Des eaux pour les arrosements

Jusqu'à présent, les jardiniers-maraîchers, dans l'enceinte de Paris, se servent d'eau de puits pour leurs arrosements. Cette eau est limpide, mais dure et froide. Si, étant tirée du puits, elle séjournait à l'air dans un bassin ou réservoir, elle serait meilleure pour les arrosements ; mais l'usage des bassins n'est pas encore admis chez les maraîchers de Paris. Ils ont des tonneaux à moitié ou aux trois quarts enterrés aux endroits les plus convenables dans leurs marais, pour recevoir l'eau qui leur arrive d'un puits par un tuyau souterrain , muni d'autant d'embranchements qu'il y a de tonneaux à remplir. Les marais où l'eau se rend dans les tonneaux, au moyen de caniveaux, sont très-rares aujourd'hui.

Il y a des quartiers dans Paris où l'eau de puits est un peu séléniteuse ; quelques fleuristes s'en plaignent; mais nous ne connaissons aucun maraîcher qui dise que l'eau de son puits ne vaut pas celle des autres puits.

Nous savons que l'eau de nos puits est trop froide et que, si elle était à la température de l'eau de rivière, elle serait bien meilleure pour nos arrosements; mais nous sommes obligés de l'employer telle que nous l'avons : seulement l'expérience nous a appris que quelques légumes, à certaine époque de leur croissance, la craignent quand le soleil luit chaudement.

Il est généralement reconnu que les arrosements du matin et du soir sont les meilleurs. Le soleil venant échauffer la terre arrosée le matin, les plantes, sans aucun doute, doivent s'en trouver bien. Les arrosements du soir sont bons en ce que les plantes ont soif après une journée chaude, en ce que l'eau a le temps de pénétrer pendant la nuit et de rafraîchir les racines des plantes avant d'être excitée à s'évaporer au soleil du lendemain; mais, quand les nuits deviennent froides et longues, les arrosements du soir ne sont plus d'un aussi bon effet, ils peuvent, au contraire, ralentir ou suspendre la végétation, par la fraîcheur de leur eau jointe à celle de la nuit.

Les arrosements du matin et du soir ne suffisent pas chez les maraîchers de Paris; ceux-ci sont souvent obligés d'arroser toute la journée, même par un
soleil très brûlant, avec leur eau très froide, et c'est dans ce cas qu'ils ont reconnu que le contact du froid et du chaud était préjudiciable à quelques légumes dans un certain état de croissance. Ainsi, quoiqu'il soit de règle, parmi nous, qu'on peut arroser, le matin et toute la journée, toute espèce de légumes non encore parvenus aux trois quarts de leur croissance, il en est d'autres, cependant, qui, arrivés au même point, ne peuvent plus être arrosés, sans dommage, avec de l'eau froide comme celle de nos puits, quand le soleil darde ses rayons avec force; tels sont les melons, les cornichons, les romaines près de se coiffer, les scaroles, les chicorées bonnes à lier. L'eau froide, jetée sur une romaine échauffée par le soleil la fait moucheter, en terme de maraîcher.