Les pommiers et les poiriers sur franc

Dans les vallées du Rhône, de la Durance, de la Garonne, le Crau (?) irriguée, le Vaucluse, on voit se planter d’immenses vergers en golden delicious, en y plantant des scions le plus souvent, à des écartements de l’ordre de 10 m, et tels des baobabs ils deviennent en quelques années de puissants arbres couverts de fruits et dont les racines atteignent des profondeurs que les herbes ne peuvent explorer, les vergers étant alors enherbés en permanence et des biolos pas trop bornés font de même en Angleterre, en Allemagne sur diverses sortes de terrain.

Mais on voit beaucoup la haie fruitière en Anjou, Touraine, sur les hauteurs dominants les vallées du Sud-Est et en général aussi les régions de vignobles qui retrouvent dans la haie fruitière la technique habituelle d’entretien du sol par chaussage et déchaussage... On le retrouve aussi dans le Nord où elle répond au besoin de produire vite de nouvelles variétés de pommes.

LA HAUTEUR DES TIGES DES ARBRES CONDUITS EN PLEIN VENT

Elle est classiquement de 1,80  m à 2,20  m (hautes tiges), il semble que cette hauteur excessive ait été surtout adoptée pour empêcher, dans les pré-vergers, les bestiaux d’atteindre les branches, ou pour faciliter le passage des attelages, et travailler le pied des arbres (le sacro-saint déchaussage rechaussage).

Dans les vergers industriels, on greffe souvent beaucoup plus bas, afin de faciliter la cueillette et les traitements. On forme alors ce qu’on appelle les demi-tiges ou des basses tiges.

Notons que les formes très basses présentent quelques inconvénients : Sensibilité plus grande aux gelées, fruits situés trop près du sol et de moins bonne conservation. Les avantages : protection contre le vent et facilité de cueillette. D’autre part le soleil méditerranéen provoque de nombreux accidents par brûlure d’écorce sur les tiges trop élevées. Il faut donc rechercher en fait une forme de boule naturelle : un tronc pas trop grand, plutôt court et dont les branches basses ont été soigneusement conservées.

ÉCARTEMENTS

Pommier :

Pommier.

Considérons maintenant le cas d’une plantation analogue, mais devant être soumis à la taille, par exemple avec formation en fuseaux (poiriers).

On peut alors prévoir pour chaque arbre une dimension réduite, pratiquement obtenue en 10-12 ans et à partir de ce moment, le verger donnera déjà son plein rendement.

Traitements et cueillettes seront faciles à exécuter et les tailles en diminuant la croissance des parties aériennes (l’allongement des branches) permettront aux racines de prendre de l’avance sur les parties aériennes, ceci pour les espèces à forte vigueur de végétation greffées sur porte-greffe faibles.

Ce qui donnera des fruits plus gros et une bonne récolte, même en année peu favorable.

Pommier.
Deux poiriers âgés de 12 ans: à gauche en fuseau sur porte-greffe faible ; à droite Laissé à lui-même ou à peine taillé.

Les fuseaux seront formés et occuperont le terrain en 10 ans, quoiqu’une taille exagérée ralentisse le développement des arbres. Là où les plein-vent n’occuperont tout le terrain qu’après 30 ans.

D’après cette expérience, les récoltes des 5 premières années sont 2 fois plus faibles sur l’arbre sèverement taillé que sur l’autre, et par la suite les différences furent moins importantes, surtout si on les rapporte au m2 ou à l’hectare. Mais il est concevable que la stérilité des poiriers est souvent due à une taille exagérée.

Le but de la taille sévère du poirier est de favoriser l’obtention de couronnes nombreuses, tout en favorisant leur éclairement.

De surcroît la taille diminue le poids total de la récolte moyenne, beaucoup d’observateurs l’ont constaté et c’est logique puisque la taille retranche une grande partie du travail de la végétation...

Ce qui augmente les chances de production rapide et tout en préparant l’arbre à rester petit. Notons que la taille n’augmente pas le rendement de fruits/arbres, au contraire elle le diminue mais permet de planter serré.

  1. Culture en plein vent : 100 arbres/ha
  2. Gobelets ou fuseaux : 600 à 800 arbres/ha
  3. Formes plates à palisser : 2700 arbres/ha (attachées sur treillage de fil de fer)

Tout compte fait l’intérêt au capital engagé sera à peu près le même.

Les formes plates présentent peut-être l’intérêt d’assurer un éclairement égal à toutes les feuilles, mais ces formes plates exigent l’installation de fils de fer ou de treillages qui exigent une mise de fond très élevée et le prix des arbres à acheter est également très élevé : 2700 arbres par ha ça finit par douiller... Évidemment, cela implique de greffer sur porte greffe affaiblissant : cognassier pour les poiriers et doucin ou paradis jaune pour les pommiers.

N.B : On taille surtout les arbres fruitiers à pépins : pommiers et poiriers, qui sur franc, et en haute tige, ont une grande lenteur d’entrée en production. Ils ne deviennent adultes qu’à 30 ans... et encore...

Le problème se pose beaucoup moins pour les fruits à noyaux (cerisiers, abricotiers, pruniers, pêchers).

La taille est un moyen artificiel de faire entrer en production un arbre.

EXPÉRIENCE : STATION DE RECHERCHE FRUITIÈRE DE PONT DE BOIS, EN SOLOGNE

Le verger a été planté en 1943 (scions d’un an).

Il s’agissait d’arbres en formes libres et plantés à grand écartement, greffés sur franc et de grande vigueur et très productifs dans l’ensemble. Variété américaines, golden, boskoop, et reine des reinettes.

On a commencé à récolter les fruits en 1950.Les années 1950, 51, 52 n’ont donné que de petites productions souvent insignifiantes :

Par contre, en 1953, 54, 55, les arbres se sont très bien chargé et l’on a eu la satisfaction de voir, dans ces sols pauvres, des sujets encore jeunes, à 10 ans, donner de 350 à 400 kg de fruits/arbre.

Cependant en 1956, la récolte n’a pas eu lieu à cause d’une gelée à -5°C le 7 avril, qui a détruit les bourgeons au stade «bourgeon éclaté».

Le verger expérimental du Pont au Bois comporte au total 250 pommiers basse-tige greffés sur franc. Ils ont été plantés en scions d’un an, en février 1943 et étaient âgés de 7 ans lorsqu’ils ont commencé à produire.

Plantation en quinconce à 10 x 10 m d’écartement ce qui donne un peuplement de 100 à 125 arbres/ha.

Pendant les 7 premières années suivant l’implantation, les arbres ont surtout développé leur système ligneux et foliaire.

Dès 1949 (arbres âgés de 6 ans) la floraison a de nouveau été importante et une première récolte (faible) a pu être enregistrée.

Pendant les 5 années suivantes, de 1951 à 1955, (arbres âgés de 8 à 12 ans) le développement de la charpente des arbres a continué de plus belle et ceux-ci sont devenus très grands, se rejoignant presque d’une ligne à l’autre.

La floraison a été normale durant cette période et les récoltes ont augmenté chaque année considérablement. Pour arriver finalement, en 1955, à une valeur statistique, pour l’arbre moyen du verger (alors âgé de 12 ans) de 276 kg de pommes / arbres.

Avec des sujets qui ont atteint des rendements maximum de l’ordre de 420 kg de pommes/arbres soir des rendements de 30 t/ha à la 12e année de plantation.

Conditions pédologique défavorables : faible pluviométrie, moyenne annuelle 535 mm avec une sécheresse estivale aggravée par des sols sablonneux à faible rétention d’eau.

ENTRETIENT DU VERGER

Jusqu’en 1947, arbres étant encore petits, un seigle a été semé à l’automne et enfoui au printemps à titre d’engrais vert (avec des disques).

À partir de 1947, non culture du sol, aucune façon culturale n’a été faite dans le verger. Un mulching permanent a été apporté, 10 t de pailles de céréales/ha/an épandues chaque hiver.

En cours d’année, on fauche simplement 2 ou 3 fois les adventices qui sont ensuite laissées sur place. Les décompositions sont très rapides. De plus, le verger recevait, en fin d’hiver, une fumure de base NPK :

*N aidant la paille à se décomposer (C/N) de sorte que la paille du mulch se décompose très vite.

De plus, une irrigation d’appoint, conjointement au mulching a permis de franchir des pointes de sécheresse, si souvent dangereuses au Sud de la Loire avec ces sols très légers.

Notons aussi que le mulching permanent a renforcé considérablement l’état de santé du verger.