les couches que nous faisons dans des tranchées se chargent ou se couvrent avec la terre du sol ; nous en dirons la raison plus tard : mais celles que nous faisons sur terre se chargent avec du terreau, et nous en mettons sur le fumier l'épaisseur d'environ 13 ou 14 centimètres. C'est sur ce terreau, au moyen de châssis, que nous faisons nos cultures précoces, que nous semons des radis, des carottes, de la chicorée sauvage; que nous plantons des romaines, des laitues, de la chicorée frisée, des choux-fleurs, etc.

Le terreau nous sert aussi pour terreauter les planches que nous plantons avant le mois de mai ; nous l'étendons, de l'épaisseur de 2 ou 3 millimètres, sur la terre et de manière qu'elle en soit également couverte. Nous terreautons encore en d'autres saisons, comme on le verra plus tard; mais, dans le commencement du printemps, nous préférons le terreau au paillis pour couvrir nos planches, parce qu'il n'attire pas l'humidité comme le paillis, que sa surface se sèche aisément et que les plantes de la planche sont moins exposées à être fatiguées par les petites gelées tardives. Au moyen des arrosements, les parties alimentaires du terreau et du paillis se dissolvent, sont entraînées par l'eau dans la terre, nourrissent les plantes, jusqu'à ce qu'ils soient eux-mêmes enfouis et profitent à une nouvelle saison.